Trois jours et une vie de Pierre Lemaitre
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Raskolnikov moderne
" À la fin de décembre 1999, une surprenante série d'événements tragiques s'abattit sur Beauval, au premier rang desquels, bien sûr, la disparition du petit Rémi Desmedt.
Dans cette région couverte de forêts, soumise à des rythmes lents, la disparition soudaine de cet enfant provoqua la stupeur et fut même considérée, par bien des habitants, comme le signe annonciateur des catastrophes à venir.
Pour Antoine, qui fut au centre de ce drame, tout commença par la mort du chien..."
Après son succès démentiel suite à son Prix Goncourt, le retour de Pierre Lemaître dans les rayons des librairies était très attendu. Je l’attendais aussi et le fait qu’il revienne avec un roman noir a agi sur moi comme le chant des sirènes. C’est en effet dans ce genre, qu’il maîtrisait à merveille avant sa surmédiatisation, que je l’avais préféré. « Alex » et surtout « Robe de marié » en étaient des parfaits exemples.
Le début du roman commence par un fait divers qui se déroule dans un petit village isolé. Cet accident entraîne le tout jeune Antoine, enfant du pays, dans une spirale psychologique infernale. Bouleversé par ce drame, il va porter ce secret comme un fardeau. Pierre Lemaître nous convie à entrer dans l’esprit de ce gamin, pour vivre avec lui sa culpabilité. A la manière du Raskolnikov de Dostoïevski , Antoine ressasse ses actes et hésite constamment entre la confession et la fuite. Dans la première partie du texte, on assiste donc à un « Crime et châtiment » moderne, mais mené par un spécialiste du suspense. C’est-à-dire que l’auteur sait parfaitement nous manipuler, sans temps morts et on tourne les pages avec engouement pour connaître la suite.
Le dernier tiers du livre nous déplace dans le temps, quelques années plus tard. On retrouve tous les protagonistes dans leur nouvelle vie. Le mélange des événements d’hier avec les conséquences du présent crée de nouvelles situations qui vont s’ajouter au malaise d’Antoine. Les restes de son passé vont jouer un rôle important dans ses décisions et dans sa destinée. De mon côté, plus le piège se refermait, plus je voulais découvrir le fin mot de l’histoire.
Les révélations du final sont surprenantes mais ne m’ont pas emballé outre mesure. La qualité de cette histoire ne repose heureusement pas sur ce dénouement. Ce récit, une nouvelle fois mené de main de maître par Lemaître, joue plus ce coup-ci sur l’introspection et la réflexion que sur l’action pour analyser au mieux la complexité des gens et de leurs comportements. En conclusion, j’ai trouvé ce roman moins dynamique mais plus profond que les précédents!
Les éditions
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Trois jours et une vie [Texte imprimé]
de Lemaitre, Pierre
Albin Michel
ISBN : 9782226325730 ; 19,80 € ; 02/03/2016 ; 288 p. ; Broché -
Trois jours et une vie [Texte imprimé]
de Lemaitre, Pierre
le Livre de poche
ISBN : 9782253070825 ; EUR 7,90 ; 22/03/2017 ; 320 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (13)
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Sublime !
Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 6 février 2023
Tout a commencé par l’accident du chien de la famille Desmedt que le père a achevé d’une balle dans la tête. Antoine ne comprend pas ce geste. Il s’en prend verbalement à Rémi et, de rage, lui lance un bâton. Coup fatal : Rémi est mort. Que faire ? Raconter le « crime » à sa mère, à la gendarmerie ? Non, Antoine décide de se taire. Le prix à payer est terrible, il ne cessera de le tourmenter.
De ce roman sublime, Nicolas Boukhrief a tiré un film époustouflant.
Extraits :
- Un port rigide lui donnait un vague air d’empereur romain. Ou d’instituteur du siècle dernier, il tenait d’ailleurs les mains derrière le dos, ce qui lui permettait de bomber le torse et de relever le menton.
