Chez eux
de Carole Zalberg

critiqué par Clarabel, le 30 mars 2004
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Un roman écrit avec justesse
Ecrit avec pudeur et sans aucune sensiblerie excessive, Carole Zalberg raconte l'histoire de sa mère. Petite fille, celle-ci (Anna, dans le roman) a quitté la Pologne avec sa mère. "Ce pays dont on ne doit plus parler".

Elles partent rejoindre la France où se sont déjà réfugiés le père et la soeur aînée. La guerre approche, mais l'auteur l'évoque peu. Juste ces soldats qui parlent allemand et font tressaillir sa mère, cet homme qui débarque un jour dans la classe et demande si des enfants étrangers s'y cachent... Bref, le souci premier de la jeune Anna est de survivre dans cette famille de fermiers un peu bourrus. Car la famille d'Anna s'est séparée, par mesure de sécurité. La petite fille est hébergée dans une ferme où elle grelotte tous les matins en se levant, elle aide à soigner les bêtes et préparer les repas. La petite fille n'est pas malheureuse, juste lucide sur cette séparation, bien consciente que ces événements ont fait d'elle une autre petite fille. Autrefois douce et pleine de grâce, elle se rend compte qu'elle s'est endurcie et que ses rêves sont seulement présents la nuit.

L'histoire de "Chez eux" raconte ces quelques années passées à l'abri de la guerre, chez une famille rude en apparence mais bonne dans le fond. La petite Anna grandit, va à l'école où la jeune et jolie institutrice, Cécile Tournon, la prend sous son aile.

Un roman qui rend hommage, très sobrement, à ces gens qui ont pris le parti d'aider les martyrs de la guerre, de sauver et préserver ces enfants loin de l'innommable. Où l'auteur a aussi voulu parler de l'enfance de sa mère -chose dont tous ces enfants ont été privés durant ces années terribles. Et de lui rendre hommage. Tout simplement.
"Elle disait que son histoire était presque anodine au regard d'autres histoires tellement plus tragiques. Elle disait que ce n'était pas la peine d'y revenir. Mais en fait ma mère avait peur. Elle avait peur."
Anna et les loups 10 étoiles

Une enfance à la ferme, sous le régime de Vichy et ses lois anti-juives. Anna, au fil de l’exil de sa famille fuyant une Pologne ployant sous le joug nazi, a été placée dans une ferme en zone dite "libre", tentant ainsi de lui sauver la vie en attendant un possible retour au sein de sa famille, ou ce qu’il en restera. Un merveilleux petit roman, écrit dans une langue que l’on prend le temps de savourer. À partir d’une histoire toute simple, un récit bâti à partir des souvenirs de sa mère, l’auteure a su nous enchanter, tant les choses ainsi décrites se prolongent dans notre propre mémoire. Un petit bijou…

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 9 juin 2020


POUR S'IDENTIFIER 7 étoiles

Durant l’Occupation, des personnes, des institutions se sont illustrées pour sauver des Juifs de la persécution et de la déportation. On les a appelés les « Justes ».
Le roman de Carole Zalberg « Chez eux » relate l’histoire de l’une des nombreuses petites filles juives qui furent ainsi sauvées. « Eux », c’est la famille Poulange, des fermiers de Haute-Loire un peu bourrus, taiseux, rudes … Le personnage principal est Anna Wajimsky, petite juive polonaise âgée de six ans en 1938.

On trouve dans ce récit court mais éloquent, dense un résumé des sentiments qui ont pu traverser la vie affective d’individus pris dans un semblable destin : la nécessité du secret, la dépossession de sa langue d’origine, de sa famille, l’omniprésence de la crainte d’être découvert, dénoncé. Et puis au bout l’impératif, issu de la survie: d’être à la hauteur, de construire un nouveau pays, Israël, de participer à son édification, d’avoir « une foi joyeuse » dans la vie. Cette femme, Anna, est la mère de Carole Zalberg. Un hommage magnifique porté par la sobriété du récit, par sa concision, l'exposition brute des sentiments, mais qui n’est jamais brutale …
Beau texte sur un sujet délicat, à découvrir …

TRIEB - BOULOGNE-BILLANCOURT - 73 ans - 19 juillet 2015


Merci ! 10 étoiles

Quel bonheur d’avoir trouvé ce livre finalement pour un prix correct sur le net !

Le livre contraste fortement le souvenir de chaleur, de sécurité et d’amour maternel dans une famille de rang élevée socialement et le présent actuel, dans une ferme en France, sans eau courante, avec le froid dans les jambes et la faim au ventre.

A sa façon brute et gauche, la paysanne qui accueille la petite Anna décrit en une phrase ses sentiments et ses ressentiments face à la situation française du maréchal. Loin des câlins maternels et de la douceur, la petite se sentira tout de même protégée et aimée. Sa maitresse voit en elle un symbole à sauver et lui apporte un soutien moral discret mais efficace.

Le style d’écriture est magnifiquement poétique.

Ce livre rend hommage à la France profonde, au début décrite par la crasse et la pauvreté, mais honnête et droite. La grandeur de l’Homme se mesure dans ces périodes troubles de l’Histoire. (Et aussi sa bassesse; comme le personnage étant responsable de "la question juive" à la mairie, tellement bien décrit et si puant)

Yotoga - - - ans - 28 octobre 2013


Une histoire anodine... 7 étoiles

Un roman qui se lit comme une balade en campagne. Tout y est simple et vrai, même si cela ne dure pas très longtemps. Une petite histoire dans la grande, racontée sans dramatisme, sans épanchement pour rester au plus proche d'un quotidien qu'il a fallu comprendre et accepter sans en connaitre la raison.
Le quotidien d'une petite fille qui a froid, qui découvre l'absence de caresses et une autre façon d'exister, de combler les manques. Qui se redécouvre sous d'autres regards.
Le quotidien de gens simples qui ont décidé de cacher quelques épis de blés à la faux de l'Histoire...
Les lignes de ce livre sont emplies de l'amour d'une fille pour sa mère, celle qui écrit, celle qui est écrite... Et tout cela résonne de beauté.

Bluewitch - Charleroi - 45 ans - 23 novembre 2004


Une enfant entre parenthèses 8 étoiles

Tous les Juifs d'Europe doivent avoir le sentiment d'être des miraculés. D'avoir échappé par miracle à "l'Histoire avec sa grande hache". D'où la volonté de dire cet émerveillement quotidien d'être là quand même, et de rendre hommage à ceux grâce à qui l'on est là.
Dans ce bref récit que l'on a peine à qualifier de "roman" (mais qu'est-ce qu'un roman?), Carole Zalberg rend hommage à sa mère, la petite fille intelligente aux lourds cheveux, aux regards vifs, à cette "Anna de Roanne" qui doit la vie au silence de ses condisciples lors de la visite de l'inspecteur aux affaires juives. Cette "enfant entre parenthèses", cette "enfant au destin en suspens" qui ressent au coeur "la blessure du bonheur perdu, sa vie d'avant".
Un récit simple qui sonne vrai, dans un style classique, clair, je dirais "mauriacien". Qui réussit, sobrement, à nous donner ce petit frisson des dernières lignes que recherchent les lecteurs. Ce petit frisson pour quoi nous lisons.

Lucien - - 69 ans - 13 juillet 2004