Le Bénarès-Kyôto
de Olivier Germain-Thomas

critiqué par Tistou, le 13 novembre 2015
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Passage en revue de l’Asie
Evidemment, un Bénarès – Kyôto n’existe pas. Mais c’est le voyage qu’a fait Olivier Germain – Thomas, de l’Inde vers le Japon via Thaïlande, Laos, Vietnam, Chine qu’il nous relate. Enfin, relate, pas vraiment. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un récit de voyage mais plutôt de considérations itinéro – philosophico – sociétales. Olivier Germain – Thomas aime l’Asie et notamment Inde, Chine et Japon, et cela se voit.
Pays déjà abondamment fréquentés par le passé, il fait là en quelque sorte un voyage de synthèse, un peu sur les traces du divin Bouddha. Il y a évidemment beaucoup de considérations philosophiques à la clef, mais également beaucoup de détails liés au voyage lui- même - je veux dire au fait de voyager, de se mettre « hors – sol », hors sa condition normale pour pouvoir absorber différences culturelles et de vie courante. A cet égard il y a un peu de Nicolas Bouvier dans cet Olivier Germain – Thomas là, un peu de Sylvain Tesson aussi. De belles références !
Clairement, le Japon vient en tête des préférences de l’auteur, puis l’Inde et la Chine. C’est ainsi que je l’ai senti. Il fait la part de l’inconnaissable – importante – de ces cultures. Il faut faire avec, sous peine de disjoncter. Il assume cette part et la revendique : comment faire autrement ?
Les aspects religieux viennent en bonne place – moins en Chine évidemment. Chine pour laquelle il se livre à des spéculations que je pourrais prendre à mon compte. Elles reflètent mon état d’esprit vis-à-vis de ce pays schizophrène. Cet épisode lors de son passage en Chine :

« Au retour, je croise un moine tibétain. Nous nous saluons et restons immobiles l’un en face de l’autre avec un sourire convenu. Je lui fais comprendre que j’ai rencontré le Dalaï – Lama. Le visage du moine passe de la sérénité à l’inquiétude. Heureusement, nous sommes seuls sur ce chemin qui domine la mer. Il me prend les mains, les serre. Y a-t-il des larmes coulant dans ses yeux ? Comme je vois arriver au loin un couple de Chinois, je baragouine très vite, je ne sais comment, que nous sommes conscients du martyr du Tibet et que nous recevons beaucoup de lamas tibétains qui transmettent le dharma (chos) en Europe. Je me dégage. Nous nous éloignons. Quelle force a-t-elle permis à certains maîtres de transformer en compassion la haine naturelle éprouvée face à la rage qui s’est déversée sur la culture et le peuple tibétains ? Selon la loi du karma, la Chine devra payer. Je pense au barrage des Trois Gorges qu’elle construit, un chancre sur son corps. La régénération par le déluge est un mythe universel … »

Des considérations incidentes également, de celles qui vous viennent lors de confrontations avec d’autres cultures, par exemple sur l’Islam, qui ne manquent pas d’intérêt :

« Toute l’île de Putuo Shan est sous la protection de Guanyin qui est la métamorphose féminine du très vénéré bodhisattva de la compassion Avalokiteshvara (qui a changé de sexe en pérégrinant). Il manquait une figure féminine au bouddhisme. On prend un homme, on lui coupe les roubignoles, on lui adjoint des tétons. De quoi faire couler l’encre rose … Mais il y a là un besoin naturel. N’a-t-on pas chez nous introduit peu à peu le culte de la Vierge, « mère de Dieu » ? L’Islam ne souffre-t-il pas de ce manque ? »

Tout ceci fait de la relation de cette pérégrination de Bénarès à Kyôto un ouvrage « interpellant » qui n’intéressera pas que ceux qui connaissent le continent asiatique …