À ce stade de la nuit
de Maylis de Kerangal

critiqué par Marvic, le 28 octobre 2016
(Normandie - 66 ans)


La note:  étoiles
Divagations nocturnes
Elle vient de rentrer. Elle est seule dans sa cuisine, il est plus de minuit quand elle entend à la radio le mot de Lampedusa. Avant même de comprendre la dramatique information de la mort de plus de 300 personnes, ses pensées vont s'accrocher à ce nom d'île. Lui rappelant Burt Lancaster dans des scènes cultes, puis Le Guépard dont elle vient de voir la version restaurée.
Les scènes de film s'entremêlent avec les nouvelles qui tombent au fur et à mesure que la nuit avance ; des souvenirs de voyage, de paysages siciliens rejoignent des images de noyades, des informations au flou indécent jusqu'à la vérité sur l'ampleur du drame.
Si l'écriture de Me de Kerangal est toujours aussi travaillée, je n'ai personnellement pas réussi à m'intéresser à ces 74 pages entre roman et essai, à ces pensées vagabondes sur fond de drame humain.
Court opuscule 6 étoiles

Opuscule, oui. On ne peut qualifier ces 74 pages de roman. Encore moins de nouvelle. Non, ce sont plutôt les états d’une femme sensible, écrivaine … j’ai nommé Maylis de Kerangal, qui rentra chez elle la nuit, s’est assise à la table de la cuisine et est frappée de plein fouet par un élément d’information donné à la radio ; le drame de Lampedusa et du naufrage d’un bateau de migrants avec ces … - trois cents, plus ? – victimes. Maylis de Kerangal semble placée en état de sidération et son esprit bat la campagne, le nom de l’île de Lampedusa venant percuter de plein fouet la figure de Burt Lancaster.
!! Et pourquoi me direz-vous ? Parce que Burt Lancaster interpréta « Le guépard » de Luchino Visconti.
!! Et ? Et « Le guépard » n’est qu’un film, adaptation d’une œuvre de … Giuseppe Tomasi di Lampedusa ! CQFD !
L’esprit de Maylis de Kerangal dérive donc dans les eaux du souvenir. Filmographiques ; « Le guépard », « The swimmer » dans lequel joue encore Burt Lancaster. Et puis des souvenirs plus intimes, concernant Stromboli, lié à un trauma affectif apparemment. Et le Lampedusa actuel donc, cette coquille de noix qui sombre, ces corps qui appellent à l’aide, se débattent, et sombrent …
Drôle de nuit passée à la table de la cuisine. Cette nuit, elle nous la raconte, ou pas, au cours de brefs chapitres tous introduits par « A ce stade de la nuit », jusqu’au bout de la nuit …

« à ce stade de la nuit, le jour perce à la fenêtre et décolore le ciel dans la rue, la cuisine s’éclaire. J’ai su que Lampedusa était le nom d’une île il y a une vingtaine d’années, lors des premières arrivées de migrants dans son port et des premiers naufrages dans la zone. A l’époque, ce nom était pour moi celui de Burt Lancaster, celui d’un prince, celui d’un monde qui sombre, celui d’un écrivain, celui du mois d’Août, celui d’un enfant.
…/…
mais ce matin, matin du 3 Octobre 2013, il s’est retourné comme un gant, Lampedusa concentrant en lui seul la honte et la révolte, le chagrin, désignant désormais un état du monde, un tout autre récit. »
Un peu décousu. Témoignage plus qu’autre chose. Qui pose une date pour ce qui est de Lampedusa.

Tistou - - 68 ans - 11 janvier 2018