La Femme qui attendait
de Andreï Makine

critiqué par Bulle, le 14 mars 2004
(CARCASSONNE - 64 ans)


La note:  étoiles
UNE ATTENTE SUBLIMEE
C'est un livre tout de douceur et de poésie à l'écriture juste et poignante. L'attente de VERA, l'institutrice de ce village perdu et froid de RUSSIE, est loin d'être triste: car cette Attente du fiancé de jeunesse est le sens qu'elle a donné à sa vie. Une attente tellement plus dense , plus puissante que la probable vie qu'elle aurait vécue s'il était revenu.
Même l'intrusion dans la vie de la jeune femme d'un journaliste de la ville ne permettra pas de rompre le serment de jeunesse.
Un livre qui se referme en se disant qu'on a peut-être dérangé VERA dans sa sublime attente.
Si jeunesse savait... 8 étoiles

Le narrateur fréquente un atelier semi-clandestin de jeunes artistes dans un grenier de la banlieue de Leningrad, alcool, musique, sexe. Mais il voit les limites de son comportement, dans les doigts arrachés des vieillards pendant la guerre, dans la douleur qu’il ressent de savoir sa compagne avec un autre...
Il accepte la proposition d’aller dans la région d’Arkhangelsk, en Sibérie, pour écrire une série de textes sur les us et coutumes locaux.
Il arrive donc, auréolé de son origine urbaine, dans le village de Mirnoïé où vivent (survivent) quelques femmes très âgées qui n’ont pas voulu ou pas pu quitter le village. Et Véra.
Véra qui attend depuis 30 ans le retour de son fiancé parti à la guerre ; elle avait 16 ans, lui 18 .
Le narrateur éprouve des sentiments ambigus, contradictoires au fil des jours qu’il va passer dans ce village. Tour à tout fasciné, admiratif, méprisant, honteux, amoureux, jaloux.
Un récit écrit des années plus tard où il analyse ses réactions qu’il juge immatures, cette présomption imbécile que l’on a à 26 ans , cette méconnaissance de la vie réelle qui lui fait honte, honte de son comportement indigne d’une femme telle que Véra, cette femme formidable qu’il n’a pas réussi à comprendre, une femme dont il n’a pas été digne.
Un remarquable portrait esquissé d’une femme touchante dans une écriture toujours aussi poétique, qui permet au lecteur de voir, d’entendre, de sentir, d’accompagner le narrateur au milieu de paysages blancs, des brumes et des brouillards.

Marvic - Normandie - 66 ans - 5 février 2021


Peinture de la Sibérie et des âmes 8 étoiles

Âgé de 26 ans, le narrateur se rend à Mirnoïé, un village sibérien, afin de faire des recherches sur les traditions de ce lieu, habité par très peu de personnes à cause de la guerre. Son attention se portera rapidement sur une femme qui ne cesse d'attendre le retour de l'homme qu'elle aime, un soldat parti au combat. Cela fait 30 ans qu'elle espère ... Le narrateur s'interroge sur elle, sur sa réputation, sur sa faculté à ne céder à aucun homme. Elle a du charisme et il ressent une attirance pour cette femme qui un beau soir se tient nue devant son isba éclairée par une lumière nocturne bleutée, ne se sachant pas observée. Elle est institutrice et s'occupe des femmes âgées restées dans ce territoire quasiment déserté, véritable pan du passé en voie de disparition.

Certains romans d'Andreï Makine demandent une grande concentration de la part du lecteur, celui-ci se lit très facilement, ce qui ne lui enlève aucunement ses qualités. Ce personnage féminin a quelque chose de fascinant. Il permet à l'auteur d'évoquer certains points de l'histoire russe et certains éléments sociologiques. Véra incarne la fidélité extrême tout en éveillant le désir. Elle suscite fantasmes et rumeurs car elle est exceptionnelle au premier sens du terme.

