Loué sois-tu ! : Laudato si
de Pape Francois

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 17 juillet 2015
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Le sort du monde est entre nos mains
Décidément, notre saint Père le Pape n'y est pas allé par quatre chemins. Pour sa première encyclique il renouvelle le genre, il appelle un chat, un chat et, ce qu'il a à dire il le dit noir sur blanc. On est loin ici du style un peu pompeux de la tradition vaticanesque des encycliques précédentes, avec ses redondances précautionneuses, où chaque mot est pesé et re-pesé dans tous les sens pour être sûr d'être bien compris et d'éviter la controverse.

Son encyclique a pour but d'inciter le monde à respecter ce qu'il appelle, à l'instar de saint François, notre maison commune. Il s'adresse à l'humanité toute entière « qui possède la capacité de collaborer avec le Créateur à l’œuvre de la création ». Mais, pour lui, le souci de l'environnement est indissociable du souci des pauvres, car les dégradations de notre planète frappent d'abord et surtout les pays pauvres et les individus les plus démunis, qui n'y sont pour rien, qui n'en tirent aucun profit et qui en subissent les premiers les conséquences ; le Pape en fait la démonstration avec beaucoup d'insistance et avec une clarté tout à fait remarquable.

Le début de son encyclique est un cri d'alarme comme beaucoup d'autres l'ont fait avant lui. Mais le Pape va beaucoup plus loin ; il nous montre comment tout est lié : il nous démontre que l'abandon de nos croyances, la perte de nos valeurs, l'individualisme et le relativisme social, le consumérisme et le culte de l'argent engendrent fatalement l'irrespect de la nature et de la création, en même temps que le rejet des pauvres.

Quand le Pape argumente, il se souvient de sa formation de chimiste et dénonce les causes du mal en connaisseur : ce sont les polluants atmosphériques, l'excès de CO2 dans l'air, la pollution due aux moyens de transport et aux fumées des usines, la dégradation du sol due à l'emploi d'insecticides, fongicides, désherbants et autres produits toxiques « imposés par la cupidité des financiers incapables de voir le mystère des multiples relations qui existent entre les choses, et par conséquent, résout un problème en en créant un autre ».
Il nous explique la pollution des eaux, l'effet de serre, la déforestation, le réchauffement climatique et la montée des eaux, en insistant toujours sur les conséquences pour les populations les plus faibles et les plus démunies qui n'auront jamais les moyens de se prémunir contre ces cataclysmes annoncés.

Le Pape se montre très pratique dans ses observations : il nous explique, par exemple, que beaucoup d'oiseaux et d'insectes disparaissent à cause des agro-toxiques et que leur disparition entraîne une intervention technologique qui produira d'autres effets toxiques. Il prend des exemples précis pour stigmatiser le besoin des pays riches de s'enrichir toujours plus : la déforestation de l'Amazonie et de la forêt congolaise, la destruction de la barrière de corail, l'enlaidissement des villes à coup de ciment et de béton, la suppression des espaces verts propices aux promenades, aux rencontres et à la méditation... Tout est lié, nous répète-t-il : « en regardant le monde, nous remarquons que les interventions humaines, au service des finances et du consumérisme, rendent la terre toujours moins riche et moins belle, toujours plus limitée, plus grise, plus triste (...) Nous prétendons substituer la beauté irremplaçable, voulue par le Créateur, par une autre créée par nous ».

Le Pape a voulu adresser son encyclique à tous les hommes de bonne volonté. Pourtant il y ajoute un chapitre qui fait référence à des convictions de foi. Car, nous dit-il, « la science et la religion, qui proposent des approches différentes de la réalité, peuvent entrer dans un dialogue intense et fécond pour toutes deux ».
Ce chapitre est fabuleusement intéressant et marque une différence fondamentale avec tous les textes qui parlent d'écologie. Le Pape reprend le texte biblique de la Genèse pour bien nous montrer que la terre nous est donnée, pas pour la dominer mais « pour la cultiver et garder le jardin du monde ». Il nous montre que c'est une mauvaise interprétation de la Genèse qui nous a fait croire que nous avions tous les pouvoirs sur la création. Le Pape nous explique, entre autres, comment le récit de la Genèse « suggère que l'existence humaine repose sur trois relations fondamentales : la relation avec Dieu, avec le prochain et avec la terre ». Cette relation a été rompue quand l'homme a refusé son statut de créature pour prendre la place du Créateur. Et comme le premier homme, nous dit-il, l'homme d'aujourd'hui se prend pour l'égal du Créateur et entend se passer de Dieu pour recréer le monde.

