La septième fonction du langage
de Laurent Binet

critiqué par Veneziano, le 26 septembre 2015
(Paris - 46 ans)


La note:  étoiles
Un meurtre politico-philosophique
Roland Barthes ne serait pas mort simplement renversé par une camionnette, en 1980, à l'approche de l'élection présidentielle. Le philosophe, ayant développé la sémiologie, la science des signes, en France, était bien en contact avec François Mitterrand, Premier secrétaire du Parti socialiste préparant ledit scrutin.
Pendant que le monde intellectuel étalait son émotion devant Barthes mourant, il est découvert la disparition d'un mystérieux manuscrit à Bologne, que Louis Althusser avait eu entre les mains. L'enquête se poursuit à Venise, et tend à impliquer Philippe Sollers et Julia Kristeva, respectivement écrivain et philosophe, mutuellement conjoints. Avec l'inspiration de Jakobson, ce manuscrit exposerait la méthode infaillible pour convaincre, par la maîtrise du langage, des mots, tant ceux que le locuteur prononce que ceux de son interlocuteur. Il constituerait l'arme infaillible pour un débat télévisé, par exemple celui précédant le second tour d'une élection présidentielle. Les deux camps, ceux de Mitterrand et de Giscard d'Estaing, Président sortant, viennent fatalement à s'en mêler.
Les hypothèses s'emballent vite, et ... l'affaire s'avère donc à suivre avec minutie.

L'intrigue est menée tambour battant, les cartes sont savamment rabattues, l'attention, la concentration sont de mise. Le roman est l'occasion de réviser ses classiques, voire de découvrir certains auteurs - ce fut le cas pour moi, je l'avoue humblement - . Le ton est aussi alerte que drôle. Les phrases en italien et en anglais ne sont cependant pas traduites, le niveau de langue n'est certes pas élevé, mais cela peut décevoir celles et ceux qui ne maîtrisent pas ces langues. J'avoue avoir pris un plaisir jouissif à cette lecture, cette fiction mettant en scène des personnalités connues, tant intellectuelles que politiques. De surcroît, j'y ai appris des choses, et me suis senti un peu moins inculte qu'avant. On peut donc, à mon sens, se laisser guider. J'y ai passé un fort bon moment.
Original mais vain 5 étoiles

Un roman inclassable, à la fois polar, concentré d'érudition et chronique people de l'année 1980. En se basant sur la mort accidentelle de Roland Barthes le 25 février 1980, l'auteur imagine un tas de péripéties abracadabrantes. Et si le critique littéraire avait été assassiné? Un commissaire, Jacques Bayard, et un sémiologue, Simon Herzog, s'aventurent dans une enquête qui les conduit précisément à s'interroger sur cette science (la sémiologie - science des signes linguistiques) et ses principaux concepteurs. On rencontre donc, au fil des pages, pas mal de personnalités de l'époque, des professeurs et des écrivains comme Foucault, Deleuze, Eco, Sollers et Kristeva, mais aussi des hommes politiques comme Giscard et Mitterrand. Et l'on s'oriente, comme l'indique le titre, vers une mystérieuse "septième fonction du langage" dont je ne peux rien dire de plus ici. Ce roman loufoque m'a suffisamment intrigué pour me tenir en haleine pendant les 200 premières pages. Mais ensuite, je dois le dire, je m'en suis lassé et j'ai été presque tenté de l'abandonner en cours de lecture. On peut s'amuser de lire un roman dans lequel évoluent des personnalités mais on risque rapidement de trouver cet exercice assez vain. Pas fâché d'en avoir fini et de passer à une autre lecture!

Poet75 - Paris - 68 ans - 15 novembre 2016


Sémiologie 8 étoiles

Un texte jouissif où on sent que l'auteur a pris un certain plaisir dans les dialogues, et les rapports humains notamment lors des rencontres Mitterrand, Lang, Joxe, Fabius ou celles entre Giscard et Ponia. Laurent Binet écorche au passage l'intelligentsia intellectuelle de l'époque avec un Philippe Sollers qui semble totalement inconséquent qui ne peut résister à un bon mot, un BHL suffisant qui veut exister (oui, déjà à l'époque). L'auteur s'est amusé indubitablement dans l'écriture de cette enquête et en s'amusant il parvient à nous divertir intelligemment, n'est ce pas ce que chacun d'entre nous attend de ses lectures?

