Le Géant
de Francine Brunet

critiqué par Libris québécis, le 13 juillet 2016
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Des camionneurs et une famille à problème
Trop, c’est comme pas assez. L’auteure s’éparpille en dizaine de narrations secondaires qui donnent le tournis au lectorat même si la trame de base est fort simple. C’est l’histoire d’un camionneur.

Son héros (Victor Scarpa) est marié à une lesbienne qui l’abandonne pour une maîtresse. De cette union est née une enfant qui souffre de synesthésie. Elle associe les chiffres à des couleurs. Partagée entre un père et une mère, elle apaise sa douleur en recourant à des narcotiques. Victor reforme un couple avec Franie, une botaniste atikamekw. Naît cette fois-ci une fille albinos qui a des troubles orthophoniques. L’homme, un géant de six pieds et sept pouces (2m), parcourt les routes de l’est américain, où il rencontre des confrères qui s’ennuient autant que lui au volant de leur mastodonte. Pour remédier à la situation, il fait lire des romans à sa nouvelle conjointe pour en faire des CD qu’il distribue aux camionneurs qui s’arrêtent dans les mêmes haltes. Agota Kristof autant qu’Agatha Christie passent sous la lorgnette de ces routiers, soupçonnés en plus par les douaniers de faire le trafic de la littérature destinée aux pédophiles. À ce filon d’enquête se greffe la famille amérindienne de Franie originaire de La Tuque.

La cour est pleine, pourrait-on dire. Mais on s’y reconnaît facilement, car tous les ingrédients sont divisés entre deux compartiments étanches. D’une part, on voit des hommes affairés au transport de marchandises aux États-Unis et, d’autre part, on voit les Scarpa aux prises avec des problèmes familiaux et médicaux. Les deux camps tentent de relever le défi de la résilience. Les camionneurs ont découvert la lecture pour se détendre au volant. Et les parents consultent des spécialistes pour régler le problème de leurs enfants. Tout est bien qui finit bien. Exitus acta probat. Même Franie pactisera avec la sérénité après avoir été témoin du suicide de sa mère dans ses jeunes années.

Cette trame riche en péripéties se singularise surtout par ses éléments narratifs originaux. Le club de lecture composé de camionneurs est une trouvaille heureuse. La couleur de cheveux s’invite aussi à cette noce romanesque. La blanche (l’enfant albinos) et la mère atikamekw rousse composent un trio irrésistible avec la demi-sœur aux cheveux noirs, un trio dont les liens sont à la base de leur survie psychologique. Et que dire des grands-tantes jumelles Ani et Couni, qui aiment bien se concocter une fusion d’herbes euphorisantes. En somme, c’est une course au bonheur. Les problèmes sont épineux, mais un filon d’humour les rend moins acérés.

Ce roman intéressant compte de nombreuses failles. Francine Brunet a trop mis de bûches dans le foyer. Et le feu ne parvient pas à toutes les consumer. Des plans narratifs tombent à plat, telle l’enquête policière. L’auteure a vainement tenté de fusionner le volet familial à celui du camionnage. Et c’est sans compter que l’écriture ne peut rivaliser avec le bagout d’une conteuse aguerrie.