Les atmosphères sont très bien rendues au point que le lecteur a des souvenirs visuels précis du roman comme s'il avait vu un film. La nature omniprésente permet de mettre en valeur certaines tensions et la situation des personnages dans un univers inconfortable pour des personnes âgées et pourtant magnifique. L'auteur semble très attaché à ces terres russes qu'il décrit à merveille dans tous ces romans sans pour autant cautionner tous les choix politiques des dirigeants de cet espace vaste et mystérieux.

Andreï Makine confronte l'atmosphère du début des années 70 à Leningrad où de petits groupes d'artistes se réunissent et s'adonnent à des soirées libérées à celle de Mirnoïé avec cette femme qui suscite l'admiration et qui incarne peut-être l'amour à l'ancienne. L'auteur possède cette capacité de mêler la petite histoire à la grande. Il dépeint des êtres avec sensibilité et laisse à voir leur âme avec tact tout en proposant une peinture fidèle de la Russie. Il y aurait beaucoup de remarques à faire sur les romans de Makine, qui sont très riches et profonds.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 21 février 2018


Vera attendait-elle ? 8 étoiles

Dans la première partie du livre on comprend que Vera (personnage central) attend l'homme qu'elle aimait. D'ailleurs le titre est sans équivoque.
Je cite : "Cette femme se trouvait au delà de tout désir, elle était celle qui attendait l'homme qu'elle aimait".
Je me suis permis de reproduire cette citation car un lecteur pourrait dire "qu'elle aime"... mais non elle l'aimait simplement et serait bien embarrassée si son retour avait lieu !
Et tout ira dans ce sens, dans la simplicité, sans cri , sans rage ni lâcheté. Le narrateur et Vera finiront par succomber dans un élan d'amour, mais sans promesse ni voeux échangé. Ils se quitteront comme on se salue le matin... une phrase anonyme.
Deux petites citations que j'ai retenues et que je note ici :
- Comment partir puisque je t'attends toujours
- La vie n'était rien d'autre que cette moiteur charnelle. Le désir des hommes et des femmes qui se palpent, qui se donnent puis se séparent. Qui s'enlacent et s'en lassent !

C'est un très beau livre que celui ci. Sous un arbre par une belle après midi. Le livre refermé j'ai eu l'impression d'avoir été un invité mais que maintenant la fête était finie, la dernière page lue, la musique s'arrête et les serveurs rangent les tables.

Merci Andreï Makine pour ce très beau texte.

Monocle - tournai - 64 ans - 2 juin 2013


J'attends, donc je suis 9 étoiles

La vie de Vera ne semble avoir de sens que par cette attente du retour du soldat, son amour de jeunesse, parti à la guerre sans plus jamais donner signe de vie.
A priori, un triste et sombre destin, un gaspillage.....

Mais qu'on ne s'y trompe pas, Vera ne fait pas qu'attendre les bras ballants : c'est ce que découvrira par petites touches le journaliste Saint-Peterbourgeois venu en reportage dans ces contrées oubliées et inhospitalières de Russie.
Au gré d'observations qui confinent parfois à l'indiscrétion et au voyeurisme, qui lui fera à certains moments partager l'intimité de Vera, il dévoilera une femme aux qualités et à la force exceptionnelles, qui ne conçoit nullement sa vie comme un sacrifice.

Une étude psychologique fouillée, servie par une écriture sublime et poétique, qui convient bien à la description de ces lieux et de ces personnages énigmatiques.

Millepages - Bruxelles - 65 ans - 14 mars 2011


L'analyse de Patryck Froissart 8 étoiles

Titre : La femme qui attendait
Auteur : Andreï Makine
Editions du Seuil (2004)
Collection Points
ISBN 2020787466
214 pages


Sur le bord de la mer Blanche, à Mirnoïé, un village fantôme sibérien où ne vivent que des enfants, des femmes et des vieillards, perdu entre un lac et une forêt, sous le brouillard et la neige, une femme, Véra, attend, depuis trente ans, le retour de l’homme qu’elle aime, parti au front dans les derniers jours de la deuxième guerre mondiale.

