Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rêves, tome 1 : L'origine
de Marc-Antoine Mathieu

critiqué par B1p, le 6 février 2004
( - 51 ans)


La note:  étoiles
de KAFKA à AKFAK
Pas très facile de parler bd sur un site essentiellement tourné vers la littérature. Alors, que faire ? Il m'a semblé que le meilleur moyen d'intéresser les non-amateurs de bd, c'est de mettre en évidence des ponts qui vont de l'univers des cases à celui des paragraphes et vice versa.
Or donc, laissez-moi vous présenter Julius Corentin Acquefacques, obscur employé au Ministère de l'Humour dans un pays ou un monde inconnu fait de noir et de blanc.
Sa vie s'écoule de façon morne et répétitive jusqu'à ce qu'un jour, il découvre que son destin est écrit sur des planches de bande dessinée, et il faudra bien qu'il affronte le monde et sa surpopulation, le monde et sa terrrrible crise du logement pour comprendre qui tire les ficelles de son existence.
Julius Corentin Acquefacques, c'est l'être ennuyeux sorti de l'esprit tortueux de Marc-Antoine Mathieu, auteur d'histoires burlesques prenant place au sein de sociétés aux relents totalitaires. Bien sûr, cela ne peut que rappeler le destin des personnages engendrés à l'époque par un certain Franz Kafka. Le nom du héros ("Acquefacques"), n'est-il d'ailleurs pas que "Kafka" à l'envers ?
Comme ce dernier savait si bien le faire, cette bédé va très loin dans l'exploration des pistes d'un burlesque inquiétant et invente des procédés qu'on a rarement vu ailleurs en bande dessinée, qui vont plus loin que la simple mise en abîme lorsque le héros regarde la planche dans laquelle il va évoluer pour comprendre à quelle sauce il sera manipulé. (Voir la surprise magistrale que je ne peux dévoiler ici.)
Au final, on se retrouve le sourire aux lèvres, enchanté par les chemins inhabituels que MA Mathieu nous a fait emprunter et avec une seule certitude : on va se précipiter sur le tome suivant qui contient au moins autant d'idées au burlesque débridé.
Les débuts de Julius 6 étoiles

Le premier épisode d’une série assez étrange qui joue avec l’absurde. L’originalité réside dans la mise en abyme de l’histoire qui intervient directement sur le destin du héros. C’est sympa mais L’origine n’est pas mon album préféré.

Kabuto - Craponne - 64 ans - 1 février 2018


Pour tous ceux qui ne connaissent pas encore Julius Corentin Acquefacques !!! 9 étoiles

Marc-Antoine Mathieu est un auteur de bandes dessinées qui sort de l’ordinaire et c’est probablement le moins que l’on puisse dire. En effet, chacun de ses albums est à la fois surprenant, sidérant, dérangeant, déroutant, bouleversant, troublant, hilarant, absurde, onirique, poétique, philosophique, métaphysique… On a beau les connaitre – ce qui est mon cas – chaque nouvelle lecture nous pousse dans un nouvel inconnu, un nouveau néant, une zone inexplorée que l’on avait perdue, oubliée, qui nous avait échappé… Ce sont donc des albums que l’on peut relire presque à l’infini, si toutefois on peut définir ce qu’est l’infini…

J’ai décidé de relire et de venir vous parler de la série phare de Marc-Antoine Mathieu, Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rêves. Le premier tome, L’Origine, a été publié en 1991 par les éditions Delcourt et je salue l’éditeur qui a osé donner sa chance à cet auteur pas réellement comme les autres…

Tout d’abord, penchons-nous quelques instants sur le dessin de cet auteur. Nous sommes dans du dessin noir et blanc, en aplats sidérants qui enferment les personnages, les limitent, les étouffent… L’architecture de la ville, majestueuse et imposante, donne au Quartier Nord, là où vit Julius Corentin Acquefacques, un côté science-fiction augmenté par la densité de la population de la ville, du quartier. Ici, la place manque, les appartements sont réduits au strict minimum, les bouchons dans les rues sont énormes et inimaginables, et vous serez surpris de constater qu’il s’agit là de bouchons de piétons !

Julius Corentin occupe une petite pièce où il peut dormir, rêver, se laver, s’habiller, manger et même s’il en a le temps, faire la vaisselle… Il est célibataire comme de nombreuses personnes de la ville car une femme, c’est de l’espace en moins pour vivre… Par contre, il a un voisin que l’on rencontre assez souvent…

Julius Corentin a un métier, au ministère, c’est un fonctionnaire en quelque sorte. Il travaille au ministère de l’humour et il doit mettre à jour le grand glossaire des blagues et incongruités… Un travail qu’il accomplit avec sérieux car Julius Corentin n’est pas à proprement parler un clown…

Dès que l’on aura lu les premières planches, on va découvrir que l’auteur Marc-Antoine Mathieu n’est pas l’auteur d’un livre de gags. Ici, nous sommes dans ce que certains appelleront une bande dessinée expérimentale, d’autres une bande dessinée contemporaine… Tout en reconnaissant que ces noms ne sont pas faux, je pense qu’il s’agit encore d’autre chose, car j’ai peur que ces deux premiers noms soient synonymes pour vous de bandes dessinées soporifiques, difficiles à lire et incompréhensibles, alors qu’il ne s’agit pas du tout de cela.

