Le général dans son labyrinthe
de Gabriel García Márquez

critiqué par Fanou03, le 22 septembre 2015
(* - 49 ans)


La note:  étoiles
Le voyage sans retour
Usé par sa vie militaire et aventureuse, malade, le général Simon Bolivar annonce qu'il se retire de la vie publique et qu'il souhaite s’embarquer pour l’Europe afin d’y finir ses jours. Il quitte alors Bogota pour se rendre sur la côte colombienne, accompagné de ses derniers fidèles et de sa garde rapprochée. Mais, rongé par le démon politique, est-il au fond de lui-même réellement décider à quitter l’Amérique ?

Gabriel Garcia-Marquez reconstitue sous la forme d’un roman, de façon extrêmement bien documentée, les derniers moments de Simon Bolivar, le Libertador, figure de légende de l’Amérique du Sud, qui fut un des acteurs de l’indépendance des provinces espagnoles de ce continent. Mais ce n’est pas vraiment un « livre d’histoire » que nous offre ici Gabriel Garcia-Marquez. Le Général dans son labyrinthe reste bien avant tout une œuvre littéraire, hantée par l’idée de la mort et la vanité de la gloire.

Même sans connaître la biographie de Bolivar, on subodore, dès le début du livre, que l’issue de ce voyage lui sera fatale. La santé du général, bien affectée dès le début du roman, ne cessera, malgré de courtes rémissions, de se dégrader en une lente et douloureuse agonie. À travers les souvenirs fiévreux qui ressurgissent de la mémoire du Général au gré de son ultime pérégrination, comme s’il faisait défiler le film de sa vie, l’auteur nous interroge : quel sens ont donc nos vies, même les plus remplies, comme celles de Bolivar ? Le Libertador exprime d’ailleurs lui-même son amertume, constatant la ruine de ses efforts, après pourtant des dizaines d’années de lutte politique : "il faudrait tout recommencer..." Le roman est puissant, mais assez sombre: il insiste beaucoup sur l’inéluctable déliquescence physique d’un héros qui tente jusqu’à son dernier souffle de défier la mort, comme il l’a si souvent défié sur les champs de bataille.

Grâce au talent de Gabriel Garcia-Marquez, la psychologie de Bolivar se déploie également, dans toute sa complexité. On observe ainsi son génie, habité par des visions prophétiques, sa générosité, mais aussi, comme un vieil enfant, on le voit ressasser les rancunes, les jalousies ou bien se montrer parfois terriblement mesquin. L'écriture de Gabriel Garcia-Marquez, dense, précise, permet de peindre ainsi avec acuité tous les côtés de la personnalité de Simon Bolivar.

Le Général dans son labyrinthe est aussi un hommage, de la part de Gabriel Garcia-Marquez, au Libertador, en rappelant au passage qu'il était certes adulé par les uns mais également haï par les autres. Les éléments biographiques distillés au cours du livre, quant à eux, ne sont pas toujours faciles à suivre pour celui qui ne connaît pas forcément cette période, mais attisent en tout cas la curiosité sur ce destin hors du commun.