Le narrateur, journaliste écrivain chasseur collecteur de traditions folkloriques en voie de disparition, désabusé du régime soviétique et fatigué de jouer, dans le cercle d’artistes qu’il fréquente, « l’occidental de paille », arrive, avec l’idée d’y passer quelques jours, dans ce lieu désolé, isolé, et, comme pris par les glaces, y séjourne, plus longtemps qu’il ne l’avait prévu, fasciné par l’étrangeté de l’endroit « gelé » dans l’espace et le temps, et par la beauté et le mystère de cette femme hors du commun dont, par déformation professionnelle, il cherche à connaître l’histoire et à mettre à nu la psychologie.

L’homme se fait voyeur, épie la femme, et, vite, convoite son corps, la considère, en tant que mâle, comme une proie à saisir, en tant que romancier, comme un personnage dont il faut changer le destin, et veut remplacer l’amant attendu fidèlement depuis trente ans.

Il croit être arrivé à ses fins lorsque Véra devient sa maîtresse, en savoure secrètement la fierté du conquérant et s’en emplit du sentiment orgueilleux de la toute-puissance de l’écrivain et, le charme se rompant une fois que l’objet du désir est atteint, décide qu’il ne peut rester plus longtemps dans ce bout du monde, et qu’il a mieux à faire ailleurs, et qu’il est temps d’écrire le mot « fin ».

Il quitte Véra lâchement.

Mais il part, avec la gênante impression, soudaine, que la réalité de l’histoire est autre. Et le lecteur se demande avec lui, quand finit le roman, s’il ne faut pas inverser les rôles : n’est-ce pas Véra qui attendait le prétendu prédateur, tapie dans son bled reculé ?
N’est-ce pas la femme qui est l’affût de l’homme qui passe, et qui le renvoie une fois son désir assouvi ?
L’ambiguïté est confirmée, a posteriori, par le titre, et par la découverte que fait le narrateur du véritable niveau intellectuel de Véra, bien supérieur au sien…

Un roman qui se boit comme du petit lait…

Patryck Froissart, St Benoît, le 1er juin 2007

FROISSART - St Paul - 77 ans - 1 juin 2007


En dépit des apparences 10 étoiles

« A un certain degré d’épuisement, pensai-je, la vie cesse d’être choses. C’est à ce moment là que la nécessité de la dire dans un livre devient absolue ».
« A un certain degré de souffrance, la douleur nous laisse voir la beauté immédiate de chaque instant ».