- Il vit Emilie remonter du sous-sol en lissant sa jupe et en se démêlant un peu les cheveux, puis trouva en bas un électricien rougissant qui n’avait même pas ouvert sa boite à outils.
- Emilie acceptait sa vie comme elle acceptait tout, de tout le monde. Avec une prédilection pour les étreintes volées et les saillies fugaces.
- On sautait la femme du médecin, un copain d’enfance, ça ne compte pas.
- Quand elle était en grande forme, elle improvisait à ravir sur le thème « quelle plus belle aventure pour une femme que de donner naissance à un enfant », Antoine était très déprimé.
- Tout cela n’a plus d’importance, docteur. On se pose beaucoup de questions, vous savez … Moi-même … Et puis, un jour, on arrête.
- Je me reconnais volontiers dans le commentaire de H.G. Welles dans sa préface à Dolorès : « On prend un trait chez celui-ci, un trait chez cet autre ; on l’emprunte à un ami de toujours, ou à quelqu’un à peine entrevu sur le quai d’une gare, en attendant un train. On emprunte même parfois une phrase, une idée à un fait divers de journal. Voilà la manière d’écrire un roman ; il n’y en a pas d’autre. »
Des vies cachées !
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 28 octobre 2019
En 2013, il reçoit le prix Goncourt pour "Au revoir là-haut" .
"Trois jours et une vie" parait en 2016.
Fin 1999, à Beauval (France) , le jeune Antoine Courtin est pris d'un accès de colère. Il détruit sa cabane construite dans un arbre et assène un violent coup de bâton sur la tempe du petit Rémi Desmedt venu à sa rencontre. Un coup de sang, un accident, qui laisse un corps sans vie.
Antoine a 12 ans et le monde s'écroule autour de lui. Il cache le petit corps sous un arbre déraciné à l'abri des regards et s'enfuit avec son lourd secret.
Le village est en émoi, des battues sont organisées mais... rien !
Les jours, les mois, les années passent , Antoine n'est pas inquiété.
Cependant, sa vie est bouleversée à jamais.Les images ne s'effacent pas, la culpabilité le ronge.
Quelques années plus tard, d'autres événements vont réveiller le traumatisme et contraindre Antoine à revivre ces moments d'angoisse.
Un roman noir, terriblement angoissant que j'ai dévoré. La fin est inattendue mais résume à merveille les vies "cachées" des hameaux de province.
Pierre Lemaitre est dans un tout autre registre que son roman Goncourt et nul besoin de les comparer.
Un très agréable moment de lecture.
Pas détesté, pas adoré
Critique de Lolo6666 (, Inscrit le 20 août 2009, 51 ans) - 3 février 2018
Au final pas déçu. L'histoire n'est pas exceptionnelle, c'est vrai. J'ai lu "à classer parmi les faits divers" et on s'en rapproche effectivement. Mais je ne me suis pas arrêté là. Au delà du fond, qui malgré tout est intéressant, c'est la forme que je recherche chez Pierre Lemaître et de ce côté là il m'a encore comblé.
Ce n'est pas une grande aventure, c'est une petite histoire, glauque, juste comme il faut. J'ai particulièrement aimé le fait d'axer l’œuvre sur l'introspection du personnage principal, son analyse de l'acte et de ses conséquence. Ca c'est chouette.
Pour ne pas se prendre la tête et lire avec sérénité.
Perplexe et mitigé.
Critique de Usdyc (Bruxelles, Inscrit le 27 août 2004, 68 ans) - 13 août 2017
L'intrigue n'est pas suffisante pour maintenir en haleine le lecteur comme Lemaître nous y a habitués avec ses polars précédents, donc de ce point de vue, je suis très déçu.
Il n'y pas non plus la profondeur des "sentiments" tellement bien écrit dans " Au revoir là-haut" que je me suis perdu dans un descriptif psychologique et une histoire de "vie" somme toute banale dans le sens que le livre pourrait aussi bien faire l'objet d'un "fait divers" à la une d'un quotidien ou d'une certaine presse à sensations.
