Judas de Amos Oz

Judas de Amos Oz
(Ha besora al-pi yehuda Iskariot)

Catégorie(s) : Littérature => Moyen Orient

Critiqué par Poet75, le 1 octobre 2016 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 12 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 188ème position).
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Qui est le traître?

Sous des apparences de simplicité, le nouveau roman d'Amos Oz ne manque ni de subtilité ni de complexité et il ne fait aucun doute qu'on peut le compter parmi les oeuvres importantes de cet auteur. L'intrigue peut assez facilement se résumer. Tout se déroule entre fin 1959 et début 1960 à Jérusalem. Un étudiant hirsute et barbu âgé de 25 ans et prénommé Shmuel, ayant perdu à la fois sa fiancée (qui le plaque pour un autre) et l'allocation mensuelle que lui versait son père, décide d'interrompre ses études. Peu de temps plus tard, il tombe sur l'annonce d'un vieil homme cherchant "un homme de compagnie". Shmuel se présente et est engagé: Son travail consistera simplement à faire la conversation tous les soirs avec l'instigateur de l'annonce qui s'appelle Wald. Avec lui, réside une mystérieuse et belle femme prénommée Atalia dont on découvre, au fil du récit, qu'elle est la veuve du fils de Wald (mort au combat pendant la guerre d'indépendance de 1948) et la fille d'un certain Shealtiel Abravanel (qui fut considéré, en Israël, comme un traître à cause de ses idéaux de paix et de ses liens amicaux avec des Arabes). La complexité du roman d'Amos Oz provient de ce que, en prenant appui sur ses personnages, sur les liens qui existent ou ont existé entre eux, sur leurs évolutions - Shmuel ne tarde pas à tomber amoureux d'Atalia, qui est pourtant bien plus âgée que lui -, l'auteur aborde, non sans érudition et subtilité, divers thèmes dont, en particulier, celui du traître. Une grande partie du roman, se fondant sur les discussions des personnages et leurs recherches, s'interroge sur la figure du traître. Celui-ci apparaît, tout particulièrement, sous les traits de deux personnages: Shealtiel Abravanel, dont j'ai déjà parlé et qui s'est opposé aux choix politiques de Ben Gourion, Shealtiel qui fut rejeté presque unanimement parce qu'il était considéré comme un rêveur ayant trahi sa patrie, et Judas Iscariote, celui qu'on méprise, le traître par excellence sur qui s'est fondé l'antisémitisme de générations de chrétiens. Car, si Shmuel a pris la décision d'abandonner ses études, il n'en continue pas moins de s'interroger au sujet de Jésus et de son disciple Judas. Et il émet des hypothèses: l'Iscariote était-il vraiment le traître qu'on se plaît à détester et qui fut représenté dans l'iconographie comme la caricature du Juif perfide?
Amos Oz n'est certes pas le premier écrivain à s'emparer de la figure du traître, à s'interroger à son sujet en se référant à celui qui semble en être l'archétype. Bien évidemment, le romancier se plaît à malmener les idées toutes faites. Les hypothèses qu'il formule à propos de Judas ne sont d'ailleurs pas totalement nouvelles. Dès le IIe siècle, un écrit apocryphe ("L'Evangile selon Judas") estimait que, de tous les disciples, l'Iscariote était le seul à avoir vraiment compris qui était Jésus. Je ne sais si Amos Oz a eu connaissance de ce récit, car il ne le cite pas dans son roman. Toujours est-il que, depuis longtemps, l'on s'interroge à propos de Judas et que l'on n'a sans doute pas fini de le faire. Amos Oz, par le biais d'un roman qui est aussi une méditation et une réflexion sur le thème de la traîtrise, y contribue à sa manière et il le fait avec intelligence. Quoi qu'on pense des hypothèses qui sont formulées dans ce livre, on n'en est pas moins interpellé et dérangé dans ses certitudes ou ses idées toutes faites. Personnellement, j'ai fait depuis longtemps ce choix de préconiser davantage les écrits qui nous interrogent, voire qui nous déstabilisent, plutôt que ceux qui se contentent de nous conforter dans ce que nous croyons (ou croyons croire) déjà! De ce point de vue, outre ses indéniables qualités littéraires, le "Judas" d'Amos Oz apparaît comme des grands romans de cette rentrée littéraire.

