La caverne des idées de José Carlos Somoza
( La caverna de las ideas)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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Eidesis, quand tu nous tiens !
Il se trouve des romans qui nous poussent au-delà de notre passivité de lecteur et « La Caverne des Idées » en est un. Regardons un peu de quoi il retourne…
Un jeune éphèbe est retrouvé mort dans les rues d’une Athènes encore traumatisée par une guerre du Péloponnèse fraîchement terminée. Publiquement annoncé comme causé par l’attaque de loups, ce décès brutal d’un élève de l’Académie de Platon laisse sceptique son mentor, Diagoras, qui s’empresse de s’adresser à Héraclès Pontor, le fameux « Déchiffreur d’Enigmes ». Ce dernier accepte de s’intéresser à l’affaire, intrigué lui-même face à certains détails non explicables par la version officielle.
Mais bien sûr, ça ne se résume pas à cela. Semblable de prime abord à une intrigue Agatha-Christienne antique (on tend à y croire quand « l’investigateur » se nomme d’une façon si familière au héros belge), ce récit se trouve être un ancien manuscrit mis entre les mains d’un Traducteur qui l’annote consciencieusement au fil de sa traduction. Se greffe alors une histoire autour de l’histoire, lorsque notre traducteur anonyme semble repérer une technique littéraire au sein du texte : l’eidesis. Celle-ci, inventée par les anciens auteurs grecs, consisterait en la dissimulation d’un message secret à l’intérieur de leur œuvre par le biais d’une répétition de mots et de métaphores. Ainsi persuadé d’être face à une énigme toute prête à être déchiffrée, le Traducteur devient obsédé par ce récit mais doit faire face à l’incrédulité et le désintérêt de ses collègues. Pourtant, lorsqu’il lui semble que certains signes, à l’intérieur du texte, lui sont directement adressés et qu’il se fait kidnapper par un inconnu le pressant de terminer sa traduction, l’importance de ce fameux message caché ne lui laisse plus aucun doute…
De là à impliquer davantage le lecteur dans la portée du roman, il n’y a qu’un pas…
Un roman original, richement composé, surprenant jusqu’à la dernière ligne. L’intrigue nous attire, les joutes entre Héraclès le « raisonneur » et Diagoras le philosophe sont brillantes, et ce fameux thème de l’eidesis nous mène par le bout du nez bien plus loin qu’on ne l’imaginerait au départ. Platon promène son ombre tout du long et cela sans déplaire à une profane de mon genre. Je veux croire et espère que sa théorie des Idées, élément clef du récit, n’a pas été trahie par l’auteur.
Une excellente expérience en ce qui me concerne, car en tant que lectrice, je me suis sentie gâtée…
Les éditions
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La caverne des idées [Texte imprimé], roman José Carlos Somoza trad. de l'espagnol par Marianne Millon
de Somoza, José Carlos Millon, Marianne (Traducteur)
Actes Sud / Babel (Arles)
ISBN : 9782742744633 ; 8,70 € ; 09/09/2003 ; 345 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (9)
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Un puits de science, que cette caverne des idées !
Critique de Pierrot (Villeurbanne, Inscrit le 14 décembre 2011, 73 ans) - 22 octobre 2014
-L’ignorance est à l’origine de tous les maux. Qui choisirait le pire en sachant qu’il s’agit du pire ?
Si la raison, à travers l’enseignement, te montre que le vice est pire que la vertu, le mensonge pire que la vérité, le plaisir immédiat, pire que le plaisir durable, les choisirais-tu consciemment?
(Je me mouille, Egée raison…)
« Certes l’ignorance est à l’origine de bien des maux, mais ceux qui ont la connaissance… Et donc le pouvoir… Ne nous mentent-ils pas effrontément, et ne choisissent ils pas vis à vis des peuples délibérément la voie du mépris durablement» ?
J’en conviens mon propos est quelque peu à l’emporte pièce. Alors je me recentre uniquement sur cette enquête, où nombre de thèmes philosophiques et de mots font réfléchir. Quand à l’intrigue mise à nue ‘cithare’ elle nous permet jusqu’au bout d’apprécier ce déchiffreur d’énigmes en graisse…
Un bon polar antique
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 22 juin 2013
Je l'ai avalé en une journée, il fait réfléchir, à condition d'avoir les idées en place sur la société dans laquelle il se situe. J'ai passé un bon moment.
