Train (-train) quotidien, chroniques ferroviaires
de Claire Arnot

critiqué par CC.RIDER, le 10 janvier 2016
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Un petit bijou littéraire
« Pendulaire » comme des millions de banlieusards, Claire Arnot habite en Ombrie et prend tous les matins le train pour Rome où elle enseigne au Lycée français. Elle profite de ces deux heures de temps « perdu » pour noter tout ce qu'elle observe. Avec son regard aigu mais compatissant, peu de choses lui échappe et Dieu sait s'il s'en passe dans les trains, les gares, les bus et le métro pour qui veut bien faire autre chose qu'y dormir !
Ces très courtes chroniques (chacune ne représente qu'environ une page) sont autant de petits tableaux précis et ciselés, autant d'instantanés de la vie de tous les jours qui sont assez dans l'esprit des poèmes en prose de Philippe Delerm mais en plus social et en moins superficiel. En effet, en peu de mots, Claire Arnot arrive à décrire ou à suggérer énormément de choses. Elle propose une série de portraits croqués sur le vif et pas piqués des vers comme celui de la pauvre Africaine avec son smartphone dernier cri empli d'applications bibliques, ou celui de la contrôleuse acariâtre surnommée « le Sanglier », sans parler du chanteur de reggae aveugle qui, « après avoir singé Bob Marley remballe son matos, garde ses lunettes noires et repart à vélo ». En un ou deux paragraphes, d'une plume aussi poétique que minimaliste, elle est capable de brosser de superbes descriptions de son cadre de vie comme dans « Toit mon toit » ou « Camping forcé ». Intéresser, amuser, émouvoir, tout à la fois, un vrai tour de force ! Mais le plaisir du lecteur ne s'arrête pas au seul côté anecdotique voire journalistique des textes. Il est renforcé par la qualité du style, le sens de la formule et les trouvailles souvent étonnantes. Quelques exemples : pour un clochard, « immondice du matin, chagrin... humain », pour un réfugié, « en règle ? Clandestin ? Quel destin ? », pour une cougar, « par derrière, lycée, par devant, musée », pour les mendiants qui chantent dans le métro, « les musi-chiens », et pour les touristes ramollis du bulbe, « Merci Ryanair ! Tourisme et culture low-cost... ». Au total, un pur régal ! Félicitations aux Editions du 38 pour ce petit bijou atypique.