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Les éditions

  • Judas [Texte imprimé], roman Amos Oz traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen
    de Oz, Amos Cohen, Sylvie (Traducteur)
    Gallimard / Du monde entier (Paris)
    ISBN : 9782070177769 ; 21,00 € ; 25/08/2016 ; 352 p. ; Broché
  • Judas [Texte imprimé] Amos Oz traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen
    de Oz, Amos Cohen, Sylvie (Traducteur)
    Gallimard / Collection Folio
    ISBN : 9782072765070 ; EUR 7,80 ; 07/06/2018 ; 400 p. ; Broché
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La fille du traître

6 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 18 décembre 2021

Shmuel Asch est un homme indécis, irrésolu ; par manque d’argent, il abandonne ses études et sa thèse sur le rôle fondateur de Judas dans l’origine de la chrétienté.
Il répond à une petite annonce et se retrouve logé dans le grenier d’une étrange famille.
Atalia Abravanel, une veuve séduisante de 45 ans et un vieil homme malade, Gershom Wald.
Il découvrira leur lien, leur passé, et échangera des propos passionnés sur l’origine de la création d’Israël, le rôle du père d’Atalia…

Lors de la première lecture, j’étais peu captivée par ce roman exigeant, dérangée par les perpétuelles répétitions, perdue parfois dans les reconstitutions, les hypothèses...
Pour finalement apprécier le questionnement sur la définition d’un traître, son rôle dans l’Histoire que ce soit Judas ou Abravanel. Et si finalement le traître était celui qui n’a pas fait le choix validé par l’Histoire et simplement un homme qui a cru en ses idées jusqu’au bout.
"L’histoire a souvent produit des individus courageux, en avance sur leur temps, qui étaient passés pour des traîtres ou des hurluberlus."
Une lecture difficile avec des personnages masculins aux portraits peu flatteurs, mais une lecture qui interpelle, qui force à réfléchir.

La trahison, une question d'angle de vue

6 étoiles

Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 25 avril 2019

Le roman s'articule autour de trois sujets : l'histoire d'un jeune universitaire israélien qui se cherche après une série de déconvenues, une revisite en forme de réhabilitation du rôle de Judas dans la construction du christianisme et les débuts de l'état d'Israël mettant en scène des courants sionistes divergeant sur la question arabe. Leur point commun : la trahison, qu'elle soit amoureuse, idéologique ou politique. Et cette conclusion, peut-être personnelle, que le traitre n'est peut être pas celui auquel on pense.

Si l'histoire avec un grand H ainsi que les théories développées m'ont passionné, elles ne sont malheureusement que des îlots trop rares dans le récit ennuyeux des pérégrinations de Shmuel, héro assommant parce qu'indécis. J'ai également trouvé les lieux et les rapports humains étouffants, il m'a manqué de l'espace et de la lumière.

LES PERSONNAGES, RIEN QUE LES PERSONNAGES...

8 étoiles

Critique de Septularisen (, Inscrit le 7 août 2004, - ans) - 8 janvier 2019

Je n’ai pas grand-chose à ajouter aux excellentes et nombreuses critiques précédentes.

Faisant abstraction des paysages, que j’ai trouvé très beaux, notamment les descriptions de la vieille ville de Jérusalem, je voudrais pour ma part juste dire un mot sur les personnages du roman que j’ai vraiment trouvé magnifiques…

J’entends bien ici que beaucoup de ceux qui ont lu le livre ont trouvé que les personnages n’étaient là que pour disons «servir» l’histoire. Pour être «l’écrin», dans lequel Amos OZ (1939-2018), présente ses idées sur l’État juif en Palestine et sur le malheur des Juifs exposé dans les textes chrétiens se rapportant à Judas…

Et bien je dois dire que quant à moi je réfute cette idée «d’enveloppe» à idées! Pour moi les personnages ont ici leur propre vie, leur propre existence en dehors de toute considération. J’ai donc aimé l’histoire en elle-même, notamment celle entre Shmuel et Atalia... Tous sont bien décrits, bien développés psychologiquement et à la fin on est triste de les quitter parce qu'on s’y est attaché…

Le personnage de Wald, tout d’abord, est celui du vieux «sage s’appuyant sur une canne», (qui n’a pas été sans me rappeler le personnage de Yoda dans «Stars Wars»), le vieil homme revenu de tout et de tout le monde, ne se faisant plus aucune illusion sur l’homme et l’être humain, et qui passe les dernières années de sa vie à se batte contre des «Moulins à vent»…
Malgré sa distance et sa relative passivité, il veille sur les «deux jeunes», et reste en quelque sorte leur caution morale.

