Etre aveugle avec davantage de peau de Hannelies Taschau

Etre aveugle avec davantage de peau de Hannelies Taschau
(Blind sein mit viel mehr haut)

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie , Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Eric Eliès, le 3 novembre 2015 (Inscrit le 22 décembre 2011, 50 ans)
La note : 8 étoiles
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Une poésie, froide et sèche d'images, profondément ancrée dans la réalité sociale

La collection "Parallèle", publiée par André Silvaire à l’époque de de l’âge d’or de l’édition poétique (je pense à Rougerie, PJO, Seghers, etc. – même Gallimard osait publier de jeunes auteurs !), proposait des recueils bilingues de poésie contemporaine. Les éditions André Silvaire ont disparu en 2003, avec le décès de leur fondateur.

La courte préface de Werner Dürrson exprime très bien la quintessence de cette poésie, très dépouillée et d’une grande froideur. « Ses poèmes ont le charme ingrat d’une optique aiguë (…) où même la métaphore la plus sensuelle demeure en-dessous de la température du corps. Parfois ce sont des instantanés, en tout cas des vues toujours parfaitement mises au point qui dénoncent au deuxième regard (…) ce qu’on veut faire passer pour indispensable. Son lyrisme cynique rappelle à la conscience toutes les formes sociales de contrainte et d’abdication voulue ».

Cette poésie froide est également sombre, profondément pessimiste mais néanmoins agréable à lire par la diversité des formes alternant entre le constat clinique, le monologue intérieur et le dialogue. Il y a très peu d’images : le poème n’est parfois qu’une phrase d'apparence prosaïque découpée en vers pour rythmer et appuyer le message, qui peut prendre la forme d’une sorte d’aphorisme. En fait, la poésie naît de la volonté de précision, presque clinique, d’une écriture très épurée et du léger décalage qu’elle parvient à créer, comme un coin inséré dans un interstice sur lequel elle fait levier, entre notre univers quotidien et la perception qu’elle nous en impose, qui est avant tout une dénonciation. Certains titres sont d’ailleurs évocateurs d’une poésie très ancrée dans la réalité sociale (« Parents » ; « Les femmes chez elle » ; « Accueil d’un nouveau dans un foyer pour inadaptés »).

Les femmes chez elles / ce qu’elles font / toute la journée / arroser faire à manger nettoyer / installer les plus beaux souvenirs de / Torremolinos devant / la fenêtre / se battant avec leurs sœurs / comme si c’était une question de vie ou de mort / Le soir elles attendent / immobiles comme / les meubles de l’entrée - / parfois l’une d’elles s’oublie / et attend dehors devant la porte / c’est alors que des griffes blanches / agrippent les propriétaires vers l’intérieur / c’est alors que les jalousies tombent / Marque sécurité

La conscience écologique est également nettement marquée, avec la crainte (explicitement avouée dans la préface) que le monde ne devienne invivable à court terme (ie à l’horizon des années 80 quand l'auteure écrit son recueil) :

Trouver les saisons belles / trouver belle la nature / (…) / Embellissez votre habitat par un jardin / (…) / Entre-temps tout s’est aggravé / pas d’avenir en perspective / Tout un peuple se photographie / dans la nature / On nous dit / que vue de l’extérieur notre terre est / bleu azur / Mais nous n’avançons pas.

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