Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson

Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Dirlandaise, le 8 novembre 2016 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 11 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 063ème position).
Visites : 7 322 

Merveilleux livre !

En 2014, Sylvain Tesson fait une chute de huit mètres qui le laisse entre la vie et la mort, les os brisés et le privant de cette santé physique remarquable qui lui avait permis de parcourir le monde à pied, de franchir les frontières et avaler les kilomètres sans jamais renoncer. Hélas, ce malencontreux accident le laisse diminué physiquement. Il souffre désormais d’une paralysie faciale n’entend plus d’une oreille. Son dos le fait souffrir mais la marche reprend ses droits et, en 2015, l’écrivain décide de traverser la France à pied afin de conjurer le mauvais sort et oublier les vieux chagrins. Il reprend donc la route et privilégie les chemins noirs, ces sentiers presque oubliés tracés par des voyageurs au fil des temps anciens. Traverser la France mais éviter autant que possible la société moderne, se replonger dans la vraie nature sauvage, les forêts denses habitées de bêtes mystérieuses, de cris nocturnes angoissants, de matins glorieux et d’une radieuse beauté. L’écrivain se met donc en route seul mais quelques amis l’accompagneront sur de courtes distances brisant ainsi sa solitude première.

Livre remarquable d’une richesse exceptionnelle dont la lecture me fut une grande joie. Les beaux passages poétiques alternent avec des analyses intéressantes sur l’évolution irrémédiable remodelant la campagne française et modifiant la vie de ses habitants. On sent bien la tristesse de l’écrivain devant la fin d’un style de vie ancestral au profit d’une mondialisation envahissante et souvent destructrice. Les descriptions de paysages sont à couper le souffle et les réflexions du marcheur dénotent une sensibilité à fleur de peau. La faune et la flore, les montagnes et les rivières, les terrains rocailleux et les plaines sont autant de sujets d’émerveillement et les rencontres avec les paysans sont savoureuses même si certains rechignent à engager une longue conversation et se contentent de quelques brèves réponses.

Je referme ce livre avec regret car le voyage fut pour moi trop court. J’aurais bien accompagné Sylvain Tesson pour un bout de chemin en espérant que ce soit le thème de son prochain livre. Cet auteur merveilleux et unique dont l’érudition et la touchante vision du monde n’ont de cesse de m’éblouir distille du bonheur à chaque page. Ne pas passer à côté d’un tel livre, tel est mon ultime conseil.


« Jusqu’à l’automne, les forêts étaient des masses indistinctes où l’œil aurait été en peine de distinguer un arbre de son voisin. Soudain, l’automne arrivait, allumait ses flammèches. Tel arbre au cycle plus court s’embrasait. Ici ou là dans le couvert, des touches de feu s’individualisaient. Un arbre devenait un être distinct. Puis il s’éteignait pour l’hiver. »

« Les chevaux dans les champs accouraient à mon passage, signe qu’ils ne voyaient pas grand monde, et venaient rafler un instant amical à leurs heures solitaires. Les vallons étaient humides et chauds : les sexes du relief. Des crapauds veillaient dans les replis. Le vent se levait, froissait la forêt. »

« Les forêts se doraient, que le sorbier ponctuait de rouge. Les pommiers croulaient sous les fruits. Leurs contours japonisaient la rousseur des orées. Le vent arrachait des paillettes aux arbres des fossés. Elles tombaient en copeaux, motifs de Klimt. »

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Retour à la vie

8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 9 janvier 2023

Difficile le retour à la vie après la chute d’un toit en 2014 qui le laisse en très mauvais état.