Shmuel lui ne doit surtout pas être vu comme un «Werther» (le personnage de GOETHE), mais exactement comme son contraire. Car de fiancé abandonné, étudiant raté et sans le sou, jeune homme indécis et sans but, ne sachant que faire de sa triste vie… Il finira par prendre en main son destin et aller de l’avant de manière ferme et décidée… Le ver à soie se sera alors transformé en un magnifique papillon!...

Atalia, quant à elle, est certainement le personnage le plus fascinant de cet huis-clos. Elle ne doit pas être vue comme une «femme fatale», ni une femme cougar comme on dirait aujourd’hui. Contrairement à certaines critiques je n’ai pas trouvé qu’elle est «fermée à la vie», en tous cas elle n’est ni acariâtre, ni méchante, tout au plus triste et désabusée de la vie. Elle représente pour Shmuel un objectif inatteignable et justement quand il arrive enfin à ses fins, alors il est temps pour lui de prendre son envol. Elle le «jette», mais ce faisant elle va lui permettre de devenir indépendant! C’est elle, malgré le peu qu’elle lui donne, qui fera de lui ce qu’il va devenir. Qui va l’ouvrir à la vie et aux autres femmes,,,

Certainement un très bon livre, peut-être pas le chef d’œuvre d'Amos OZ, mais un très bon moment de lecture pour partir à la découverte de son style si singulier…

Le traitre

6 étoiles

Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 27 décembre 2018

Amos Oz, à travers ce récit d'un jeune étudiant Israélien qui discute avec un vieil homme, évoque la figure du traitre et son ambivalence. Judas l'Iscariote est le traitre par exemple, sa félonie faudra de tout temps la stigmatisation des juifs. Mais Amos Oz imagine que Judas aurait été en réalité le seul fidèle à Jésus, celui qui se serait sacrifié pour que puisse advenir le destin de Jésus. Parallèlement l'auteur évoque une autre figure politique, liée cette fois à la naissance d'Israël, un homme proche du pouvoir qui oeuvrait pour la paix avec les Arabes mais qui fut pour cette raison rejeté comme traitre. Cette réflexion sur le traitre est mise en forme à travers des discussions entre l'étudiant, le vieil érudit et sa belle-fille, une veuve séductrice, qui s'est fermée à la vie.

Je dois avouer que je n'ai pas été convaincu par le résultat, le livre ne m'a pas passionné et m'a semblé un peu artificiel. Il y a quand même quelques beaux passages et j'ai trouvé la fin assez réussie.

« Judas ». Mais, de qui s’agit-il ?

5 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 27 décembre 2018

L’auteur met en présence trois personnages qui n’ont rien en commun : un étudiant raté, une veuve séductrice et un vieillard infirme. Ces personnages tiennent entre eux des conversations de salon et, à travers ces conversations, on est censé faire leur connaissance. Mais on se rend vite compte qu’à travers ces dialogues, l’auteur veut faire passer ses idées sur deux sujets : l’opportunité d’un État juif en Palestine et, surtout, le malheur des Juifs qui, selon lui, trouverait son origine dans les textes chrétiens se rapportant à Judas.

Mais pour argumenter sa thèse sur Judas – qui finalement est « le » personnage du livre, comme le titre le laissait prévoir – l’auteur crée de toutes pièces un Judas qui ne ressemble en rien au Judas des Évangiles. Si bien que sa thèse n’a aucun sens. Ce Judas, sorti de son imagination, aurait été l’ami intime de Jésus, il aurait été le seul à le reconnaître, il aurait été le seul à l’assister jusqu’à sa crucifixion et le seul à regretter sa mort. Personnellement, je n’ai trouvé dans ce Judas qu’un intérêt fort limité.

Mais je ne regrette pas ma lecture. Le livre est construit d’une manière originale, il est bien écrit, les dialogues sont bien amenés et puis, dans le dernier chapitre, l’auteur fait montre d’un vrai talent de conteur qui m’a donné l’envie de lui donner une deuxième chance avec un autre roman.

