Prosopopus
de Nicolas de Crécy

critiqué par Pucksimberg, le 22 août 2015
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Un roman graphique sans texte et pourtant captivant
Je viens d'enregistrer le roman graphique sur le site, pour la sous-catégorie, si j'avais pu, j'aurais enregistré l'entrée "OVNI". Nicolas de Crécy est un véritable artiste, original, qui ne cherche pas à être commercial et à mettre tous les ingrédients nécessaires pour séduire son lectorat. Il a une imagination débordante et nous fait entrer dans un monde surprenant, décalé, parfois inconfortable.

Ici, il relève un sacré défi, il n'y a aucun texte. C'est donc au lecteur de lire les images progressivement et de faire du sens, dans cet univers pas toujours limpide. Il y a tout de même une préface de Laetitia Bianchi, très bien écrite et très intéressante pour pénétrer dans cet univers.

Le prosopopus est un monstre moderne, longuement évoqué déjà en littérature. "Il est grand comme un ours, a une peau tantôt blanchâtre comme du lait d'ânesse, tantôt jaunâtre comme de l'urine. Il a deux dents qui crachent de la fumée, et des yeux tout à fait humains. Il a la queue d'un petit chien. Il a les pattes griffues. Et c'est avec ces pattes qu'il attrape ceux qui l'approchent, et celui qui se fait attraper meurt sans espoir de salut." Le roman graphique s'ouvre sur un meurtre, un homme est abattu, l'assassin parvient à s'enfuir, se réfugie chez lui. Du sang de la victime s'enfuit un halo rouge, qui mêlé à de la fumée et à du sperme engendre ce prosopopus qui va s'impatroniser chez le meurtrier, le côtoyer, partager sa couche ... Qui est-il ? Que veut-il ? Que symbolise-t-il ?

L'assassin a peut-être la sympathie du lecteur au début de ce roman graphique, mais l'on pressent quelque chose de beaucoup plus sombre et tordu. Le lecteur doit accepter de se laisser embarquer par Nicolas de Crécy, autrement il restera hostile à cet univers et pourrait tout à fait détester cette ambiance. Au contraire le lecteur prêt à vivre une aventure atypique est surpris par cet univers riche. La prosopopée est une figure par laquelle l'écrivain donne la parole à une personne morte, un être inanimé. Ici ce pourrait être le remords.

Les dessins possèdent leur mystère et envoûtent le lecteur. Les pages qui entremêlent l'autopsie à l'acte sexuel sont très bien faites et l'on prend vraiment conscience du talent de cet artiste.

Lire cette bande dessinée est une expérience unique.