Un pays pour mourir
de Abdellah Taïa

critiqué par Joanna80, le 6 août 2015
(Amiens - 68 ans)


La note:  étoiles
Un pays pour mourir
Résumé de l'éditeur:
Paris, été 2010. Zahira, une prostituée marocaine en fin de carrière, est une femme généreuse malgré les humiliations et la misère. Son ami Aziz, sur le point de changer de sexe, est dans le doute. Mojtaba, un révolutionnaire iranien homosexuel qui a fui son pays, croise son chemin et loge chez elle durant le mois du ramadan. Allai, son premier amour, va quitter le Maroc pour la retrouver.

A travers des fragments de vie qui s'entrechoquent violemment les uns contre les autres, "un pays pour mourir" suit ces émigrés, rêveurs et invisibles, dans leur dernier combat. Des destins fracassés au coeur d'un monde post-colonial où trouver sa vraie place, avoir une deuxième chance, s'avère impossible.

Des chapitres écrits comme des nouvelles en phrases très courtes. Les personnages ont tous un problème avec l'islam en raison de leur façon d'être (prostituée, homosexuel). Toutes les histoires se lisent très bien, on a envie de savoir comment elles finissent........ le problème (pour moi) est là, il n'y en a aucune qui aboutit.
Des monologues intenses et touchants 8 étoiles

Dans ce roman d'Abdellah Taïa, le lecteur rencontre quelques personnages empreints de rêves. Il y a Zahira cette prostituée marocaine vieillissante qui s'offre aux plus démunis. Il y a Aziz, son ami, qui souhaite devenir une femme. Il y a aussi Motjaba, qui a fui l'Iran et qui jeûne un mois chez Zahira ... Deux autres personnages auront aussi leur chapitre. Tous ces personnages font preuve d'une grande humanité, d'entraide dans un monde qui leur est hostile et dans lequel les hommes sont de plus en plus individualistes. Ce sont des valeurs humaines qui sont défendues dans ce roman par le biais des personnages de Taïa.

Comme souvent, l'auteur consacre un chapitre à un personnage qui est souvent en lien avec les autres. Le lecteur a parfois l'impression qu'il accumule des portraits. Il n'opte pas pour un récit linéaire. L'œuvre commence en 2010 et se termine en 1954. L'on ne suit pas l'évolution d'un personnage du début à la fin de roman, mais cela donne l'impression qu'il a additionne plusieurs nouvelles avec quelques liens entre certains personnages. Cela peut sembler à la fois décousu et lié. Souvent, à la fin de ses chapitres, un personnage raconte une histoire, ce qui rappelle les récits orientaux et ce plaisir à narrer sans cesse des anecdotes ou des légendes. Par ce biais, l'auteur fera un portrait touchant et poétique d'Isabelle Adjani.

Ce texte est fidèle à l'univers de l'écrivain par ses valeurs et ses thèmes évoqués. Les personnages qu'il dépeint attirent la sympathie du lecteur et il y a de la grandeur en eux malgré le milieu modeste duquel ils proviennent. Certains choix sont intéressants. J'avoue que le texte dans lequel est évoqué ce personnage qui veut changer de sexe m'a beaucoup surpris. En fait je n'avais jamais envisagé un texte abordant le sujet, ni tellement réfléchi à ce fait. Ici l'écrivain imagine un dialogue entre le personnage qu'il était et celui qu'il va devenir. Le premier se plaint qu'en changeant d'identité il va le faire disparaître, l'éliminer et le texte devient touchant. Il faut une bonne connaissance de l'humanité pour parvenir à être aussi juste.

Derrière ces personnages profondément humains, il y a aussi le drame de l'Histoire et de leurs histoires personnelles. Parfois, cette incapacité à s'affirmer ou à exister les rattrape. Le roman d'Abdellah Taîa nous fait découvrir des personnages attachants, en marge qui essaient d'être tout simplement. Dans ces chapitres, ou ces nouvelles, ils parlent, racontent leur quotidien, parfois s'adressent à un interlocuteur précisément. Ces prises de parole sont habitées et fiévreuses. Ce texte pourrait tout à fait être transposé au théâtre.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 14 juillet 2024