Il -le narrateur- s'est exilé quelque part dans le grand Nord, ayant accepté un improbable travail de recensement des coutumes de cette région perdue de la Russie, au bord de la Mer Blanche. C'est dans un village appelé Mirnoïé qu'il est supposé étudier ces coutumes en voie de disparition, village que la guerre plus de trente ans avant a vidé de ses hommes, village où ne subsistent que des vieilles femmes, veuves, soeurs et filles de ces hommes dont il faut croire que leur courage a un jour empêché la chute de Léningrad. Elles doivent le croire pour continuer et pour finir de vivre en se disant que ce n’est pas pour rien qu’elles, toutes ces femmes se sont desséchées, en manque de leurs hommes. Les coutumes n'existent plus et il aurait tout aussi bien pu les étudier dans les bibliothèques d'Arkhangelsk, où toutes sont déjà consignées. Dès le début du roman l'écriture de Makine traque la vie là où elle ne devrait pas être et jusque dans la mise au tombeau d'une de ces vieilles. Cette mise au tombeau qui est l’acte ultime par lequel Véra l’institutrice délivre les vieilles femmes de leur vie vide d’homme, de fils.
Car il y a Véra, Véra la femme qui attend. Véra qui attend comme son double d' "Au temps du fleuve Amour", depuis plus de trente ans son soldat parti en lui disant: "je reviendrai". Elle avait alors seize ans. Tandis que la vie s'étire dans cette URSS du temps de Brejnev, celle du temps des dissidents, où les intellectuels jouent à se faire peur en critiquant le régime en petits comités où coule à flot la vodka, cette URSS en voie d'implosion, URSS d'avant la Glasnost. Ou moquer le régime, être homosexuel ou trafiquer la zibeline peut encore envoyer en camp pour cinq ou six ans. Où on peut encore être dénoncé.
C'est donc dans un climat, une réalité étouffants que Makine nous situe. C'est toute la magie de son verbe que de nous transporter dans ce temps et ce lieu improbables. Et ce décor est celui dans lequel va se produire une prise de conscience: celle par le narrateur de sa duplicité, et celle, par nous-mêmes de la difficulté de comprendre l'autre et de la quasi obligation dans laquelle nous sommes de le juger sur son apparence ou sur ce que notre imagination en fait. Véra attend. Mais qu'attend-elle vraiment? Est-ce vraiment son soldat parti il y a trente ans en lui disant: "je reviendrai"? Ou attend-elle comme Vladimir et Estragon attendent Godot, comme le Lieutenant Giovanni Drogo attend l'ennemi pendant toute une vie aux confins du Désert des Tartares? Elle est institutrice, mais elle a refusé au dernier moment de passer une thèse de linguistique, elle a refusé de connaître l'amour, elle a fourni aux autres une explication leur offrant un sens à sa vie en s'occupant des vieilles babouchkas de Mirnoïe. Elle semble consciente de la vanité de toute action, de toute entreprise dans ce monde qui semble fini, borné géographiquement par la Mer Blanche et la forêt, temporellement prévisible par la brutalité avec laquelle on passe de l'été à l'hiver sans préparation: "... tout le feuillage, jusqu'au dernier petit rond de bronze était tombé pendant la nuit", et clos à jamais par la dictature.
"Le temps de Mirnoïé, ce temps planant, suspendu m'aspira peu à peu. Je me fondis dans l'insensible coulée de lumières d'automne, une durée qui n'avait d'autre but que l'or flétri des feuilles.... que la chute de cette pomme, d'une branche nue, dans un silence si décanté qu'on entendait le froissement de l'herbe sous le fruit tombé".
Contrairement à ceux qui attendent Godot, contrairement à Drogo, elle attend en toute conscience, elle a transformé le temps en durée: elle sait que la vie n'est qu'attente. Elle est "une femme qui a fait de sa vie une attente infinie".
Alors il reste dans ce village, d’où il devait partir bien vite, il reste, fasciné par Véra la femme qui attend. « C’est après notre rencontre près du miroir brisé que me vint la tentation de comprendre comment on pouvait attendre quelqu’un toute sa vie ». Cette fascination est faite de besoin de comprendre « cette vie faite de ces instants de douloureuse beauté », cette attente «trop longue pour un roman, trop douloureusement vraie». Elle est aussi faite de ce besoin d’amour qu’il croit ressentir en lui et que son ami Otar lui a annoncé « Toi tu es un artiste, il te faut du beau et du tendre ». Puis à mesure qu’il se prend à ce jeu, il tombe vraiment amoureux. Tomber, c’est ce qu’il ressent: c’est bien d’une chute qu’il s’agit, mais peut être celle d’un masque. Car derrière son discours désintéressé sur Véra, derrière l'apparente générosité avec laquelle il semble la percevoir, Il, qui n'est pas nommé (serait-ce moi, serait-ce vous, nous?) révèle sa mauvaise foi.

Pour arriver à ce qu'il n’avait pas envisagé mais qui était comme inéluctable: non pas aimer, mais posséder Véra, Véra la femme qui attendait. Qu’il a parce qu’il est un homme, donc lâche face à l’engagement amoureux, cru abandonner alors qu’il n’a fait que passer comme un fantôme au travers de sa liberté.

