La fabrique d'une nation
de Claude Nicolet

critiqué par Colen8, le 21 mars 2016
( - 83 ans)


La note:  étoiles
Français, mais encore …
Il en est des idées, des représentations comme des événements, de leur chronologie, on en écrit l’histoire. Le sujet traité ici est celui de nos origines, comment elles ont été perçues, reconstituées ou imaginées depuis le XVIIe siècle. C’est une méta-analyse d’une impressionnante érudition, dans laquelle chaque œuvre des auteurs les plus significatifs appelés en témoignage est ponctuée de nombreux extraits. Elle reste d’actualité dans les circonstances présentes. Même si c’est l’Etat qui en France a forgé la nation il subsiste chez nous une originalité plus marquée par des valeurs à caractère universel que dans d’autres pays.
Parmi les thèses mises en avant par des générations d’historiens professionnels et d’universitaires, certaines se plaisent à glorifier une romanisation lente diffusée par osmose dans la Gaule antique bien avant les premiers siècles de notre ère, consolidée par les apports du droit et ceux de l’administration des cités après la victoire de Jules César à Alésia. Plus tard en 212 l’édit de Caracalla attribuant la citoyenneté romaine à tous les habitants de l’Empire fait les gaulois devenir des gallo-romains. Au XIXe siècle le césarisme personnifié par les Bonaparte oncle et neveu a largement inspiré les observateurs.
D’autres mettent en avant des vertus germaniques héritées de la conquête franque et du sacre de Clovis, dont certaines auraient justifié les privilèges accordés par la suite aux conquérants ou confisqués par eux. Elles reconnaissent aux Francs d’avoir apporté avec eux l’esprit de liberté, l’égalité, d’avoir légitimé la monarchie, la féodalité, d’avoir fait de la noblesse d’épée d’abord, de la noblesse de robe ensuite, une classe à part que sa vanité aurait fait sombrer dans la Révolution quelque treize siècles plus tard.
Entre l’antiquité et le Moyen Âge les mouvements des peuples auront été multiples. Il y a eu les invasions barbares, venant majoritairement des Germains de toute nature dont les Francs ne constituaient que quelques tribus, mais aussi celles des Lombards, des Wisigoths, des Vandales, des Burgondes, des Normands etc. En sens inverse ce sont bien des gaulois qui se sont réinstallés dans les forêts de la Germanie voisine ou qui ont émigré en laissant leur nom aux lointains galates.
Nb : Le fondement de l’identité nationale, on peut le lire ailleurs, c’est aussi la puissance de l’assimilation des envahisseurs successifs par les autochtones, non seulement au travers des mariages ou des alliances, mais aussi par les paysages, les terroirs, les climats, la littérature et la langue enfin, bref tout un ensemble de facteurs patrimoniaux qui sont inscrits constitutionnellement dans le droit du sol.