Le dernier seigneur de Marsad de Charif Majdalani

Le dernier seigneur de Marsad de Charif Majdalani

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Tistou, le 15 février 2016 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 355ème position).
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Liban en charpie …

Venant de lire récemment « Les désorientés » de Amin Maalouf, je ne puis m’empêcher de tracer un parallèle dans la démarche des deux auteurs. Indéniablement tous deux attachés à leur patrie, le Liban, ils s’efforcent tous deux de nous retracer une « histoire » de la décomposition libanaise à laquelle nous avons assisté en le dernier quart du XXème siècle.
A ce petit jeu, Amin Maalouf m’avait paru moins didactique que Charif Majdalani, qui, au moins dans le dernier tiers du livre ne me semble plus vraiment dans le roman lui-même mais plutôt dans la pure description des évènements post-1975 et la guerre civile.
Il y a pourtant un départ de roman tout à fait … romancé (et qui dans l’essence d’ailleurs m’a semblé faire un clin d’œil au Amin Maalouf du « Rocher de Tanios » avec ses affaires de paternité mystérieuses …). Une histoire qui tourne comme un vortex autour de Chakib Khattar – c’est lui « le dernier seigneur de Marsad – Chakib Khattar, notable de confession grecque orthodoxe (on dit grec-orthodoxe ou chrétien orthodoxe ?), solidement implanté dans le quartier de Marsad, sur l’ouest de Beyrouth. Et notable, à Beyrouth milieu du XXème siècle ne semblait pas un vain mot. C’était carrément l’aristocratie, celle des affaires, de l’économie, en l’occurrence.
Le roman va évoquer comment la famille Khattar en est arrivée à ce degré de notabilité puis comment tout va se déliter ; le quartier de Marsad, le Liban, la famille de Chakib …
Chakib qui a fils et filles, mais qui ne trouvera pas réellement de successeur pour assumer la dynastie. Le cas le plus flagrant et douloureux étant celui de sa fille Simone, qui aurait pu être celle qui lui amène un successeur via Hamid Chahine, son amour. Mais voilà, Hamid Chahine n’est que le bras droit de Chakib, fils du régisseur de son domaine de Kfar Issa. Il ne fait pas partie des « familles » qui ont la haute main sur l’activité économique ou politique du Liban. Et Chakib repousse Hamid, se brouillant de fait avec sa fille, mais les choses ne sont-elles pas encore plus compliquées qu’on ne le pense … ?
Au fil du roman, nous allons voir le quartier de Marsad se faire investir progressivement par les musulmans sunnites par le simple fait de l’expansion démographique autour de Beyrouth, puis le contrecoup des affrontements israélo-palestiniens va amener des factions de combattants, de toutes sortes, l’émergence de milices … bref l’histoire inextricable d’un Liban communautarisé et déchiré qu’on connait …
C’est dans cette partie que Charif Majdalani perd un peu de vue, me semble-t-il, le fil du roman pour se concentrer sur l’histoire libanaise. La fin retrouvera une vigueur soudaine qui fournira a posteriori des explications sur des attitudes, des faits, peu compréhensibles mais …

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Le patriarche

8 étoiles

Critique de Nathafi (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 57 ans) - 11 août 2016


Cette saga familiale nous emmène au Liban, le Liban flamboyant dans un premier temps, dans le quartier de Marsad au sud de Beyrouth, fictif pour les besoins du roman. Sur ce quartier règne Chakib Khattar, en maître incontesté, homme d'affaires intransigeant et soucieux de faire fructifier le moindre denier. C'est dans cet esprit que sont élevés ses enfants, deux fils et trois filles, porteurs d'espoirs pour ce père qui veut perpétuer la tradition et léguer à ses héritiers un empire.

Sauf que tout ne se passe pas comme prévu. Les conflits communautaires vont venir ébranler la quiétude du quartier, les enfants du Seigneur feront preuve d'ingratitude, cet homme se retrouvera bien seul dans sa lutte pour le pouvoir et le règne.

Ce livre est intéressant par son côté historique car, bien que sur fond de saga familiale, l'auteur tient à apporter au lecteur un éclairage sur les déchirements qui ont traversé son pays.
L'histoire de la famille est relatée par un homme ami du premier fils de Chakib, racontant les moindres anecdotes, dévoilant des secrets bien enfouis, et abordant tous les aspects de cet homme fier, Chakib, le dernier Seigneur de Marsad.

Les héritiers

7 étoiles

Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 4 mars 2016

Dans les années 1960, Chakib Khattar est un des plus riches et des plus influents notables du quartier de Marsad, un des quartiers ouest de Beyrouth. Un jour son jeune bras droit, Hamid Chahine, fils de son régisseur, lui demande la main de sa fille, la belle Simone. Chakib Khattar refuse catégoriquement. En désespoir de cause, les deux amants s'enfuient et se réfugient chez l’oncle de Hamid, qui soutient le plus grand rival de Chakib Khattar...

Ce roman a de nombreuses qualités : la prose de Charif Majdalani, à la fois sobre mais aussi ronde et élégante, très équilibrée, m’a donné beaucoup de plaisir dans ma lecture, ainsi que l’histoire elle-même, une chronique familiale riche en péripéties, assez rythmée. Le récit s’articule essentiellement autour de la figure patriarcale de Chakib Khattar, commerçant habile mais au caractère intransigeant qui voit petit à petit son monde s’étioler, à partir de l'adolescence de ses enfants et surtout de la guerre civile du Liban, dans les années 1980.

Malgré l’évocation de la guerre civile et les nombreux conflits que le notable aura avec ses enfants, Le dernier seigneur de Marsad évite de s’enfoncer dans la tristesse et la gravité. Le ton du récit est en effet presque celui du conte, émaillé de légendes concernant les protagonistes, le tout dans un style souvent poétique et doux, malgré la violence des sentiments et de certains évènements.

Le roman porte son discours sur deux axes: l'histoire moderne du Liban, le fonctionnement de sa société, qui évolue au cours du temps et bouscule les habitudes et les traditions établies; et de façon plus universelle la question de l’héritage, l'héritage culturel et patrimonial, qui se pose de façon aiguë pour Chakib Khattar, dont l'existence apparaît comme l'apogée et le glas d’une dynastie. Si une partie du roman, comme le souligne Tistou dans sa critique, est parfois un peu trop didactique, à la limite du documentaire historique, ce qui a tendance à briser son tempo, ce point est loin d'être rédhibitoire: Le dernier seigneur de Marsad offre un échantillon de la littérature francophone libanaise de très bon niveau.

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