Pytheas - Pontoise - Marseille - 59 ans - 25 mars 2016


Les septs vies du chat ! 8 étoiles

Les faits : 1980 le duel qui va opposer Valéry Giscard d'Estaing à François Mitterrand se prépare et tous les moyens sont bons. La première manche opposant les deux candidats (1974) avait été remportée par VGE. Lors de l'ultime débat télévisé qui précède l'élection Giscard d'Estaing avait remporté la joute oratoire sur une phrase qui tue : " Monsieur Mitterrand vous n'avez pas le monopole du coeur ".
En mai 1981, le débat sera aussi la clé de l'Elysée et les candidats ont conscience de la puissance du langage. C'est lui qui donnera la palme au vainqueur et coupera la main du vaincu.

Un livre minutieux à en devenir agaçant. Comme le dit l'auteur : " Un mélange de western spaghetti et de chroniques martiennes". J'ai pris beaucoup de plaisir car ces évènements je les ai vécus dans ma jeunesse et bien des noms et des situations m'étaient familiers. Cependant j'ai l'impression que bien des lecteurs seront désemparés.

Est ce que dans la vraie vie on peut changer la vie ?

Monocle - tournai - 64 ans - 13 janvier 2016


Jouissif! 8 étoiles

Une lecture jouissive, dont la belle mécanique narrative m'a rappelé Japrisot. Tout part de la mort de Barthes, renversé par une voiture en février 80. Accident ? Le narrateur a une tout autre thèse : Barthes aurait été tué car il avait sur lui un document décrivant la septième fonction du langage. Commence une enquête passionnante qui voit défiler une série de personnages bien connus à cette époque dans le domaine politique (Giscard, Mitterrand, Jack Lang...) et surtout dans celui de l'intelligentsia dominée par le structuralisme : Umberto Eco, BHL, Derrida, Lacan, Foucault, Kristeva, Sollers et consorts font l'objet de satires souvent très comiques et vivent des aventures époustouflantes. L'un des mérites du livre est aussi d'utiliser avec intelligence des faits historiques comme l'attentat de la gare de Bologne ou le duel Giscard-Mitterrand, dont la relecture s'intègre parfaitement au récit. Du grand art !

Lucien - - 69 ans - 3 janvier 2016


Une caricature amusante, sans plus 6 étoiles

Cette pochade renferme effectivement plus de possibilités que son auteur n'en a voulu montrer.
Le microcosme germanopratin est décortiqué, ses moeurs réelles ou supposées, ses tics, ses rivalités, montés en épingle jusqu'à rassembler la distribution d'une commedia dell'arte à la sauce tragi-comique.
Jusqu'au flic raciste, obtus et primaire (primate ?), sorti d'un pseudo remake du genre "Maigret à la Sorbonne".
L'assemblage de culture (comme on parle d'assemblage de cépages divers) aux allures brillantes autant que débordantes peut faire illusion un temps, mais la bouteille est faite pour être bue vite et sans attendre de finesses prolongées : courte en bouche.
On ne va pas s'étriper pour une fugace comète de deuxième ordre dans le ciel des lettres.
Tiens : Queneau est absent de la distribution, on le comprend.
A lire en TGV.

Radetsky - - 81 ans - 13 novembre 2015


Le pouvoir des mots 9 étoiles

Le sémiologue Roland Barthes a été renversé par une camionnette. Ce qui ressemble à un banal accident de la voie publique va se révéler être le point de départ d'une enquête barrée dans le Landerneau intellectuel du Paris des années 80.

Sur fond de luttes de pouvoir, politiques et culturelles, dont l'arme absolue serait la maîtrise du langage, Laurent Binet nous embarque dans une aventure rocambolesque. Il nous mène des bains parisiens à l'université d'Ithaca en passant par le Logos Club, mêle les services secrets d'Europe de l'Est à l'Intelligentsia française et les Brigades Rouges, met en scène Foucault, Eco, Mitterrand, Sollers et bien d'autres. Le tout avec une grande liberté.

Laurent Binet nous divertit, nous instruit, nous titille les neurones. Un roman jubilatoire.

