Les chemins de la fraternité
de Jean-François Nahmias

critiqué par TRIEB, le 25 janvier 2016
(BOULOGNE-BILLANCOURT - 73 ans)


La note:  étoiles
UNE INITIATION FRATERNELLE
Le personnage central de ce roman est Frédéric Legendre, en rupture avec sa famille et sa condition d’origine: son père dirige avec beaucoup d’autoritarisme et de dureté vis-à-vis de ses salariés une entreprise de confection consacrée à la fabrication de boutons. Le différend familial prend sa source dans un accident de travail dont est victime une ouvrière de l’usine. Frédéric Legendre décide de partir pour Paris. Il s’agit du Paris du Second Empire, en l’année 1865.

Les premiers temps sont difficiles, marqués par une grande précarité matérielle, jusqu'à ce que notre jeune homme en recherche d’une nouvelle orientation à sa vie se mette au service d’un libraire nommé Amédée Silvestri, qui lui attribue comme tâche de ranger ses manuscrits par ordre alphabétique. Il rencontre également des personnages tels que Raoul Rigault, agent très officieux des milieux révolutionnaires de Paris, Augustin Grandier, autre militant , et aussi Eugène Varlin, alors chef du syndicat des relieurs qui jouera un rôle clé dans la Commune de Paris.

Ces rencontres vont lui faire découvrir, ou plus exactement approfondir, sa connaissance du domaine des idées et de la littérature, qu’il a déjà eu l’occasion de peaufiner chez les frères maristes, dont il a reçu l’enseignement lors de son adolescence, et de sa connaissance de la langue allemande … Frédéric Legendre est conscient du rôle de ces rencontres dans la nouvelle orientation de sa vie: « Il voyait défiler ces visages qui avaient surgi dans sa vie: Augustin Grandier, sage et facétieux avec ses livres factices, en qui il pourrait trouver une autorité bienveillante; Maxime qui sous ses dehors ingrats, pouvait lui apporter ce lien fraternel qui lui avait tant manqué; Raoul Rigault, enfin, qui venait de lui adresser le plus grand des compliments. »
Ce jeune homme accomplit alors un apprentissage: celui de la vie à Paris, marqué par des rencontres dangereuses, celles de bandits vus dans les auberges, et aussi celle de Bouton d’Or, femme volage dont il tombe amoureux.
C’est la guerre de 70 qui déclenche le basculement de Frédéric Legendre vers le camp de la Commune, alors que ce dernier démobilisé de l’armée, rejoint rapidement les Communards qui ont décidé de défendre Paris et de résister aux Versaillais.
Clin d’œil permanent au chef-d’œuvre de Victor Hugo Les Misérables, dont il s'inspire largement dans la thématique centrale, Les chemins de la fraternité nous fait découvrir un aspect méconnu de la Commune de Paris: le rôle a priori essentiel qu’y a joué la Franc-maçonnerie. Ainsi apprend-on que beaucoup de leaders de La Commune étaient membres de cette organisation: « Augustin cita un certain nombre de noms, précisant qu’il y en avait d’autres: Jules Bergeret, Jean-Baptiste Clément, Emile Eudes, Francis Jourde, Eugène Pottier, Jules Vallès ».
Autre aspect du roman: le dévoilement partiel des cérémonies d’initiation d’un « frère », le vocabulaire employé par les membres d’une loge qui désigner leur local par ce vocable: le temple. La loge est dirigée par un « vénérable ».
A la fin du roman, La Commune est vaincue et Frédéric Legendre, qui a fait auparavant la connaissance de Gavroche, un gamin de Paris qui se surnomme ainsi en hommage au roman de Victor Hugo, donne rendez-vous à ce dernier devant la gare du Nord. Ils vont partir vers l’étranger; Frédéric Legendre a promis à ce jeune garçon de l’éduquer, de lui apprendre à lire, pour s’émanciper, pour devenir libre, pour qu’il puisse parcourir lui aussi à son tour les chemins de la Fraternité …