TELEMAQUE - - 76 ans - 24 mars 2007


Souffle sibérien 8 étoiles

Andreï Makine a ce don de faire surgir de son écriture la sensation de communier avec son pays, de le connaître, ou de l’avoir connu. La Sibérie en l’occurrence, où le narrateur, jeune dissident de Saint Pétersbourg, vient échouer, par hasard, pour un reportage d’occasion. C’est la Sibérie des années 70_80, guère peuplée que de vieilles femmes, dont les maris sont morts à la guerre, et qui n’ont pu partir et attendent de finir leur vie dans des conditions misérables. Mais il y a Véra, l’institutrice, dans ce village de Mirnoié, plus toute jeune, pas encore vieille, comme une sentinelle, qui veille sur ces vieilles, et dont le mystère va retenir le narrateur sur place plus qu’envisagé. Car surtout, elle attend, Véra, elle est « La femme qui attendait », apparemment un jeune homme parti à la guerre lorsqu’elle avait seize ans et à qui elle avait juré fidélité, il y a trente ans de cela.
Le livre est la quête du narrateur dans sa tentative de compréhension de Véra, des évènements qui ont pu en faire ce qu’elle est devenue. Pas un roman policier. Un roman psychologique qui intègre cette quête à la description de la nature et de la vie sibériennes qui réussit tant à Makine.
Longtemps après l’avoir lu, des bouffées de « Le Testament français » me reviennent encore en mémoire. Ce sera pareil avec « La femme qui attendait ». Andreï Makine doit avoir un lien magique avec cette contrée pour nous imprimer si profondément des images et des sensations.
Belle plongée dans l’âme humaine, dans ce qui peut nous faire vivre ou survivre. Si peu quelquefois.

Tistou - - 68 ans - 1 mars 2006


Désillusions 6 étoiles

Un livre plein de contrastes au sein d’un petit village du Nord de la Russie où les descriptions des êtres, des paysages, semblent presque irréels (notamment celle des vieilles femmes en train de chanter). Toutefois, la pauvreté, elle, est bien réelle et donne un aspect froid et sordide au roman.
Véra, le personnage principal est une âme abandonnée, sacrifiée, qui refuse de se libérer du joug d’un homme qui a construit sa vie ailleurs. Quant à l’auteur du roman, qui séduit Véra, lui aussi aura les plus viles pensées à son égard.
Une barque dans cet univers glacé rythme les rencontres entre les deux personnages, mais cet amour, qui peut paraître poétique au début, a la légèreté et l’inconsistance d’une durée bien éphémère.
Le style concis, direct et sec rend ce récit encore plus dur, l’image d’une Russie intolérable.

Estrella - - 75 ans - 28 décembre 2005


l'amour contre le temps 8 étoiles

Le froid, la neige, les steppes sibériennes… Une femme, institutrice. Un homme qui l’observe. Qui contemple cette déesse de la passion qui passe lentement sur la partition d’une vie… La beauté des sentiments soulignée par une écriture simple mais où chaque mot, chaque phrase semble ciselé comme de la dentelle, nous emporte vers des émotions toutes en retenue, en douceur… Makine a l’art de dire sans surligner, en chuchotant presque cette histoire qui a en elle la fragilité et la force de la constance… Et on écoute… On se gave de ces phrases, les unes après les autres comme on le ferait en retrouvant un vieil ami… L’histoire banale au départ d’une femme qui attend un homme parti à la guerre, sert de prétexte à une plongée au cœur des sentiments… Un très beau livre, mais qui cependant n’arrive pas à la hauteur d’un autre roman de Makine, celui du Testament Français

Mahaxai - Perpéte - 52 ans - 18 décembre 2005


Le fardeau des sentiments 8 étoiles

Peu à dire de cette histoire toute simple, un support pour ce cadeau qu’est l’écriture de Makine, magnifique, fluide et poétique. Des personnages comme des fantômes qui vivent dans l’isolement de terres enneigées. Puis il y’a Otar, le frustre, qui permet de mettre en relief le romantisme de ce narrateur sensible, bouleversé par cette femme qui englobe toute la bonté et la pureté du monde. Un huis clos enchanteur, tendre et tellement beau.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 12 septembre 2005


