Le mariage de Pavel
de Jean-Pierre Milovanoff

critiqué par TRIEB, le 15 mars 2016
(BOULOGNE-BILLANCOURT - 73 ans)


La note:  étoiles
QUAND J'ETAIS RUSSE.
Le mariage de Pavel est un roman sur l’exil : ses motivations d’origine, ses conséquences attendues ou imprévues, ses conditions de survenance, ses traces sur les vies des individus un jour ou l’autre concernés par cet acte. Pavel, personnage principal, est un russe blanc ; il a fui à l’âge de quinze ans sa famille et son pays pour échapper à une mort quasi-certaine, lui le jeune bourgeois issu d’une école militaire tsariste et à ce titre « ennemi de classe ». Après avoir traversé l’Ukraine dévastée par la guerre civile, il parvient à Sébastopol, gagne Constantinople et parvient enfin en France, où il devient ingénieur dans les Cévennes. Il y rencontre deux sœurs Rénata, institutrice, et Odine, danseuse chorégraphe. Il épouse Renata. Un soir d’été, il décrit à son fils Jean-Pierre ce qu’il a ressenti, vraiment, depuis son départ de Russie. Et c’est toute une série d’impressions, de réflexions, de constats que nous livre Pavel, pour arriver à un état des lieux de l’exil presque complet. Ainsi, il examine les conditions de décision, les circonstances qui déclenchent ce choix : « On doit faire vite quand on vit sous la menace. Il n’y a pas de place pour les tergiversations. Ni pour les regrets. On s’exile par nécessité, souvent dans l’urgence, quelquefois avec enthousiasme. »
Pourtant, au-delà de la confrontation immédiate au drame et à la nécessité, Pavel trouve d’autres motivations à l’exil, plus irrationnelles : « Il y avait une part d’illusion, naturellement. D’enthousiasme, si tu préfères. Je me croyais capable de toutes les métamorphoses que l’exil exigerait ! J’ai lu Voltaire, Victor Hugo, Zola. »
Pavel fait également le récit des circonstances qui l’ont poussé à quitter Berdiansk, en proie à la fièvre révolutionnaire, aux exécutions des individus devenus indésirables, dont Pavel apprend incidemment qu’il fait partie, en raison de ses origines. On pense, à la lecture de ce passage du roman, à Isaac Babel dans son Journal pétersbourgeois, décrivant froidement les scènes de la guerre civile.
On revient à l'histoire personnelle de Pavel par le bilan qu’il fait, des conséquences du changement de langue et de la persistance du souvenir de la Russie « Où que je me trouve(…) je suis rattrapé par mes souvenirs de la Russie(…) Je peine à décrire mes anciennes émotions dans cette langue française que je parle mieux que beaucoup mais qui me paraît froide et abstraite par rapport au russe. »
Le mariage de Pavel est un roman pudique, apportant un éclairage significatif sur l’exil, comme condition de l’être humain, comme catalyseur d’une vie individuelle. A recommander.
Le père. 7 étoiles

Milovanoff nous parle de son père. Cet homme discret qui ne raconta la vie qui fut la sienne à son fils que sur la fin de sa vie.
Le "père" était déjà sacralisé dans "L'Amour est un fleuve de Sibérie" mais ici on rentre dans le vif du sujet.
L'auteur n'est pas un novice, il sait jouer avec les mots et raconter une histoire. Il est capable de lui donner toutes les couleurs de l'arc en ciel.

Un très beau récit, tout en pudeur et en humour.

Monocle - tournai - 64 ans - 1 juin 2016