Fable d'amour de Antonio Moresco

Fable d'amour de Antonio Moresco

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Nathafi, le 21 avril 2016 (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 57 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 894ème position).
Visites : 4 469 

Et pourquoi pas ?

IL ETAIT UNE FOIS un vieil homme qui s'était éperdument pris d'amour pour une fille merveilleuse.

"Fable d'amour" commence ainsi...

Rosa, fille merveilleuse, jeune, pétillante et très belle, croise souvent Antonio, vieux clochard désabusé, qui n'attend plus rien de la vie, protégé par ses cartons et ayant pour seuls biens quelques sacs remplis d'on ne sait quoi.

Cette histoire improbable, incroyable, et disons-le, impossible, ne pouvait être que le thème d'un conte. Un conte moderne, qui ne ménage pas notre société et ses travers, son infamie et sa perversité.

Ils vont s'aimer, lui va réapprendre à vivre, redécouvrir les gestes du quotidien, oublier peu à peu ses années de rue, les nuits froides ou humides, les conteneurs à fouiller, la méfiance, le regard des autres. Il va renaître, propre sur lui, peu loquace après ces années de solitude, mais la lumière et la chaleur que lui apporte la fille merveilleuse l'aident à reprendre confiance en lui. Il ne vit que par elle, que pour elle.

Ce livre est un bijou. Un bijou précieux, dans ce qu'il a de poésie. L'écriture est parfois vive, voire crue, il faut dire que l'univers de la rue n'est pas des plus appropriés pour les belles phrases. Mais quand entre ces deux êtres un lien se crée, quand elle prend sous son aile cet homme perdu, comme un oiseau blessé, et qu'elle lui rend peu à peu le sourire, quelle magie ! Et puis...

Bien plus qu'un conte d'aujourd'hui, ce livre nous apporte un regard intéressant sur ce qu'est l'amour, comment aimer, et comment être aimé. Accepter de ne compter que pour un(e), se livrer entièrement, corps et âme, au risque de se perdre. La vie n'épargnant personne et présentant ses écueils, il semble difficile de vivre si intensément un amour exclusif.

Pourtant... En faisant fi de la norme et des conventions, tout est possible. Antonio Moresco l'a bien compris, et nous fait partager ses pensées au travers de ce livre original et surtout dérangeant, au sens noble du terme, car il ne laisse pas le lecteur insensible.

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Tout est possible en amour

7 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 25 octobre 2016

Fable d’amour est un roman d’amour écrit comme une fable, une fable des temps contemporains : un crapaud/clochard, à la limite entre le règne animal et le règne végétal, est un jour réveillé par une princesse/pin up qui le conduit chez elle pour le récurer à fond et l’habiller décemment. Sortant de sa gangue de crasse, débarrassé de ses hôtes indésirables, le vieil homme émerge peu à peu de sa léthargie végétale pour rejoindre le genre humain. Arrivé à ce stade, il tombe follement amoureux de la belle qui a tout fait pour le séduire, mais le mirage ne dure pas longtemps, conquise par un bellâtre, la belle éconduit le pauvre ère qui retourne à son trottoir, à ses cartons, au froid, à l’humidité, à la nourriture tirée des poubelles. Faisant alors son autocritique, il ne comprend pas comment il a pu se laisser embrouiller, lui qui a déjà quitté le monde immonde une première fois.

Alertée par le pigeon, sorte d’Esprit Saint qui veille sur le sort du clochard, la belle comprend la folie et la méchanceté de son geste et part à la recherche de son amoureux éconduit qu’elle retrouve au pays des morts car comme dans toutes les fables tout est possible. Antonio Moresco a choisi la fable car elle permet d’étendre le désormais trop célèbre champ des possibles, elle rappelle « que l’impossible et l’inattendu peuvent encore faire irruption dans le possible et dans la vie. »

L’auteur, dans une note placée en postface, précise qu’il a écrit ce texte très rapidement alors qu’il était occupé à la rédaction d’un ouvrage fleuve. Il a laissé libre court à son imagination pour raconter une histoire d’amour, comme il en existe dans de nombreuses fables, en adaptant les personnages à notre époque où les miséreux sont de plus en plus nombreux sur les trottoirs et où il serait bon que les plus nantis se penchent un peu plus souvent sur eux. Dans ce sens ce texte est une leçon de morale pour les plus avantagés, une réaction contre l’injustice qui frappe les plus démunis et une invitation à manifester plus de compassion envers ses gueux des temps modernes.

C’est aussi un message d’espoir car il faut toujours croire que le plus improbable est possible, que le Capitole est toujours aussi près de la Roche tarpéienne, qu’on peut toujours passer du royaume des riches à celui des pauvres et vice versa. « Il est tout aussi facile de passer de la vie à la mort que la mort à la vie, même si les vivants ne le savent pas. Même s’ils ne savent pas que le monde des vivants est empli de morts : ils ne peuvent pas le savoir parce qu’ils sont morts. » Les vivants de la fable peuvent-être les riches et les pauvres les morts. Une réflexion sur la vie et la mort, la richesse et la pauvreté et sur la minceur de la cloison qui sépare ces divers états.

L’auteur laisse aussi percer une certaine lassitude à voir ses contemporains se débattre comme des diables pour tout simplement s’aimer les uns les autres. « Que c’est dur toute cette douleur des vivants et aussi des morts, tous ces gens qui se cherchent et ne se trouvent pas. Que c’est dur tout cet amour impossible… » Comme le monde marcherait mieux si tous les amours contrariées devenaient possibles.

" Et si la fable était le seul mode pour raconter aujourd'hui la puissance d'aimer?"

9 étoiles

Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 54 ans) - 23 août 2016

C'est bien une fable.
Ça commence par "il était une fois", on retrouve le schéma narratif du conte- avec son état initial, un évènement qui va venir le bouleverser, des péripéties et puis la résolution des problèmes avant l'état final-, on retrouve les temps du conte, l'imparfait et le passé simple, le merveilleux, le fantastique, l'animal érigé en héros avec ses pouvoirs surnaturels, la vie et la mort qui n'ont plus vraiment de frontières, et puis on a le vieil homme et la fille merveilleuse.

Et ce n'est pas une fable.
Parce que dans les fables les personnages sont beaux, propres, lisses, magiques, divins, et qu'ici il n'est question que de crasse, de poux, d'excréments séchés, de détritus et de relents dégoûtants.
Parce que les deux protagonistes, bien que peu souvent appelés par leur prénom, en ont un, que toute la cruauté du quotidien est omniprésente et que le monde dans lequel ils évoluent n'a rien de fastueux, de beau, d'idéal, d'alléchant.

C'est une fable et ce n'est pas tout à fait une fable, ce n'est pas une fable et c'est une fable quand même, c'est une histoire impossible qu'on se plaît à imaginer réelle quand même, alors que c'est son irréalité qui la rend belle et peut-être possible. En tout cas le veut-on.

C'est la deuxième fois qu'Antonio Moresco est traduit en français, et, après le début prometteur de La petite lumière et la réussite de sa Fable d'amour, on souhaite sincèrement que ça continue.

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