En douceur… 8 étoiles

Véra vit au nord, à la frontière, au bout : au bout de cette immense URSS, de cet empire gigantesque. Elle attend. Elle est cette femme qui attendait. La femme qui attendait. Elle attend son mari, son seul amour, le premier. Son amour qui 30 années auparavant a disparu à la guerre. Porté disparu, pas mort alors il reste l’espoir. Les limites, la frontière est toujours le théâtre de rencontres différentes, toujours des personnages à la marge. Vous l’avez déjà remarqué ? Plus tout à fait ici et pas encore ailleurs. Véra est de cela. Plus tout à fait ici, attendant un ailleurs. L’Union Soviétique des années 70, l’union soviétique et ses immenses régions vides, quasi désertiques. Voilà l’univers de Véra, institutrice d’une classe de 8 enfants qui n’a pour seul autre ambition, en attendant son amour, de s’occuper des vieilles ; pour la plupart des veuves plus âgées de la deuxième guerre mondiale restée, elles aussi, seules. Elles les accompagnent…
C’est dans ce monde que s’immisce en douceur, plein de doute, d’amour, de volonté de comprendre le narrateur.
L’écriture est sur le fil : Un fil de douceur
Et puis c’est en filigrane mais l’actualité me l’a souligné, ce livre est aussi un témoignage de cette grande guerre, de ces 27 millions de « soviétiques » morts pour cette terrible guerre. Des campagnes sans hommes qui survivent plus qu’elles ne vivent. Et les veuves qui pleurent, qui doivent vivre, partir, revivre… Véra, elle, attend !
C’est dans cet univers à la marge qu’Andrei Makine nous emmène en douceur, sur un fil avant de nous déposer de l’autre côté… nous laissant une étrange et douce impression.

Ulrich - avignon - 49 ans - 11 mai 2005


Vain espoir 9 étoiles

Dans « La Femme qui attendait », Andreï Makine raconte le destin d’une femme vieillie par l’histoire et ses drames. Dans le petit village de Mirnoïé, Vera, institutrice, attend le retour d’un amour parti en guerre, et jamais revenu… Dans son manteau militaire trop long pour elle, elle scrute le carrefour vicinal et sa boîte aux lettres. Elle attend, comme un bouton féminin jamais éclos mais encore jeune, enserrée dans l’écorce communautaire de vieilles veuves la préfigurant…
Cette condition a de quoi émouvoir le narrateur, jeune auteur dissident venu dans cette campagne retirée trouver matière pour un essai satirique à l’allure d’ethnographie. Son travail consiste à une chasse aux coutumes et aux légendes locales qui aurait pu très bien se faire dans les bibliothèques d’Arkhangelsk. Tout ce folklore des rituels nuptiaux ou funéraires est depuis longtemps répertorié dans les livres. Tandis que sur place, dans les villages presque vides, la mémoire des traditions se perdait, faute de pouvoir se transmettre.
Mais devant la vieille étudiante en linguistique, il déniche l’inspiration fraîche d’une plus belle histoire, celle de la femme qui attend.
Makine tente de rétablir, deviner, évoquer…c'est presque une création ex nihilo : à l'image des paléontologues du Muséum qui reconstituent un dinosaure à partir de deux ou trois os. Le récit qui émerge de cette approche empirique est sans doute plus proche de la vérité que bien des relations prétendument objectives, grâce au talent de l'auteur et à sa manière de mettre en œuvre une multitude de voies d'accès au passé.
Ne se laisser prendre dans aucune frontière de genre, passer de la moquerie au tragique, d'une colère contenue à la nostalgie de la sensualité d'un souvenir à la brutalité des remous politiques, du plein au vide : Makine ne cherche pas à remplir consciencieusement tous les trous laissés par le passage du temps, mais à donner une idée de ce que furent ces années d'enfance au sein d'un pays.


