Une Joconde noyée

Quelques mots d’abord du fait divers, devenu un véritable mythe, dont s’inspire ce roman. De « l’inconnue de la Seine », on ne connait qu’un masque mortuaire, celui d’une jeune fille morte noyée et repêchée dans la Seine ou dans le canal de l’Ourcq aux environs des débuts du XXème siècle. A l’époque, un employé de la morgue aurait fait un moulage de ce visage qui l’avait frappé par sa beauté et par son étonnant sourire serein, voire extatique. Conditionnel, car rien n’est sûr dans cette histoire. Peut-être ce sourire n’est-il que l’effet de la rigor mortis, peut-être le moulage a-t-il été fait sur une jeune femme pas morte du tout, par exemple un modèle de peintre. Et s'il s'agit bien d'une noyée, Suicide ? accident ? meurtre ? Là encore, mystère.

Ce qui est certain, c’est que ce masque mortuaire (ou prétendu tel) et son énigmatique sourire de « Joconde noyée » (le mot est d’Albert Camus), reproduit en des milliers d’exemplaires, a longtemps joui d’une grande popularité, celle d'un véritable mythe, dans les milieux artistiques et littéraires. (cf par exemple « Aurélien » d’Aragon ou l’un des contes de « L’enfant de la haute mer" de Supervielle )

Dernier roman en date sur le sujet, « L’inconnue de la Seine » de Didier Blonde. Le narrateur, Simon, un libraire qui a lui-même perdu sa compagne, est à son tour fasciné par ce masque mortuaire, dont il a acquis une reproduction chez un antiquaire. Il déambule à travers Paris, à la recherche de la vérité de cette inconnue, errance citadine qui évoque celles des surréalistes (d’ailleurs sa librairie s’appelle « Le piéton de Paris ».) Quête d’une vérité que bien sûr il ne trouvera jamais, que ce soit sur les bords de la Seine, à la morgue ou à la Bibliothèque nationale, où il rencontrera en revanche une jeune femme, bien vivante celle-là, qui en vue d’une thèse se livre aux même recherches que lui. Mais si vous espérez une harlequinade, vous serez déçus.

Un très court roman sous forme de journal, à l’intrigue minimale, tour à tour morbide, mélancolique, sentimental et sensuel, au style apparemment simple, mais riche de bonheurs d’écriture. J’ai beaucoup aimé.

Une citation au hasard , ces deux lignes d’une délicate et magique sensualité :
« 9 mai
Elle se dévêt d’un geste. Le retour de la douceur autorise les robes qui disparaissent dès qu’on les touche.»

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  L'inconnue de la Seine [Texte imprimé], roman Didier Blonde

  de Blonde, Didier
  Gallimard
  ISBN : 9782070137732 ; 14,90 € ; 07/06/2012 ; 128 p. ; Broché

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