Morgane de Simon Kansara (Scénario), Stéphane Fert (Scénario et dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Légende, contes et histoire

Critiqué par Blue Boy, le 17 juillet 2016 (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans)
La note : 8 étoiles
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Morgane renverse la table ronde

Résumé éditeur : Privée de son destin de reine, la demi-sœur du roi Arthur devient la sulfureuse fée Morgane et se dresse contre la tyrannie de la Table ronde et les manipulations de Merlin le fou…

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Relecture grinçante et poétique de la légende arthurienne, où est mis en avant le personnage de Morgane, ce one-shot s’apparente à une sarabande haute en couleurs faite de fureur, de passions et de trahisons.

Le mythe s’est ici mué en un roman - extrêmement - graphique, à la croisée de la peinture et de la bande dessinée. Certaines scènes évoquent parfois Matisse ou Gauguin, normal quand on sait que ces peintres sont des références pour Stéphane Fert. Ce dernier lui-même possède un trait très stylisé où corps et visages sont davantage des formes, tout comme les paysages, envisagés plutôt comme des motifs, sans prétention à un quelconque réalisme. A l’aide sa vaste palette, Fert sait faire ressortir harmonieusement les couleurs vives et lumineuses des fonds obscurs, créant une atmosphère nimbée de magie, ce qui est la moindre des choses, me direz-vous, quand on raconte l’histoire d’une fée…

Ce dernier, également au scénario, et Simon Kansara se sont attachés à réhabiliter Morgane, souvent perçue comme une fée maléfique. La couverture montre bien ce dont il est question, avec le symbole de la femme apparaissant sur le vêtement de l’héroïne, transformée ici en féministe avant l’heure. Le milieu chevaleresque, décrit ici comme belliqueux et misogyne, ne fait guère la part belle à la gent féminine, invité à jouer les rôles de faire-valoir ou diabolisée en cas de refus... Quant à Merlin, il apparaît comme un personnage retors et peu amène, celui qui aura empêché l’accès de son élève au trône. On comprend mieux ainsi l’attitude de Morgane, minée par le ressentiment et le désir de revanche, qui va la conduire à défier les machistes chevaliers, dont les exploits n’étaient pas, du point de vue de l’auteur, aussi glorieux que la légende veut bien nous le faire croire. Celui-ci se plaît à les tourner en ridicule, notamment lorsqu’ils targuent d’avoir vaincu des « morts-vivants possédés », qui n’étaient en fait que de pauvres villageois affamés.

Globalement, cette adaptation d’un chapitre de la légende arthurienne est autant une féerie picturale qu’une fable féministe, noire, amorale et acerbe, sur l’infatuation tyrannique de la gent mâle. D’une épopée assez touffue, les auteurs sont parvenus à produire une synthèse relativement fluide sur les cent quarante pages que compte ce one-shot, et ce n’est pas la moindre de ses qualités.

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