Dolorès
de Bruno Loth

critiqué par Shelton, le 3 avril 2016
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Une bande dessinée qui touche au plus profond de l'être humain...
Quand on choisit une bande dessinée, on ne sait pas toujours le voyage que l’on va avoir la chance de faire. Parfois, les dessins et les mots nous entrainent très loin, bien au-delà de ce que nous avions imaginé en ouvrant l’album… on croyait avoir une petite histoire de femme et on plonge dans une fresque beaucoup plus vaste et on découvre sinon l’humanité, du moins un morceau d’Espagne conséquent et Dolorès devient l’histoire des Républicains espagnols d’hier et d’aujourd’hui…

Tout cela peut vous sembler trop fantasmé ou symbolique et il est temps que je vous en dise un peu plus, que je précise le contenu de cet album Dolorès de Bruno Loth publié aux éditions La boîte à Bulles. L’histoire est assez simple au départ, puisque Dolorès, une femme âgée et placée en maison de retraite, perd tout doucement la raison. Elle se met même à parler espagnol, une langue qu’elle n’est pas censé connaitre… du moins de mémoire de ses deux filles, Nathalie et Sylvie…

Nathalie va vouloir comprendre pourquoi sa mère Marie se met à parler espagnol, pourquoi elle s’appelle réellement Dolorès, pourquoi elle a tu si longtemps une vérité qu’elle ne comprend pas du tout, qu’elle n’imagine pas, qui la dépasse entièrement…

Cet album m’a touché énormément pour plusieurs raisons et je voudrais tenter de vous transmettre ces points pour que vous ayez envie de lire, vous aussi, Dolorès. Tout d'abord, c’est le côté intimiste qui m’a profondément ému. En effet, il arrive que ce type d’histoire bascule très rapidement dans la grande Histoire avec des visions lointaines et générales tandis que là, à travers le voyage de Nathalie en Espagne, on vit chaque évènement, du passé comme du présent, à l’échelle humaine. Peu de choses sur les grands chefs de la guerre civile, des deux camps, de l’Espagne… mais une rencontre avec des survivants qui parlent de leurs familles, de leurs expériences… par petites touches… au jour le jour… jusqu’à des élections en Espagne en mai 2015 !

J’entends bien que pour certains tout cela fait trop, n’est pas assez détaillé, trop rapide… et je prétends, moi, que c’est ce qui fait la richesse et la profondeur de cette histoire : elle humaine, tout simplement ! Pas politique ou historique, juste humaine !

Au-delà de cette guerre civile, des évènements tragiques d’Alicante que certains lecteurs découvriront, on sent bien que Nathalie est aussi en recherche de sa mère, de ses racines et donc d’elle-même. Le fait que ce soit à 50 ans c’est aussi l’illustration que l’être humain est toujours en recherche et que sa construction se poursuit tout au long de la vie. Pour certains à cause d’une guerre, mais on imagine aussi que ce peut être à cause de n’importe quel secret qui est dévoilé en cours de vie à l’occasion d’une maladie, d’un décès, d’une disparition, d’une séparation… la vie humaine n’est jamais simple !

Nathalie découvre un nouveau visage de sa mère, une autre facette de son histoire, la vie peut alors reprendre quand elle rentrera à Bordeaux et retrouvera Marie-Dolorès…

La narration graphique de Bruno Loth est parfaitement adaptée à cette histoire et il faut féliciter Bruno Loth d’être entré avec tant de force et de vérité dans son personnage… C’est un peu comme si son père avait été Espagnol, Républicain et concerné par une partie de cette histoire… ce qui n’est pas le cas et met donc encore plus en avant le talent de cet auteur !

Je ne peux que vous souhaiter une très bonne lecture de ce Dolorès, belle façon de découvrir pour certains la qualité des parutions de la Boîte à Bulles !