Bachy - - 61 ans - 29 septembre 2004


Une prose complexe... 7 étoiles

"De la rencontre avec cette héroïne de «l'extrême frontière», nous sortirons transfigurés, illuminés par l'intensité de son amour, de sa foi..."
J'aurais bien aimé terminer cette lecture sur une note aussi sublime, mais ce n'est pas tout à fait mon cas. Véra est un beau personnage, j'ai communié à sa résolution d'attente, à son altruisme et à sa générosité, à sa force physique et morale, non sans difficultés, car la prose de l'auteur est complexe et coupe court à l'émotion. Le seul autre personnage principal consiste en celui du narrateur, journaliste, dont on connaît peu de choses, même pas le prénom, sauf qu'il est jeune. Pourvu de l'arrogance, de la prétention et de l'inexpérience de sa jeunesse, celui-ci poursuit une quête obsessionnelle de séduire cette femme mature qui, à ses yeux machistes et ignorants, a renoncé à la vie, dans l'attente du retour de l'aimé. En toile de fond, la Russie totalitaire d'après la révolution, des vieilles femmes seules et abandonnées, dont les maris et les fils ne sont jamais rentrés de la guerre, une nature cruelle et magnifique dans ses contrastes saisonniers.
J'ai rencontré un nouvel auteur que j'aimerais mieux connaître, même si a priori, son style d'écriture m'a un peu effarouchée.
FranBlan, Montréal, le 6 septembre 2004

FranBlan - Montréal, Québec - 82 ans - 6 septembre 2004


L'autre 8 étoiles

Toute personne est un mystère. Une part de notre intérêt pour l'autre tient au plaisir d'élucider des énigmes. C'est un aspect que j'ai retenu de la lecture de ce roman. Le narrateur semble entiché (ou amoureux?) de "cette femme qui attendait". Pourtant, au fil de la lecture, on se demande si ce n'est pas plutôt la fascination d'une femme inaccesssible qui le retient dans ces contrées perdues. Lui aussi devient l'homme qui attend, parce qu'il ne veut rien brusquer, pour que le mystère perdure.

Vigno - - - ans - 6 août 2004


La lenteur du silence 6 étoiles

Quelle étrange histoire que celle-ci, naviguant entre la torpeur et la lenteur. Le narrateur est un intellectuel venu de Leningrad enquêter sur les coutumes d’un hameau perdu au bord de la Mer Blanche, les rites et habitudes pour les mariages et les enterrements.
Vera vit dans ce village. Elle avait seize ans au moment de la seconde guerre, elle y a laissé un amoureux et beaucoup d’espoirs. Alors elle attend. Quoi ? Son amour peut-être ou le temps qui passe. Ou rien. Vera est tellement énigmatique, c’est ce qui intrigue et séduit le narrateur. Qui finit par découvrir la personnalité réelle de Vera, une femme complètement différente de celle qu’on imagine, loin d’être une pauvre paysanne terrée dans un trou oublié de l’Union Soviétique. Le narrateur décide d’enquêter sur elle et il nous livre son parcours, avec ses erreurs et ses interprétations. Belle idée de Makine de ne pas avoir imposé de vérité unique et d’avoir laissé le lecteur se dépêtrer avec un narrateur confus qui finira pourtant par lever le voile sur la vie de Vera.

L’histoire se déroule lentement, le temps passe et les vies s’érodent, les villages froids et peu hospitaliers dans lesquels se déroule le récit ajoutent à l’ambiance une certaine lourdeur, une oppression. Vera étouffe et nous aussi, par moments.
Alors il convient de trouver sa respiration, de tracer un parallèle entre cet obscur village si calme où il ne se passe rien et Leningrad, ville de débauche et de corruption. Les ivrognes face aux intellectuels, les femmes muettes face aux belles bourgeoises endimanchées. Une métaphore, peut-être, de cette Sibérie que Makine a quittée pour Paris. Des souvenirs enfouis, des contrastes qui l’ont sans cesse hanté.

Sahkti - Genève - 50 ans - 1 juillet 2004


un livre à découvrir 9 étoiles

Pour tous ceux qui aiment les livres qui vous plongent dans une ambiance (ici le calme et la désertification des provinces russes) et qui vous laissent inexplicablement une impression.

Un livre qui touche, qui marque, qui fait mouche.
Je conseille de le lire d'une traite pour mieux apprécier le "paysage".

Drclic - Paris - 48 ans - 2 avril 2004