Madame H.
de Régis Debray

critiqué par Colen8, le 14 décembre 2015
( - 83 ans)


La note:  étoiles
Sous le signe de Clio
Le talent littéraire de Régis Debray donne à son autobiographie courte et percutante une saveur particulière. Seulement quelques bribes de souvenirs sont évoquées. Il y a d’abord l’éveil d’une conscience politique chez le préadolescent qu’il est alors par la défaite humiliante de Dien-Bien-Phu. Comme les normaliens de sa génération, lui aussi communiste, son rêve d’héroïsme à l’exemple des jeunes engagés dans la Résistance s’exprimera plus tard dans la révolution bolivienne en compagnie du Che. Au fil des pages il est question d’un rendez-vous manqué peu glorieux à Colombey peu avant la disparition du Général de Gaulle, de sa nostalgie à l’égard des écrivains inspirés par les conflits, Kessel, Malraux, Saint-Ex et quelques autres. Devenu pendant un temps la plume de Mitterrand, il ne cesse de porter un regard lucide quelque peu désabusé sur l’esprit et les hommes de cette fin de siècle qui malgré la chute du mur aura manqué cruellement de grands événements dont il se serait voulu une figure. Ses formules à l’emporte pièce font mouche de même que ses allusions du second degré sur la France giscardienne, sur l’alternance socialiste sans alternative précise-t-il. Pas de concessions non plus dans ses commentaires elliptiques sur ceux qui se prennent pour les grands, « les puissants impuissants », les incultes de ce monde prêts à tout pour figurer sur l’image ou mieux encore sur l’écran télé. Des regrets oui, comme chez ceux qui se demandent « qu’avons-nous fait de nos 20 ans ? », car ni la philosophie, ni l’histoire, ni l’écriture n’auront semble-t-il suffi à le satisfaire pleinement.