La grande ville
de Nina Nikolaevna Berberova

critiqué par Jules, le 26 février 2004
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Une lettre ? Un carnet intime ?
Ce tout petit texte, comme Berberova en a écrit beaucoup, est-il une lettre écrite à quelqu’un d’éloigné ou tout simplement des impressions consignées dans un carnet intime ?

Cela peut être l’un ou l’autre. Nous mettons d’ailleurs un certain temps à comprendre que c’est un homme qui écrit. Au départ, je pensais le texte autobiographique et que l’auteur était « Je ». Mais ce n’est donc pas le cas.

Un émigré arrive dans une ville au bord d’un océan et nous sommes en automne. Son odeur emplit l’air et le vent et la fraîcheur lui font penser qu’il doit absolument trouver un logement.

Pas facile quand on ne connaît pas la ville, ni personne à l’intérieur de celle-ci, et que l’on a peu de moyens. Mais, « Pour des gens comme moi il existe des greniers et des sous-souls »

Il trouvera une chambre sous les toits, mais dans un gigantesque ensemble aux odeurs mêlées et aux bruits qui s’accumulent et enflent avec l’écho. Des portes, des couloirs sans fins, des cages d’escaliers à ne plus s’y retrouver.

« Je verrouillai la porte. Je n’avais pas l’intention de m’enfermer dans ma chambre, je voulais enfermer le monde, m’en protéger. Alors, un autre monde, plus vaste, naquit à l’intérieur de moi, ici, entre quatre murs. »

Et ses rêves vont le ramener quelque temps en arrière, quand il vivait encore avec une femme, mais au bord de la méditerranée avec des palmiers autour d’eux.

Ici, se dit-il, tous les hommes semblent différents, comme s’il n’en existait pas d‘un type particulier. Cela lui donne la sensation que tous ces gens sont un jour arrivés ici comme lui, par hasard. Eux, ou leurs parents…

Sa solitude est vraiment totale. Mais il ne semble en rien désespéré.

« J’ai compris que chacun avait apporté dans cette grande ville ce qu’il avait…. Tout cela s’est fondu dans cette ville, sur ce cap, formant cette vie à laquelle je m’apprête à participer. Avec toi qui n’est pas ici mais dont je sens la présence dans cet air que je respire. »

Un très beau petit texte, mélancolique. Les pensées de celui qui débarque seul dans une ville inconnue et sans personne à qui se raccrocher, mais avec l’espoir, l’envie de s’y installer.