Séduire Isabelle A.
de Sophie Bassignac

critiqué par Hcdahlem, le 27 septembre 2016
( - 65 ans)


La note:  étoiles
Séduire Isabelle A.
Isabelle entre dans la vie de Pierre un peu comme une tornade. À l’image de sa chambre, où il semble que la jeune fille ne parvient pas à ranger grand chose, le jeune homme sage est pris dans un tourbillon que le ravit en même temps qu’il l’inquiète. Comment un tel amour peut-il résister au temps ? D’autant que l’appétit sexuel de sa compagne semble inépuisable, se doublant d’une belle inventivité. Alors Pierre s’accroche, s’amuse, s’attache tant et si bien que les deux tourtereaux en viennent à parler de mariage.
Le moment est par conséquent venu de faire connaissance avec les Pettigrew, une famille fusionnelle dont l’auteur a très bien fait de nous donner a dynastie en ouverture de ce roman pétillant. En cet été 2015, du côté d’Angers, Isabelle présente la tribu à son futur mari. Outre les grands-parents James et Henriette qui les accueillent, la famille est au grand complet, soit quatre générations. De quoi impressionner Pierre qui entame une carrière de journaliste et a été élevé dans le respect des conventions. Car bien entendu, autour de la table du repas, tout le monde observe Pierre «avec un sérieux de jury olympique qui attend sans broncher l’incontournable salto arrière.»
L’alcool aidant, il va réussir à briser la glace, même s’il est un peu perdu par la vie très libre de cette tribu très soudée. Du reste, il n’est qu’à observer Isabelle pour le comprendre. Elle « portait la lingerie de sa mère, conduisait les voitures de collection de son père, se mettait au vert chez sa sœur ou ses grands-parents, se biturait avec son frère Frédéric, accompagnait ses deux oncles à l’opéra ou dans des restaurants étoilés où elle tenait avec le plus grand sérieux son rôle de conseillère conjugale. »
Du coup, l’exploit consiste à se faire une petite place au cœur de ce maelstrom. Une sortie – naturiste – au bord de mer accompagnée de coups de soleil imposants va lui permettre d’observer de plus près la philosophie de sa belle-famille.
« Il se dit qu’il n’était pas difficile, au fond, de vivre avec les Pettigrew. Une fois accoutumé au niveau sonore, il fallait s’en remettre au hasard, considérer que tout était possible, ne s’étonner de rien et se laisser porter. On pouvait parler, se taire, rêver. Personne ne vous en tenait rigueur. On n’exigeait rien de vous et c’était très reposant. Il n’oubliait pas qu’il était sur un siège éjectable mais il avait confiance. »
Seulement voilà, au moment où il se dit que la partie était gagnée, il y a fallu passer par le spectacle qui, par tradition, fête l’anniversaire de l’aïeule. Le «Quinze août 2015 à vingt heure trente précises, Henriette afficherait quatre-vingt-trois ans au compteur de sa longue existence.» Une fête qui va tourner au désastre.
Mais n’allons pas trop vite en besogne. Entre-temps, il y aura eu un vrai-faux départ, quelques confidences, des crises dans quelques couples et quelques incidents plus ou moins sérieux.
En dix chapitres nerveux, Sophie Bassignac dépeint avec beaucoup de justesse la difficulté qu’il peut y avoir aujourd’hui de construire une relation, de gérer une famille, de trouver les bases d’une entente. C’est tour à tour joyeux et grave, pour finir sur une note optimiste.
« Sans le formuler non plus, Pierre comprit que leur différence n’était pas une tragédie insurmontable. Que la carpe et le lapin respiraient le même air et que la nature ne les avait pas créés pour se détruire. »
En refermant ce roman, on se dit que si l’auteur avait l’idée de nous proposer une suite aux aventures d’Isabelle et Pierre, on serait bien content de les retrouver.
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