Roi Ours
de Mobidic

critiqué par Blue Boy, le 15 juin 2015
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Ode à la tolérance
A première vue, "Roi Ours", signé de Mobidic, jeune auteure franco-mexicaine vivant à Bruxelles, a plutôt l’air d’une BD jeunesse. L’histoire mettant en scène cette jeune femme vivant parmi les animaux fait penser à une sorte de remake du "Livre de la jungle". Doté d’un cadrage très dynamique, ce dessin réaliste aux contours épais pour les personnages et les animaux, qui rappelle nos vieux cahiers de coloriage, a quelque chose d’assez enfantin. Pourtant, en y regardant de plus près, on se rend compte que cette production n’est pas vraiment destinée à un jeune public.

Et pour revenir au dessin, si je dois avouer être un peu réservé sur cette « grosse » ligne claire qui reste néanmoins élégante, j’ai en revanche été beaucoup plus séduit par la mise en couleur avec ses ambiances chaleureuses et ses délicates aquarelles qui font ressembler la jungle à un cocon protecteur, à l’image de ce merveilleux arbre-baignoire rempli de feuilles duveteuses. Quant à ce gros nounours blanc protecteur, qui n’aurait envie de redevenir un tout petit enfant et se lover au creux de son épaule ?

Pourtant, au-delà des apparences, "Roi Ours" s’avère être une fable tragique et cruelle sur la vengeance. Au départ naïve et bien disposée envers le monde et les siens, la jeune héroïne, dépitée par la mise à mort de son ours bien-aimé par son époux jaloux, finira par se soumettre corps et âme à une loi du talion aux accents chamaniques. Certaines scènes sont assez violentes et l’hémoglobine gicle. Le poison noir de la haine s’est répandu inéluctablement dans les eaux immaculées de la bienveillance comme le sang sur la soyeuse fourrure blanche du Roi Ours, et le chaos ressort victorieux en laissant derrière lui son champ de ruines. Le constat est pessimiste et lucide : quand la soif de vengeance est trop forte, les belles paroles apaisantes n’y peuvent rien changer. Ici, les bons sentiments ne sont pas de mise, et la fin laisse un goût amer. En résumé, « Roi Ours » n’est pas bisounours et ne s’adresse pas vraiment aux plus jeunes. Nul doute en tout cas que ce one-shot aura permis de révéler une auteure de talent à surveiller de près.
Sensuel et tragique 7 étoiles

Roi Ours est un superbe album. S’est-elle inspirée là peut-être des récits traditionnel d’Amérique latine en nous proposant un conte cruel et élégant ? En tout cas j’ai adoré le dessin de Mobidic, très lisible, rond, sensuel, presque lascif, associés à des tons ocres et blancs d’une grande douceur. Mais le récit, s’il est sublimé par cette histoire d’amour entre un Dieu et une humaine, va s’avérer également tragique et amer, à l’image de certaines légendes de la mythologie grecque. Ce n’est donc pas une histoire à mettre dans les mains des enfants, mais bien une bande dessinée pour adulte qui montre que même un Dieu ne peut pas toujours modifier le destin sans de funestes conséquences.

Fanou03 - * - 49 ans - 7 janvier 2020