La fin du vice
de Henry-Rossi, Willy

critiqué par Alceste, le 16 août 2015
(Liège - 63 ans)


La note:  étoiles
Des nouvelles du mari de Colette
Willy, nom de plume de Henry Gauthier-Villars (1851-1931), n’a pas eu la notoriété de sa jeune épouse Colette, mais il peut lui tenir la dragée haute sur le plan du style littéraire, même si en fin de compte, les ouvrages de Colette, dont Willy s’est attribué sans scrupule la paternité, comme le montre la rubrique « Du même auteur » de la présente édition (1925), sont d’une indéniable supériorité. Par la suite, les choses sont rentrées dans l’ordre et Colette a récupéré la « maternité » de sa série des "Claudine".

Ce roman procure néanmoins de belles émotions, qui agissent en quelque sorte à double détente : d’abord une atmosphère légère, frivole, pleine de rosserie, imprégnée d’un parfum de scandale, puis un ton plus grave, noblesse de cœur, dévouement et même épisodes poignants.


Le roman commence dans la frivolité la plus débridée : un écrivain journaliste quadragénaire se contente d’un succès facile par ses chroniques salaces dans la presse parisienne. Une toute jeune fille, Choune, lui écrit une lettre d’admiratrice dans l’intention aussi de sortir de son milieu sordide. Dorfère se laisse séduire et forme avec Choune un couple sulfureux où ils jouent à l’oncle et la filleule. Choune se laisse entraîner dans les milieux décadents que fréquente Dorfère. C’est là qu’elle finit par rencontrer un jeune homme d’un âge plus proche du sien, pour lequel elle va éprouver un amour plus authentique que celui, plus filial, qui l’unit à Dorfère. Cependant, ce dernier lui propose le mariage, histoire de régulariser leur situation, et d’offrir une protection plus définitive à Choune. La voilà donc écartelée entre deux hommes, avec autant d’occasions de débauche et de vice.


L’irruption de la guerre va remettre de l’ordre dans tout cela : le jeune homme est mobilisé et, gravement blessé, attend du soutien de son aimée. Dorfère, malgré son âge avancé, tient à monter au front, tandis que Choune finira par devenir infirmière de guerre, chacun trouvant dans cette situation l’occasion de se montrer héroïque et de racheter sa conduite. Le roman s’achève sur un échange de lettres où l’on devine la mort du Dorfère au champ d’honneur.

Ce qui est frappant, c’est le rendu d’une atmosphère de grande liberté morale d’avant la guerre 14 -18 : drogue, jeux de plaisir entre hommes, partie carrée… On penserait plutôt à l’ambiance des années folles. Ensuite, on est frappé par le patriotisme des personnages une fois la guerre déclarée, la volonté de s’engager pour contribuer à la victoire. Enfin, le style, malgré cette ambiance tantôt interlope, tantôt pesante, est toujours spirituel, ciselé, touchant.