Les Hamsters de l'Agacement
de Francesco Pittau

critiqué par Débézed, le 23 octobre 2016
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Tête-Dure a la dent dure
Francesco Pittau, c’est un peu « Tête-Dure » le héros éponyme de ce roman que j’ai tellement aimé, un gamin taciturne, rêveur, imaginatif et débrouillard qui est devenu un adulte poète amer et acide qui supporte mal la stupidité, la bêtise et même la connerie de ses congénères. Il a peut-être la tête toujours aussi dure mais ce que ce recueil révèle c’est surtout qu’il a la dent dure envers ses collègues manieurs de plume qu’il maltraite volontiers, dénonçant tous ces « écriveurs » sans talent qui déversent leur mot sur le papier en espérant envahir les rayonnages des librairies.

« Il y a beaucoup trop de poètes géniaux et pas assez de boulangers capables de faire une bonne brioche aux raisins. »

Il n’a aucune pitié pour ces sans talent ambitieux, il les classe avec ceux qu’il affectionne particulièrement : les cons, les cons qui occupent une place de choix dans son recueil.

« Il y en a qui ont des têtes de cons, puis il y en a qui ont des têtes d’écrivains… et c’est souvent les mêmes. »

« Les cons disent qu’on est toujours le con de quelqu’un, en espérant ainsi échapper au diagnostic. Bien sûr qu’un moment d’inattention peut toucher n’importe qui, mais y en a pour qui c’est l’abonnement 24 heures sur 24. »

Il a une idée bien précise pour traiter ces dévoreurs de papier :

« Un coup de pied au cul, une baffe dans la tronche, une torsion des oreilles, un arrachement du nez, un genou dans les couilles… et tout ça pour son bien ! »

Si Pittau décoche des flèches empoisonnées à tous les cons qu’ils écrivent ou non, lui, il ne risque pas la vindicte de ses collègues de plume, lui, il écrit des aphorismes comme Verlaine écrivait des vers, c’est un poète, un vrai :

« La nuit collait au visage comme une seconde peau et les étoiles s‘incrustaient au fond des orbites, vives brûlantes, pareilles à des rêves inachevés. »

« Sur son pain de rêve, il déposa une cuillère de confiture de nuit avant de prendre une gorgée de matin de soleil inattendu. »

Il s’inscrit comme beaucoup d’auteurs réunis chez Cactus Inébranlables dans la droite ligne des surréalistes belges. Il manie avec adresse l’absurdité, le burlesque, l’ironie pour énoncer des vérités évidentes, la fatalité fatale, l’ironie désarmante, l’imbécilité imbécile, … :

« Il pissait comme vache qui pleut »

« Quand tu montes une descente et que tu descends une montée, il est bien possible que tu commences à comprendre le sens de l’existence. »

« Il faut bien admettre que la civilisation du Canada Dry et de la Tourtel est en train de remporter la manche. »

« Depuis qu’une loi reconnaît les animaux comme des êtres doués de sensibilité, on les zigouillera dorénavant à coups de boules de coco et on les égorgera à la fraise tagada. »

« Si l’ironie pouvait se contracter comme la grippe, le monde irait mieux. »

Un recueil copieux, désopilant, une leçon de bon sens mais aussi quelques moments de pure poésie qui confirment que « Tête-Dure » n’est pas une réussite isolée, l’auteur a un talent fou. Et pour vous en convaincre, je vous offre quelques vers pour la route.

« Le petit matin
Se pendait au rideau
Avec ses doigts dorés
Avant de pousser ses
Cris de soleil et d’azur
Comme une bouche de bébé. »