Scénario alternatif

8 étoiles

Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 45 ans) - 24 décembre 2018

Comme je l'évoquais dans le forum sur la lecture de ce roman, j'ai été particulièrement séduite par cette approche du "Et si?". Et si Judas avait été un vrai disciple et sa démarche plutôt le signe d'une foi absolue et non d'une trahison? Et si Jésus n'avait pas été crucifié? Le christianisme aurait-il existé ou le prophète Jésus n'aurait été qu'un mortel inspiré et inspirant parmi les autres dans la religion juive? Et si l’état d'Israël n'avait pas été créé, laissant la communauté juive s'intégrer sans frontière au cœur du peuple palestinien?

Nous ne sommes pas pour autant dans une mièvre utopie. Juste dans ce basculement potentiel de tout un paradigme religieux et politique.

Sur le plan de la fiction, Oz nous met sur le plateau des personnages qui créent des relations en accord avec, finalement, la thématique plus globale : un brin de paternalisme (entre Wald et Schmuel), ambiguïté (Schmuel et Attalia), idéalisme, humiliation, redondance, paradoxes et ambivalences, dans un huis-clos parfois oppressant, poussiéreux, parfois tendu, baigné par sa routine et ses traditions du quotidien dont il est presque difficile de sortir. Les personnages oscillent entre la domination de leur intellect et celle de leurs tripes.

J'ai aimé ce passage, à la fin du chapitre 39 : " Les yeux ne se dessilleront plus (...) tout le monde ou presque traverse l'existence, de la naissance à la mort, les yeux fermés. Vous et moi (...) ne faisons pas exception. (...) Si on les ouvrait une fraction de seconde, on pousserait des hurlements effroyables sans jamais s'arrêter.".

Yeux fermés face aux responsabilités d'un monde nourri par les rapports de force, par les illusions, par l'indifférence du "Tout-Puissant" ou la dés-identification au Dieu que nous nous créons? Yeux fermés par rapport à notre insignifiance? Au vide?
A quoi s'accroche le monde d'aujourd'hui pour garder les yeux fermés?

Dans un style très répétitif, Oz laisse peut-être ainsi passer les évolutions, les dissonances, les subtils changements de pensée. Mais aussi la désorientation, le doute, les interrogations, avec ou sans réponse.

Parler de questions graves en amusant le lecteur

8 étoiles

Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 23 octobre 2018

JUDAS s'ouvre sur ces phrases « L'histoire se déroule en hiver , entre fin 1959 et début 1960 . On y parle d'une erreur, de désir, d'un amour malheureux et d'une question théologique inexpliquée » .
Cet incipit sous forme d'énumération mêle trois ingrédients suffisamment vagues et divers pour pouvoir figurer dans tout roman mais y ajoute un élément inattendu : la question théologique inexpliquée.
Comment va-t-elle s'insérer dans le récit. Quelle sera sa place dans une intrigue qui s'annonce aussi comme portant sur la relation amoureuse ?

Parlons d'abord du personnage principal : Schmuel Ash, un étudiant qui prépare un mémoire sur Jésus dans la tradition juive . Faute de ressources, il doit abandonner ses études et trouve un poste de garçon de compagnie auprès de Monsieur Wald , vieil homme infirme auquel il est chargé de faire la conversation et la lecture quelques heures par jour en échange du gîte, du couvert et d'un modeste salaire.
Alors que Schmuel souffre d'avoir été plaqué par son ex-amie et ressasse son dépit et sa rancune à l'égard de celui qui l'a supplanté dans le cœur de sa belle, il rencontre l'attirante et mystérieuse Atalia qui vit chez Monsieur Wald .

Vous avez comprenez mieux à présent l'incipit de ce roman qui va constamment entremêler le grave, le sérieux et le plus léger .
La réflexion sur la religion au travers de la notion de trahison représentée par Judas, et plus largement sur l'histoire de la construction de l'Etat d'Israël viendra nourrir les chapitres de conversations de fin d'après-midi avec le vieil homme. Ces chapitres alterneront avec des séquences sur les tourments et les émois de ce pauvre Schmuel .