Entre les fabuleux polars et le merveilleux " Au revoir là-haut", je ne me suis pas retrouvé emballé et donc vraiment perplexe et d'un avis mitigé.
Une perle noire
Critique de Nav33 (, Inscrit le 17 octobre 2009, 76 ans) - 26 juin 2017
Quant à la morale , elle n'est pas sauve , mais une certaine humanité l'est. Ni la justice , ni la vérité ne sont rendues aux proches de la victime , mais elles épargnent le coupable et évitent de dévaster la vie d'autre personnes.
310 pages avalées en quelques heures
Critique de Killeur.extreme (Genève, Inscrit le 17 février 2003, 43 ans) - 12 juin 2017
Pas tout à fait un thriller, ni un roman "classique", ce roman m'a fait plusieurs fois penser à Simenon car beaucoup de ses romans (qu'ils soient policiers ou non) partent d'un personnage qui voit sa vie bien rangée (ou apparemment bien rangée) brutalement chamboulée par un événement qu'il provoque ou auquel il est témoin et on assiste pendant le reste du roman aux conséquences, directes ou indirectes de ce drame sur le personnage et son entourage. Ici le postulat est le même, le héros, pré-ado , tue accidentellement un enfant de 6 ans dans un mouvement de rage et au lieu de se rendre à la police et de confesser son crime, il décide de cacher le corps et le reste du roman on est dans sa tête et on voit ses dilemmes.
J'ai vraiment dévoré ce roman, la fin est surprenante, mais si elle ne met pas KO comme les fins d'autres de ses romans, mais elle est cohérente avec le reste.
J'ai vraiment bien aimé
Difficile de rester au top
Critique de Seb (, Inscrit le 24 août 2010, 47 ans) - 28 mars 2017
Le maître du genre
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 22 décembre 2016
Ce crime caché reste ancré dans son être et conditionne ses actes au cours de sa jeunesse et de sa jeune vie d’adulte. Le lecteur est tenu en haleine par l’angoisse du héros afin de savoir comment cela va finir.
Une écriture fluide, un scénario original et une chute aussi réussie qu’inattendue.
Une phrase à retenir à l’avant-dernière page :
« Tout cela n’a pas d’importance, docteur. On se pose beaucoup de questions, vous savez… Moi-même… Et puis un jour, on arrête. »
Un roman certainement aussi bien réussi que son Goncourt.
Hanté toute sa vie
Critique de Free_s4 (Dans le Sud-Ouest, Inscrit le 18 février 2008, 50 ans) - 11 décembre 2016
Antoine va dissimuler son corps.
Ce meurtre va le poursuivre toute sa vie
Bon roman.
Un moment d'égarement
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 18 novembre 2016
La seule différence avec les autres, c'est qu'il n'a pas de jeu vidéo ; alors, il construit en secret une superbe cabane dans les arbres. Seules deux personnes seront au courant, Émilie, dont il est secrètement amoureux et le petit Rémi qui lui voue une grande admiration.
Un terrible concours de circonstances, de chagrin et de frustration vont conduire Antoine à commettre l'irréparable. Un coup de colère qui fera de lui un meurtrier. Dans l'affolement, le jeune garçon prendra des décisions qu'il ressassera pendant des années, des années de remords, d'angoisses, de doutes…
La mise en scène est impeccable ; on suit le raisonnement du jeune garçon dans son incroyable comportement ; on est pris dans le suspense de la découverte imminente, avec le déroulement implacable des actions, interventions, recherches, enquêtes qui suivent la disparition d'un enfant, ainsi que la montée de l'inquiétude, de l'angoisse, jusqu'au pire envisagé par les parents.
Pierre Lemaitre maîtrise parfaitement le suspense du début à la fin, curieuses et inattendues pages finales, même si j'ai trouvé un peu longue la première partie.
Je regrette cependant la description un peu caricaturale d'un village et des ses habitants.
Un bon et captivant roman même si ma préférence continue à aller aux romans policiers de l'auteur.
La main de Dieu?
