Sous un poirier sauvage de Ko Un
Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie , Littérature => Asiatique
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Et dans la mer obscure les derniers rayons de la lune se noient
Les feuilles qui tombent
dansent en tombant
je quitterai ce monde ainsi
en dansant
« Sous un poirier sauvage » est une sélection de poèmes de l’écrivain Sud-Coréen Ko UN (*1933) tirés de 5 de ses recueils : «Le sentiment de l’au-delà» (1960) ; «Au bord de la mer» (1966) ; « Dieu. Langue. Dernier village » (1967) ; «Au village de Mooni » (1974) et « Des poèmes, des regrets » (2002).
Malgré qu’il soit difficile de dire que cette sélection de poèmes soit représentative de l’œuvre du poète de Corée du Sud, (celui-ci a en effet écrit plus de 130 livres…), l’immense talent du poète apparaît toutefois ici de façon éclatante.
La grue s’envole
La branche du pin oscille
quelqu’un dit
que le pin a failli s’envoler
Influencé par la poésie chinoise et japonaise (notamment les Haïkus), la poésie de Ko UN l’est certainement plus par le bouddhisme zen (rappelons qu’il fût moine bouddhiste pendant 10 ans). Ses poèmes, souvent en « deux faces » qui se répondent l’une l’autre, ne ressemblent donc en rien à ceux que l’on a l’habitude de lire et surtout pas à ce qu’en tant que « lecteurs occidentaux » on a l’habitude de lire comme poésie dite « orientale ».
Si vous ne me comprenez pas
je suis étranger
si je ne comprends pas votre silence
vous n’êtes que muet
mille lieues nous séparent
Une poésie narrative donc, mais, dans la grande tradition du Haïku, la nature garde, bien sûr, une part prépondérante :
Pieds nus sur la terre au printemps
Sur ma tête une fleur s’ouvre
La poésie de Ko UN se compose souvent de petites phrases lapidaires, comme des fulgurances d’éclairs, des coups de griffe qui touchent le lecteur au plus profond de lui-même et le forcent à réagir, à se positionner selon sa propre vie, sa propre expérience…
Auschwitz, Pologne
là, tas de lunettes
là, tas de souliers
là, tas de coins tranquilles
Disons pour conclure, que c’est une poésie qui, si elle n’est pas difficile à lire, en reste une poésie à découvrir, ne fut-ce que pour les réflexions qu’elle provoque à l’intérieur de nous… Assurément en tous les cas une poésie comme je n’en ai jamais lue !...
Laissons maintenant parler le poète. Vous connaissez tous certainement les « Quatre saisons » d’Antonio VIVALDI (1678-1741), en musique, et bien je vous propose de découvrir tirées du recueil «Au bord de la mer» (1966) les « Quatre saisons » de Ko UN en poésie :
Quatre saisons
Printemps
Débout près de ta petite tombe, j’ai vu
vacillant sous les brunes nouvelles
ce lieu étrange où dormiront mes os
comme le village est triste ! mais déjà le ruisseau coule
qui a passé l’hiver sous la terre
et au bord de l’eau les saules se revivifient
le printemps qui revient pour le feuillage
laisse l’angoisse des jours pluvieux
en lui ta tombe se renouvelle
j’hésite un moment, puis je m’en vais
Été
Je n’irai pas à l’île Sunyu
où ta mémoire vit toujours
les conques monotones que tes pieds foulaient
si je les posais sur mes oreilles
que de souvenirs en sortiraient !
on veut me persuader d’aller là-bas, mais je n’irais pas
l’été est l’été de toujours, la mer se fonce un peu
c’est le premier amour, et la tristesse
je t’oublierai, toi, ange à la robe démodée
je n’irais pas là-bas
Automne
À chaque gare de province je descendais du train
les fleurs de cosmos, dans ma toux, s’épanouissaient
et tes chers regards me suivaient, du haut des cieux.
dans la nuit profonde les étoiles se multiplient
ta mort c’est maintenant ma table vide
je dois noter quelque chose
pour le vieil homme que j’ai croisé dans le sud
une feuille ne tombe pas d’elle-même, mais à cause du vent
dans l’herbe meurent des êtres insignifiants
voix avec des veinures, cette feuille périt
Hiver
Puis-je avoir des nouvelles de l’hiver, où dorment tes os ?
je veux retourner sur ta tombe
et là t’écrire avec le crayon usé de mes errances
mes larmes se tariront
les flocons de neige fondaient sur tes lèvres
qui durent dans mes souvenirs
on ne savait rien d’autre que ceci : tout était Dieu
que l’hiver ne parte pas ! je vais m’en aller
dans mon enfance le froid se cachait
devenait l’âme sous la neige
dormant au sein de ta mort, je m’en irai
Rappelons qu’entre autres, Ko UN a été le Lauréat de la « Couronne d’Or » des soirées poétiques de la ville de Struga (Macédoine) en 2014, (considéré comme le plus prestigieux des prix de poésie) et que son nom revient régulièrement, ces dernières années, pour le Prix Nobel de Littérature.
Les éditions
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Sous un poirier sauvage [Texte imprimé] Ko Un trad. du coréen par Han Daekyun et Gilles Cyr
de Un, Ko Han, Dae Kyun (Traducteur) Cyr, Gilles (Traducteur)
Circé
ISBN : 9782842421809 ; 10,00 € ; 27/11/2004 ; 105 p. ; Broché
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