Ensuite il nous explique l'épisode de Caïn et Abel, du déluge, de la captivité à Babylone ; il nous explique les écrits des Psaumes et des prophètes qui ont parlé des relations entre l'homme et la nature... Il nous explique encore le mystère et l'harmonie de la création et ce chapitre ne s'écarte pas du tout des préoccupations écologiques car « la découverte de la présence de Dieu dans la nature stimule en nous le développement des vertus écologiques ».

La conclusion de ce chapitre, qui devrait être notre livre de chevet à tous, est assez édifiante : le pape entend « remettre en cause les habitudes injustes d'une partie de l'humanité » il rappelle que la terre est notre bien commun « puisque Dieu a créé le monde pour tous ». Si la propriété privée est un droit que l’Église reconnaît, ajoute-t-il, « la tradition chrétienne ne l'a jamais reconnu comme absolu ou intouchable. La règle d'or du bon comportement social est que tous les bienfaits de cette propriété soient mis à la disposition et au profit de tous ; cette condition s'impose tout naturellement aux chrétiens car elle est inscrite dans le dessein de Dieu ».
Remarque personnelle : quand un évêque parle comme ça, on le taxe de communiste, et on le fait taire... maintenant que c'est le Pape...

Mais le Pape ne s'arrête pas en si bon chemin ; il condamne le relativisme qu'il considère comme « une pathologie qui pousse à exploiter son prochain, l'obligeant aux travaux forcés ou en faisant de lui un esclave à cause d'une dette ». Il démontre que c'est le même relativisme qui pousse à l'irrespect de l’embryon, à l'exploitation sexuelle, à l'abandon des personnes âgées, au commerce des diamants ensanglantés et des peaux de bêtes en voie d'extinction. Il condamne la main invisible du marché qui prétend réguler l'économie sans préoccupation des pauvres et de l'environnement ; il condamne aussi tous ceux pour qui les lois ne sont que des obstacles à contourner. Et je vous assure que le Pape ne rigole pas quand il nous assène ces condamnations ; chacun en prend pour son grade.

Le Pape nous donne cependant l'espoir d'en sortir, à condition d'opérer notre conversion écologique ; et quand notre Pape François nous recommande, nous impose plutôt, la conversion écologique, il n'y va pas avec le dos de la cuillère ; on est loin, ici, des circonlocutions précautionneuses de ses prédécesseurs. La sauvegarde de notre maison commune, affirme-t-il, est un devoir pour tous et chacun en particulier ; pas question de dire que ce qu'on peut faire, est si peu de chose, que ça ne sert à rien. Chacun de nous, et particulièrement les riches, nous pouvons, et nous devons inverser le cours des choses. Et, pour le chrétien, ajoute-t-il, c'est une devoir absolu car respecter la création, c'est respecter Dieu. Et quand il recommande qu'une autorité politique mondiale mette fin à l'exploitation sauvage des ressources naturelles, il insiste toujours : c'est, bien sûr, une question de l'avenir de l'humanité mais c'est surtout, et d'abord, une question de justice envers les pays pauvres et les plus démunis : « nous ne pensons pas seulement, nous dit-il, aux terribles phénomènes climatiques ou aux grands désastres naturels mais aussi aux catastrophes dérivant des crises sociales, parce que l’obsession du consumérisme ne pourra que provoquer violence et destruction réciproque, surtout quand seul un petit nombre peut se le permettre ».

Vraiment cette encyclique contient des perles et des merveilles à méditer par tous les hommes – et femmes – de bonne volonté. Elle nous secoue dans nos habitudes et nos convictions ; elle remet en cause cette certitude que nous n'y sommes pour rien dans la dégradation du monde et que, à notre échelle, nous ne pouvons rien faire pour sauver notre maison commune. Elle est loin de ne s'adresser qu'aux chrétiens et devrait être lue et relue par tous ceux qui refusent encore de croire que notre génération a dans les mains, le sort du monde et de l'humanité.
Un sacré pape. 9 étoiles

Il a son style le pape François qui plait ou non.
Pour ma part je ne suis pas toujours d'accord avec lui.
Son style l'inscrit dans la modernité et quelle modernité!
Son ouvrage embrasse la création dans toute sa dimension.
François évoque l'écologie, la sociologie, le monde urbain, le consumérisme, la finance destructrice et évidemment Dieu.
J'avais parfois le sentiment de lire un grand prêtre païen évoquant le grand esprit, un chamane évoquant les forces de l'univers et un sociologue mettant en garde l'humanité sur son sort si elle ne réveille pas.
Un pape luciole, petit lumière dans l'obscurité du monde moderne, de sa concentration humaine, de ses pertes de repères, de son consumérisme effréné et surtout de son absence d'égard face à Dieu.
Car le Pape le rappelle, se couper de Dieu s'est se couper de sa création.
Puissions-nous entendre et mettre en pratique sa parole.