En fait, je crois que nous sommes en présence d’une bande dessinée moderne dont l’auteur a décidé d’utiliser tout ce qu’il a sa disposition, dans le dessin comme dans le texte, sans oublier l’objet livre avec toutes ses possibilités qui devient, lui aussi, objet narratif !

Il va y avoir dans cette première histoire le début de ce que Marc-Antoine Mathieu développera au fur et à mesure, l’arrivée de l’absurde en bande dessinée. Un absurde que certains rapprocheront d’Ionesco, de Kafka, de Beckett, de Camus, de Sartre… Chacun fera le lien avec ce qu’il connait, mais il n’empêche que nous sommes aussi en face d’une bande dessinée existentielle, métaphysique, philosophique. C’est indiscutable même si cela se lit aussi, tout simplement, comme une bande dessinée…

Il arrive même que l’auteur devienne vulgarisateur scientifique et c’est le cas dans ce premier album de la série quand nous avons une grande explication de ce qu’est l’anti-case ! Du coup, un des personnages va nous donner toute l’histoire de l’anti matière jusqu’à l’anti case… Fascinant et hilarant d’autant plus que Marc-Antoine Mathieu illustre cela en réalisant la première anti case de l’histoire de la bande dessinée !

Enfin, pour clore la présentation de ce premier album des aventures de Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rêves, je dois vous dire que c’est la première fois, mais pas la dernière, que Marc-Antoine Mathieu s’interroge avec ses personnages sur ce qu’est une histoire avec des planches que Julius Corentin trouve avant qu’elles ne se réalisent, comme si les personnages avaient une destinée écrite, comme si leur vie était décidée à l’avance… Mais l’auteur parle-t-il alors de ses personnages ou des êtres humains ? Allez savoir !

On peut lire aussi sur le blog :
http://www.critiqueslibres.com/blog/?p=3276

Shelton - Chalon-sur-Saône - 68 ans - 24 novembre 2014


Exceptionnel, du jamais vu en bédé ! 10 étoiles

Il faut savoir que cette BD onirique et métaphysique nous aspire tel un trou noir, où l’on ne sait jamais quelle est l’issue, tant l’imagination de l’auteur est fertile.

Le dessin en noir en blanc sans transition de gris traduit parfaitement cet univers dérangeant avec ses aplats noirs qui semblent toujours sur le point d’engloutir les personnages aux visages grimaçants, seul celui de Julius restant inexpressif à toute épreuve. L’imagination débridée de l’auteur rend le scénario difficilement racontable mais celui-ci reste fluide grâce à une ligne claire traduisant une certaine rigueur. Comme le lecteur, Julius se voit à son insu entraîné dans un tourbillon de péripéties plus délirantes les unes que les autres.

Ce tome, qui pose les bases de l’univers onirique de Marc-Antoine Mathieu, est aussi inquiétant qu’envoûtant, sous-tendu par un suspense métaphysique comparable aux œuvres de Peeters et Schuiten, c’est dire si la lecture en vaut la peine. Une très bonne entrée en matière pour cette série unique en son genre, où certaines cases ont même été découpées ! Peut-être une concession de l’éditeur révélant le fort intérêt de ce dernier pour cette BD, qui en plus de susciter une réflexion philosophique, n’est rien de moins qu’une porte ouverte vers une autre dimension. Votre bédéthèque mérite largement cette série culte !

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 10 mars 2012


Passionnant, déroutant, origin...al 9 étoiles

Une aventure étrange, où les limites de l’image, du temps et des mots deviennent rapidement floues.
Marc-Antoine Mathieu ne lésine pas sur les moyens pour nous étonner. Un dessin oppressant, lourd et dense, mais extrêmement approprié, portant l’atmosphère fantasque, absurde et fascinante à son comble.
J’ai vraiment été surprise, déroutée par l’audace et l’inventivité de « L’Origine », gagnée par la curiosité et vraiment ravie des procédés utilisés par l’auteur pour donner à sa bande dessinée un style défiant la linéarité et poussant plus loin la réflexion sur la relation de l’auteur au personnage, du personnage au lecteur,…
Et un sentiment très « ouaw » une fois l’album refermé…

Bluewitch - Charleroi - 45 ans - 4 mars 2007