Une chaleur si proche
de Maruja Torres

critiqué par Jules, le 7 février 2001
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
La vie à travers une enfant
Manuela est une jeune femme qui écrit des romans policiers. Au moment où nous la rencontrons, elle doit quitter Madrid, et son éditeur, pour aller à Barcelone à l’enterrement de sa mère.
Un autre auteur de romans policiers, qu'elle connaît, l'appelle et lui dit que la veille, au festival du roman policier d'Aix en Provence, une femme d’une cinquantaine d'années s’est présentée à lui en lui montrant une photo d’elle avec Manuela, qui devait avoir une dizaine d’années. La photo date de 1954, dit-il. Cette femme lui a demandé que Manuela l'appelle. Il ajoute qu'elle est très belle et qu'elle a une allure folle !.
Toute son enfance dans le Bario, quartier populaire de Barcelone en partie détruit pour les Jeux Olympiques, lui revient au visage. Le petit appartement où elle vivait avec son oncle Ismaël, son épouse Amelia, soeur de sa mère, et sa mère, Mercedes. Ismaël est un petit tailleur à la pièce et ne gagne pas des fortunes, loin de là. Mais il a toute une philosophie et un art de vivre qu’il inculquera à Manuela. Le père d'Amelia, alcoolique, est heureusement parti et les a abandonnées. Ismaël en a bien besoin de sa philosophie, entouré qu’il est de ces deux femmes qui ne cessent de se plaindre et de geindre. Il s’évade dès qu'il le peut et emmène Manuela dans ses promenades à travers la ville et vers le port. Il lui fait découvrir les plaisirs de la connaissance, des livres, de parler aux gens, de se satisfaire de petits plaisirs qui passent. Il y a aussi les promenades avec la jeune et jolie cousine Irène. Femme superbe et sensuelle que Manuela adore car elle, elle ne se plaint pas ! Ismaël aime se promener et parler longuement avec Irène.
Ce livre est plein de saveurs, de couleurs, d'odeurs et d'une certaine sensualité. Une enfant découvre le monde et ses joies, même si la pauvreté règne tout autour d'elle.
ma barcelone à moi c'est toi… 10 étoiles

Souvenirs, souvenirs… Manuela se souvient, de sa ville d’alors, la Barcelone des années d’après-guerre, de son quartier, le Barrio, un quartier pauvre que certains disent mal famé avec ses ruelles sombres et sa vie nocturne. C’est là qu’elle a grandi, entre sa mère et sa tante, celle-ci affublée d’un mari inexistant, au milieu des cancans, des jalousies, et de la gêne, cet état qui n’est pas tout à fait la misère mais ferme définitivement la porte à l’espoir. On pense à l’atmosphère pesante de "Mort à crédit" (Louis-Ferdinand Céline) ou bien encore "Vipère au poing" (Hervé Bazin). Heureusement il y aura dans la vie de la fillette des envolées de bonheur qui lui permettront de s’ouvrir à la vie. Une chronique familiale douce-amère, écrite avec une profonde sensibilité et une totale sincérité, admirablement rendue par la traduction…

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 14 juin 2020