Hexagone - - 53 ans - 6 janvier 2016


Quelle leçon ! 8 étoiles

Qu'un pape aborde de cette façon les grandes questions relatives à notre planète, à notre environnement, a de quoi surprendre. Mais quelle leçon ! Tout est démontré, argumenté par quelqu'un qui connaît parfaitement ces sujets. Il est bien regrettable que nos dirigeants ne s'inspirent pas (ou pas assez) d'un tel texte. Ce qui laisse bien peu de place à l'espoir...
Un livre destiné à tous, croyants ou non croyants (où dans ce cas il faudra ignorer quelques passages). Notre « maison commune » est mal en point, par notre faute. Mais l'égoïsme des plus riches nous conduira vraisemblablement jusqu'à sa destruction.

Bernard2 - DAX - 75 ans - 31 août 2015


Une Encyclique miraculeuse 10 étoiles

Je reprends en titre de cette critique celui que Fabrice Nicolino a donné à l’article qu’il lui a consacré (http://fabrice-nicolino.com/?p=1900).

Miraculeuse, elle l’est certainement : pour Nicolino, elle l’est parce qu’elle apporte un soutien fort et sans équivoque du Pape à « un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète. Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous. »

Reprenant les belles louanges de St François sur «Sœur notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe », le Pape nous dit que « cette sœur crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle. »

Car c’est bien nous qui causons des dégâts ; le Pape ne tergiverse pas sur l’origine humaine de la crise écologique : « L’intervention humaine sur la nature s’est toujours vérifiée, mais longtemps elle a eu comme caractéristique d’accompagner, de se plier aux possibilités qu’offrent les choses elles-mêmes. Il s’agissait de recevoir ce que la réalité naturelle permet de soi, comme en tendant la main. Maintenant, en revanche, ce qui intéresse c’est d’extraire tout ce qui est possible des choses par l’imposition de la main de l’être humain, qui tend à ignorer ou à oublier la réalité même de ce qu’il a devant lui. »

C’est ce que le pape appelle le paradigme technocratique, une vision du monde basée sur la science et le progrès technique, qui a dérivé en un surdéveloppement où consommation et gaspillage vont de pair et qui a phagocyté l’économie et anéanti la politique. Lisons et relisons la phrase qui suit, elle est extrêmement claire : « Il devient indispensable de créer un système normatif qui implique des limites infranchissables et assure la protection des écosystèmes, avant que les nouvelles formes de pouvoir dérivées du paradigme techno-économique ne finissent par raser non seulement la politique mais aussi la liberté et la justice. »

Le Pape voit plus loin que la crise écologique. S’attaquer à la crise écologique seule ne suffira pas car « l’environnement humain et l’environnement naturel se dégradent ensemble, et nous ne pourrons pas affronter adéquatement la dégradation de l’environnement si nous ne prêtons pas attention aux causes qui sont en rapport avec la dégradation humaine et sociale. » Et pour lutter contre la dégradation de l’environnement humain, il faut changer de système économique. En effet, « les pouvoirs économiques continuent de justifier le système mondial actuel, où priment une spéculation et une recherche du revenu financier qui tendent à ignorer tout contexte, de même que les effets sur la dignité humaine et sur l’environnement. Voilà pourquoi aujourd'hui tout ce qui est fragile, comme l'environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché divinisé, transformés en règle absolue. »

L’écologie, nous dit le Pape, ne peut être qu’intégrale et englober la défense de tout ce qui est fragile, l’environnement, les plus pauvres et les plus exposés aux aléas climatiques, mais aussi les plus faibles. Cette écologie intégrale inclut la défense de l’environnement, le rejet d’un modèle économique qui prône le gaspillage et le déchet, mais aussi la promotion d’une écologie humaine, à rebours des malthusiens de tout poil pour lesquels on est trop nombreux sur cette planète.

« La culture écologique ne peut pas se réduire à une série de réponses urgentes et partielles aux problèmes qui sont en train d’apparaître par rapport à la dégradation de l’environnement, à l’épuisement des réserves naturelles et à la pollution. Elle devrait être un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique. »

Cette encyclique est un programme, un texte qui devrait être lu par tous les hommes et femmes de bonne volonté et gardé à portée de main comme un bréviaire ou le petit livre rouge. Car cette encyclique ne sera vraiment miraculeuse que si elle permet de fédérer des énergies venues de tous horizons et faisant fi de leurs divergences profondes pour un but commun. Comme l’écrit Nicolino dans le billet cité plus haut, « chaque homme sur cette Terre pourra désormais s’appuyer, quoi qu’il arrive, sur cette immense et majestueuse tirade ».

Guigomas - Valenciennes - 55 ans - 12 août 2015