Pauvre Schmuel , le héros du roman , plutôt un anti-héros.
Enfant mal aimé , amant éconduit, étudiant indécis, amoureux maladroit, son allure n'a rien de celle d'un Don Juan. Sa démarche s'apparente à celle de Mr Hulot dans le film de Jacques Tati « la tête en avant, le torse à la traîne, les jambes pédalant pour ne pas être distancées »
Amoz Oz en fait un personnage attachant, à la fois comique et attendrissant par ses maladresses «  Vous n'êtes pas très marrant ou si vous l'êtes vous ne le faites pas exprès » lui  dit Atalia face à laquelle il est « tourneboulé et fou de désir »
« Bavard impénitent, » il n'est pourtant pas capable de mener une vraie conversation, « les mots lui restent alors dans la bouche ». Il compense par des discussions mentales, c'est ainsi qu'il débat intérieurement avec Ben Gourion ou s'imagine en Judas présentant sa défense face à ses accusateurs.
A l'issue de ces quelques mois, période d'apprentissage dont il sortira mûri, ayant su se faire apprécier de Mr Wald, et se rendre utile à Amélia, Schmuel partira sur la route, vers une nouvelle vie

JUDAS est tout à la fois un roman consacré à des questions graves qui engagent la destinée politique et religieuse de l'Etat d'Israël mais traversé régulièrement par des chapitres où Amos Oz jette un regard plein de malice et de tendresse sur tous les personnages qu'il met en scène. Il faut dire qu'il a l'art du portrait . En quelques phrases, par quelques traits bien choisis, il donne vie à chacun, traits qui réapparaîtront régulièrement, créant un comique de répétition .

Le charme du roman est venu pour moi de l'alternance entre la réflexion géopolitique ou religieuse et la narration des aventures d'un protagoniste savoureux qui apporte de l'oxygène à la lecture .

De l'incommunicabilité entre religions

9 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 22 mai 2017

Sympathiser avec la religion et la race voisine reste donc suspect, surtout au Moyen-Orient, notamment chez Les Juifs israéliens quand l'un d'entre eux tend la main aux Arabes pour la paix. Jugements de valeur et suspicions vont bon train. Ce thème est filé ici avec autant de subtilité et d'humour, tout en faisant sentir la gravité de la situation et de ses conséquences relationnelles potentielles. Le style est sobre et élégant.
Ce roman s'avère donc bien à conseiller, en effet.

Judas réhabilité ou Israël autrement

9 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 15 avril 2017

Quelques années après la création de l'Etat d'Israël, Shmuel, étudiant à la dérive, largué par sa copine, privé du soutien financier de ses parents, abandonne son mémoire de fin d’étude et répond à une annonce offrant un emploi d’homme de compagnie chez Gershom Wald, vieillard invalide et érudit vivant avec sa belle-fille. Celle-ci, Atalia Abravanel, une très belle femme, fille d'un homme politique considéré comme un traître à la nation. Décrit comme un opposant à David Ben Gourion, il aurait prôné un état unique où arabes et juifs auraient vécu ensemble.

On va donc suivre ainsi l'histoire de ce trio en parallèle à celles de deux défunts, Shealtiel Abravanel et Judas Iscariote, deux "traîtres" de l'histoire de la terre sainte.

Trahison et loyauté sont les thèmes de ce livre lent, prenant et profond. Shmuel qui, travail oblige, discute beaucoup avec son employeur qui énonce des phrases très fortes qui s’égrainent au cours du récit.

Judas était-il vraiment un traître ? Ou au contraire le plus fidèle et le plus dévoué de des disciples du Christ ? Dans ce roman, , l’auteur semble vouloir se justifier lui-même en essayant de réhabiliter la vraie nature de cette figure biblique. Certes crédible mais peu argumenté, on peut en débattre comme d’ailleurs aussi les véritables intentions de Jésus qui ont été détournées par Saint-Paul, véritable fondateur de l’Eglise chrétienne.
Aussi un clin d’œil au roman « L’Evangile selon Pilate » d’Eric-Emmanuel Schmitt qui lui aussi donne une autre interprétation très très personnelle et romancée de la passion du Christ.
Amos Oz s’incarne en outre dans le personnage de Shmuel, homme de gauche qui soutient la cause palestinienne et porte l'idée que la paix n'est possible qu'à la condition qu'Israël quitte les territoires occupés. Il est aussi positionné comme traître au regard d’une frange majoritaire de son pays.