Il y a un monde après Platon
Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 4 juillet 2010
A cette érudition philosophico-romanesque s'ajoute un autre processus, celui du livre dans le livre. Les notes de bas de pages, censées être celle du traducteur, sont celles d'un traducteur lui-même mis en scène, un autre personnage du roman. Des notes qui se lisent au fur et à mesure, mais peuvent également être lues dans leur intégralité vers les 2/3 de l'ouvrage, lorsque Héraclès s'adresse directement à celui qui est en train de lui donner la vie.
Une manière de faire intéressante (j'ai personnellement testé les deux façons) car elle apporte un éclairage nouveau au récit, sorte de mise en abîme qui donne naissance à une intrigue au creux d'une autre sans que dans l'un ou l'autre cas, la résolution en soit réellement primordiale. Intention et raisonnement prennent le dessus sur finalité. Car en y regardant de plus près, l'intrigue en elle-même et surtout son dénouement ne sont pas d'un intérêt crucial, ce serait même assez lisse. Non, tout repose essentiellement sur le décryptage, le raisonnement, la manière d'exposer et d'exploiter les idées... parfaitement en symbiose avec ce qui se pratiquait alors dans la Grèce philosophique et ce fameux art de la discussion. Somoza l'a bien compris et au fil des pages, il s'en donne à coeur joie, pour rendre hommage à Platon mais également montrer les limites du Maître dans certains domaines. D'où la modernité du récit, qui se veut fidèle à la tradition mais novateur dans sa manière d'appréhender la réalité.
Une excellente lecture !
Pourquoi avoir tout gâché ?
Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 9 mai 2008
La trame de base du roman est donc une enquête, où le détective (Héraclès) est secondé ou du moins suivi par le philosophe Diagoras, disciple de Platon, qui joue les docteurs Watson. Mais ce couple va plus loin que le clin d’œil et c’est à duo plein d’intelligence que nous convient les dialogues du scientifique et du philosophe.
De façon plus générale, c’est un récit plein d’érudition mais sans pédanterie que nous offre José Carlos Somoza, doublant son roman d’une réflexion sur la philosophie grecque et revisitant le mythe de la caverne. On s’y croirait presque, mais là perce la première faiblesse : la forme romanesque et la langue utilisées sont trop modernes pour être réellement une traduction du grec ancien.
Car ce récit est bien sûr la traduction d’un texte récemment découvert, ce qui permet de construire un livre fascinant à plusieurs niveaux : le récit lui-même avec son énigme à résoudre, la vie et les interrogations du traducteur à travers les notes qu’il prend en marge, un message secret caché dans le texte grec… L’expression italienne « Traduttore, traditore » (traducteur traître) qui souligne la difficulté de l’exercice m’est naturellement venue à l’esprit. Le montage était subtil et stimulant, brillamment menée. Et puis quelque part au tiers du bouquin, ça se gâte. On sent poindre des strates supplémentaires assez gratuites et pas très réalistes, ce que la fin de l’ouvrage confirme. Somoza a voulu en faire trop et a gâché par excès le superbe édifice qu’il mettait en place !
Dernier reproche : la sauvagerie sanguinolente des derniers épisodes est purement gratuite. Et il s’agit malheureusement d’un défaut structurel de Somoza qui ne peut s’empêcher de faire sombrer dans le gore les superbes intrigues littéraires qu’il est capable d’imaginer.
La réflexion contre l'instinct (ou vice-versa)
Critique de Asgard (Liège, Inscrit le 14 juillet 2005, 46 ans) - 13 février 2008
Ce livre est une de mes meilleures lectures depuis un bon moment. Je me demande à quoi ressemblent les autres livres de l'auteur. Je crois que je vais devoir le découvrir bien vite...
Une expérience à ne pas manquer!
Critique de Nana31 (toulouse, Inscrite le 29 janvier 2006, 55 ans) - 5 mai 2007
C'est une jolie découverte pour moi.
Trompe l'oeil
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 28 novembre 2005
Bluewitch a parfaitement résumé ce livre, je m'arrête ici et je me joins juste aux autres pour le concert de louanges : ce livre est original et très prenant. Une lecture à plusieurs niveaux dans laquelle l'auteur nous invite à dépasser notre rôle passif de lecteur.
prise dans le jeu de l'eidesis...
Critique de Clio (Liège, Inscrite le 13 octobre 2004, 53 ans) - 4 novembre 2004
Roman surprenant, rythme soutenu et ça jusqu'à la fin, des dialogues extraordinaires entre les personnages principaux, Héraclès, le déchiffreur d'énigmes et Diagoras, Le philosophe.
Un pur moment de bonheur.
En ce qui me concerne, une belle expérience aussi.
Livre à lire absolument!!
gatée, oui!
Critique de Sallygap (, Inscrite le 18 mai 2004, 47 ans) - 18 mai 2004
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