Elko - Niort - 48 ans - 25 octobre 2015


érudition gâchée 6 étoiles

Le roman est très sympathique. Il allie une grande érudition (en tout cas cela en a l'apparence) sur les techniques d'analyse du langage à une histoire d'enquête plutôt cocasse, même si je ne l'ai pas aimée outre mesure : à trop vouloir faire rigolo, l'auteur est tombé dans les travers de la littérature actuelle qui croit "faire drôle" à force d'érection, de pénétration avec gode-ceinture et d'épilation pubienne.
Je pense à ce que Umberto Eco (que je cite à dessein, les lecteurs du roman comprendront pourquoi) aurait fait d'un sujet à l'originalité aussi prometteuse : un thriller érudit. N'est pas Eco qui veut, et la "Septième Fonction du Langage" ne reste qu'un aimable divertissement.
De plus, l'auteur repassera en matière de thriller parce que le fin mot de l'histoire est perceptible dès l'entame. L'auteur essaye juste de lancer le lecteur sur un faisceau de fausses pistes pour simplement le ramener, au final, sur ce qu'il soupçonnait déjà.

Quelques remarques complémentaires :
1. Le fait que l'auteur s'amuse lui-même dans son roman de certains rebondissements improbables ne le dédouane pas de les avoir écrits, ces rebondissements improbables.
2. Les chroniqueurs médiatiques feraient bien de lire les romans avant de dire n'importe quoi : si BHL est cité plusieurs fois, la charge sur sa suffisance n'est rien par rapport à la charge sur Philippe Sollers, qui va même jusqu'à en perdre les couilles.
3. Curieusement, le lecteur averti ne pourra penser qu'aux romans "Fight Club" et "Berceuse" de Chuck Palahniuk pour la similarité de certaines idées, avec bien sûr un sourçon du "Nom de la Rose".

B1p - - 51 ans - 18 octobre 2015


Loufoquerie intellectuelle 7 étoiles

J’avais entendu beaucoup de bien de ce roman dans les médias. Il était présenté comme un polar sur l’intelligentsia française des années 80. Partant d’un fait réel, la mort de Roland Barthes, Laurent Binet imaginait la suite sur fond de complot.
J’ai débuté la lecture avec ces seules informations, donc dans le brouillard complet, ne sachant pas du tout à quoi m’attendre. Et même à la fermeture du livre, je n’y vois pas plus clair, j’aurais du mal à le définir. C’est à la fois, un texte intelligent, érudit, plein de références et à la fois une histoire complètement imaginaire et barrée. Et c’est peut-être ce mélange peu ordinaire qui m’a dérangé. En effet, je n’ai jamais accroché à l’assemblage de réel et de fiction dans la littérature.

Laurent Binet invente une aventure qui n’a de véritable intérêt que parce qu’elle engage des personnalités connues. On pense pouvoir apprendre des choses sur eux et on s’intéresse à leur destin. Mais j’ai très vite compris que le scénario était inventé, et qu’à aucun moment, on ne peut différencier ce qui est véridique de ce qui ne l’est pas dans les personnages et leurs relations. Je me pose donc la question : Pourquoi avoir utilisé des gens célèbres pour en définitive travestir leur caractère et leurs actes… des personnages de fiction auraient suffi!
De plus, les fameux personnages utilisés font partie d’une élite pas forcément connue de tout le monde (je parle pour moi…). Etant né en 1979 et ne côtoyant pas le gradin parisien, j’avais déjà entendu ces noms, mais sans vraiment les connaître. Je n’ai donc ressenti aucune empathie pour eux. Ce qui faisait l’originalité du livre a été pour moi son plus gros défaut.

Ceci étant dit, ce fut tout de même un bon moment de lecture. Le polar est plein de surprises. Les scènes sont toutes plus cocasses et décalées les unes que les autres. Certaines resteront d’ailleurs dans mon esprit comme des moments d’anthologie. L’écriture de Laurent Binet est atypique mais maîtrisée. J’ai finalement appris certaines choses sur la crème de cette époque et sur la sémiologie (science qui m’était complètement inconnue). Je réserverai mon jugement sur Laurent Binet après la lecture d’un autre roman…

Killing79 - Chamalieres - 45 ans - 16 octobre 2015