Critique de Deashelle (Tervuren, Inscrite le 22 décembre 2009, 15 ans) - 15 novembre 2016
Un jeune garçon, Antoine (12 ans), enfant solitaire, privé de père est ulcéré par la mort de son seul ami, Ulysse le chien du voisin Desmedt, que celui-ci tue à bout portant suite à un triste accident de circulation. Antoine se réfugie régulièrement dans les bois voisins où il a construit une cabane secrète. Le jeune Rémi Desmedt (5 ans), l'y rejoint le lendemain. Dans une bouffée de colère ou de folie, Antoine le frappe d'un coup de bâton, geste qui tue l’enfant sur le coup. Antoine est atterré. En état de choc, il cache la dépouille au fond d'une fosse. Sa vie d’enfant bascule. Signe de reconnaissance : le souffle romantique de l’auteur d’Au revoir là-haut enflamme le feu d’une langue riche et évocatrice.
Dans le village de Beauval, les habitants lancent des hypothèses assassines sur fond de rumeurs et d’inimitiés de village à propos de la disparition du gosse. On organise une battue le jour de Noël, mais elle est interrompue le lendemain par une très violente tempête qui détruit le bois et efface toute trace. La main de Dieu? Trois jours d’apocalypse vont marquer toute une vie. Une fresque magistrale, que cette tempête du siècle qui ravagea nos contrées. Notre vécu se mêle subtilement à la fiction. Sa mère, consciemment ou inconsciemment, le couvre. La question est ouverte… L’amour maternel, est-il inconditionnel?
Pierre Lemaître examine chez son personnage toutes les faces de la culpabilité, son mal de vivre, et ses hantises. Maître du Noir, sous des dehors innocents, l’auteur suscite de l'empathie chez le lecteur tant pour le jeune assassin dont le mensonge est irrévocable que pour l’innocente victime et sa famille. Rencontrera-t-il un jour le Châtiment? Des années plus tard, Antoine est devenu médecin et a quitté le village maudit. L'homme mûr est toujours hanté par ce passé inavouable et torturé par le remords. Il doit revenir au village voir sa mère malade. Et elle lui apprend qu’un projet immobilier va s’installer sur le bois à l'abandon… La peur resurgit. Le destin se refermera-t-il sur l’enfant assassin? La fin ironique et haletante du livre est digne d’Edgar Poe ou de Roald Dahl! On referme le livre, l’esprit pénétré de questions…
Curieux roman.
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 28 juillet 2016
La première moitié du roman parle d'Antoine, douze ans, qui tue accidentellement un garçonnet de six ans. La scène n'a pas de témoin et par peur Antoine ira cacher le cadavre.
C'est la partie la plus fine. L'auteur excelle dans ces descriptions où la peur, la honte et le remord torturent Antoine. Et puis c'est l'ouragan qui lave le péché.
La seconde partie se déroule 15 ans plus tard. Je m'étonne de voir que la plume de l'auteur tremble et dérape. Le texte tombe même franchement dans le banal avec des expressions éculées. L'histoire elle même semble se perdre. On est loin de la parfaite maitrise de "Au revoir là-haut".
La fin sauve le roman. Certains diront qu'elle était prévisible ; pour ma part je n'ai rien vu venir et j'ai été bien bluffé. Je dirai qu'elle donne de la cohérence à l'ensemble.
Une vie de peur
Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 16 juin 2016
Antoine passe par toutes sortes de phases : peurs, remords, lâcheté, tentative de suicide. Cette affaire le hante et l'inquiétude le poursuit.
Ce roman ressemble comme deux gouttes d'eau à une histoire à la Armel Job, sauf qu'il se passe en France. Ses thèmes favoris s'y retrouvent en effet : un village où tout le monde se connaît, où les rumeurs se propagent à la vitesse du vent et où les querelles ont la dent dure; un crime et son enquête, avec pour décor la culpabilité ou la peur qui ronge. Peu d'action, mais une interrogation sur ce qui peut motiver les choix dans la vie.
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