Un excellent roman à l’écriture assez classique, très lisible et s’inscrivant à la fois vers le passé mais aussi le futur en s’orientant irrémédiablement vers un débat

La passion selon Judas.

10 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 18 janvier 2017

Israël dans les années 60.
Shmuel Ash est un jeune homme un peu en dehors du temps, indécis, rêveur, une espèce de « Zéno » qui prend l'escalator à contre sens.
Il préparait une thèse sur Jésus dans la tradition juive mais faute de moyens financiers il fut contraint d'arrêter ses études.
Faute de mieux il se fait donc engager pour garder un vieil homme malade et lui faire la conversation.
Dans les propos du vieil homme, il est beaucoup question de Ben Gourion, des événements de 1948, de la légitimité du peuple juif sur son territoire et de la possibilité de vivre en paix avec les arabes.
Le discours de Shmuel est dirigé vers Judas l'Iscariote, ce judas détesté par l'humanité et tant aimé par ce doux rêveur.
Mais ils ne sont pas seuls dans la maison, il y a la belle et mystérieuse Atalia. Son parfum entêtant à la violette, ce creux entre la bordure de ses lèvres !

Au fond, le baiser de Judas, le plus célèbre de l'histoire, n'était certainement pas celui d'un traître. Les émissaires dépêchés par les prêtres pour arrêter Jésus à l'issue de la Cène n'avaient pas besoin que Judas leur désigne son maître. Quelques jour auparavant, en effet, Jésus avait fait irruption dans le temple où, de colère, il avait renversé les tables des changeurs de monnaie au vu de tous. Du coup, la ville entière le connaissait. En outre, quand ils sont venus l'arrêter, il n'a pas essayé de s'enfuir et les a suivis sans opposer de résistance. La traîtrise de Judas ne s'est donc pas traduite par le baiser à Jésus à l'arrivée des geôliers. Sa traîtrise, si traîtrise il y a eu, s'est produite à la mort de Jésus sur la croix. C'est à ce moment-là que Judas a perdu la foi et le sens de sa vie.

Comme toujours ce sont les historiens qui déterminent qui est le lâche et qui est le héros.

J'ai passionnément aimé ce livre, cette ambiance de huis-clos où tout se répète. Certes il faut aimer le sujet sans quoi la lecture deviendrait un calvaire mais cette oeuvre est tout simplement grandiose.

Qui était vraiment Judas ?

8 étoiles

Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 85 ans) - 5 décembre 2016

Au début des années 60, Shmuel Asch, un jeune étudiant à Jérusalem interrompt ses études qu'il ne peut plus financer. Il s'était attaqué à une thèse "Jésus dans la tradition juive" et l'abandonne également, tout en restant très attaché au sujet et aux questions abordées : Jésus était-il juif ? Judas était-il réellement un traître ? Qui a fondé la religion chrétienne ? Et bien d'autres qui ont hanté les Juifs au cours des siècles...

Sans ressources il finit par accepter un "petit boulot", gîte et couvert inclus, dans une maison où vivent reclus un vieillard impotent et une jeune femme, pas si jeune car elle a presque le double de son âge ! Il doit simplement tenir compagnie au vieillard plusieurs heures par jour et lui faire la conversation. Ils ont des échanges passionnés sur la création d'Israël et le rôle de Ben Gourion, sur les relation entre les Juifs et les Arabes, sur la guerre et sur la paix, et également sur la thèse inachevée sur Jésus. L'auteur nous invite à participer à ces conversations et le lecteur le fait volontiers car le style du texte, plein de poésie, est enchanteur.

Le jeune homme quant à lui est obnubilé par ses hôtes dont il ne sait rien, il est aussi fasciné, et secrètement amoureux de la jeune femme, aussi belle que distante. Il aura satisfaction petit à petit et découvrira une histoire tragique, probablement assez commune dans ce pays déchiré par des conflits sanglants entre Juifs et Arabes qui se disputaient âprement une même terre où avaient habité leurs ancêtres.

Un livre passionnant sur le rôle des traîtres...

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  Lecture commune automnale : "Judas" d'Amos OZ 210 Septularisen 9 janvier 2019 @ 17:13

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