Au détour d’une vie, la sagesse

Faut-il le rappeler, Socrate a créé sans le savoir la philosophie occidentale, même s’il n’a laissé aucune trace écrite. Denis Huisman étudie le personnage à la loupe, surtout à travers les écrits de Platon, source principale de renseignements, mais il évoque aussi le Socrate qui transparaît chez Xénophon et chez Aristophane.

Après une brève introduction qui brosse à gros traits ce que l’auteur intitule « la légende de Socrate » (sa famille, sa laideur extérieure, son existence simple, le contexte de son procès, ses méthodes, ses aphorismes célèbres), l’auteur procède à une analyse de la philosophie de Socrate en lien avec sa vie. Je ne peux en évoquer ici tous les aspects, voici donc quelques points qui m’ont semblé intéressants.

L’attitude de Socrate vis-à-vis des sophistes n’est pas si évidente qu’il n’y paraît car nous ne le voyons pas agir de la même manière avec tous. Sec à l’égard de Xénophon, il se fait déférent lorsqu’il s’agit de Protagoras. Pourtant, il n’est pas d’accord du tout avec la célèbre phrase de ce dernier : « l’homme est la mesure de toute chose ». Car pour Socrate, ce n’est pas l’homme mais Dieu qui est au centre de l’univers. Il ne s’agit pas pour lui de mesurer le monde à l’aune de sa perception d’individu.

Dans le même ordre d’idées, son légalisme n’est pas à interpréter comme une vile soumission à un système hétéronome, mais ce qu’il honore derrière les lois, c’est la justice. Il poussera cet amour de la justice le plus loin qu’il se puisse imaginer : commettre l’injustice est pire que la subir, dans tous les cas. On voit clairement le lien avec sa mort. Notamment, lui-même, confronté à cette condamnation sans appel, refuse d’envisager l’évasion, pourtant déjà organisée par ses disciples.

La notion d’âme que découvre Socrate est cette puissance d’intériorité, intériorité hantée par un juge dédoublé de soi, comme une sorte de conscience mise en acte et extériorisée dans un rapport à autrui. Sa première manifestation est de se poser en maître du corps et de ses pulsions, l’excès étant l’ennemi de toute dignité et de toute vertu.

Enfin, je termine en citant D. Huisman : « Se soustraire à la mort ne saurait constituer le but de la vie. Au contraire, le propre de l’humanité est de s’affirmer par la faculté d’estimer certaines valeurs supérieures à la vie (…) à condition que ce choix moral soit effectué par réflexion et en toute lucidité. »

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  Socrate [Texte imprimé] Denis Huisman

  de Huisman, Denis
  Pygmalion / Chemins d'éternité (Paris)
  ISBN : 9782857048534 ; 15,77 € ; 15/10/2003 ; 265 p. ; Broché

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