»J’étais tombé du rebord de la nuit, m’étais écrasé sur la Terre. Il avait suffi de huit mètres pour me briser les côtes, les vertèbres, le crâne …/…
Quatre mois plus tard j’étais dehors, bancal, le corps en peine, avec le sang d’un autre dans les veines, le crâne enfoncé, le ventre paralysé, les poumons cicatrisés, la colonne cloutée de vis et le visage difforme. La vie allait moins swinguer. »


La vie allait moins swinguer, mais pour autant Sylvain Tesson ne jette pas l’éponge et va assumer une promesse qu’il s’était faite pendant les mois de douleur, cloué au lit ; « Si je m’en sors, je traverse la France à pied. »

La relation de ceci va être Les chemins noirs. Les « chemins noirs », ce sont les chemins de traverse, ceux qui n’ont pas été transformés en routes, autoroutes, les chemins peu ou plus parcourus, ceux qui viennent de l’Histoire. Alors Sylvain Tesson va nous décrire tout ça ; le cheminement, ses douleurs, les paysages, … Et puis il va philosopher en bon écrivain-marcheur qu’il est, philosopher ou socialiser. Bref il va réfléchir intelligent. Et nous faire part de ses réflexions qui sont semées au fil des chapitres, telle celle-là :
A propos de la ruralité.
»Dans les années 1960, les commissaires européens avaient décrété que l’agriculture était une industrie comme une autre, qu’élever des vaches ou produire des semelles de caoutchouc répondait aux mêmes lois. La politique agricole commune avait incité les exploitants à intensifier la production. Ecoutant les mauvais génies, les paysans s’étaient endettés, ils avaient agrandi leur surface, avaient acheté des machines et des semences trafiquées. Les rendements avaient décollé, le prix du steak baissé ; c’était chimique, c’était glorieux et Giscard tenait sa France prête pour l’avenir. Cette agriculture avait accouché d’un paysage aussi artificiel qu’une place pavée. Les haies, les bosquets, les friches, les marais et les talus avaient laissé la place aux grandes steppes rentables piquetées de hangars à tracteurs. Soudain, la prospérité était retombée. La mondialisation avait ouvert son marché frankensteinien. Les porte-conteneurs acheminaient les produits du monde à bas prix. Bruxelles avait été moins prodigue. Les paysans avaient connu la fin des jours fastes. Ils étaient redevenus les ploucs. Et la ruralité se maintenait comme une vieillarde malade, couchée sur le lit de la France. »

Marcher active indéniablement la réflexion. Merci à Sylvain Tesson de nous en faire profiter …

le grand chemin

10 étoiles

Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 76 ans) - 12 février 2022

Gueule cassée, corps en miettes à la suite d’une bête chute de toiture, alourdi de quelques litres de vodka, Sylvain Tesson, l’indécrottable voyageur au long cours, s’en va faire son tour de France hors des sentiers battus. Partir à pied du Mercantour pour arriver dans le Cotentin en seulement deux mois et demi, telle est la gageure qu’il s’est fixée pour accompagner son changement de vie et d’habitudes. Plus une goutte d’alcool, lui a ordonné la faculté, un pari qui sera tenu au prix de nuits sans sommeil et de visites de bistrots à la recherche d’un Viandox en succédané de la chère bibine. L’auteur nous montre une autre France, loin des centres commerciaux et des grandes exploitations céréalières, la France dite de l’extrême-ruralité, héritière d’un bocage aujourd’hui disparu mais dont on trouve encore la marque dans le paysage. Il sait nous enchanter avec cette langue savoureuse, enrichie de notations poétiques, qu’il manie en maître pour décrire l’effort, voire la souffrance, et la beauté des paysages. Débarrassée des aphorismes et citations de maîtres à penser qui encombraient "Dans les forêts de Sibérie", la prose de Sylvain Tesson retrouve sa spontanéité et sa fraîcheur. Espérons qu’il continue sur ce chemin…

Pas bon

4 étoiles

Critique de Yeaker (Blace (69), Inscrit le 10 mars 2010, 51 ans) - 14 août 2020

Je préfère le Tesson orateur que le Tesson écrivain, néanmoins j'avais hâte de lire ce livre de la résurrection après sa chute. J'ai aimé son humilité dans la difficulté de faire des choses qui lui étaient faciles avant. Pour le reste il ne dit pas grand chose, ni sur ses sentiments, ni sur le voyage en lui même.
C'est un livre creux sans intérêt.

Retour sur soi

8 étoiles

Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 47 ans) - 12 août 2020

Alors qu'il subit une chute qui manque le réduire à l'immobilité pour la fin de sa vie, Sylvain Tesson réalise soudainement sur son lit d'hôpital, comme un électrochoc, plusieurs choses. La première, est qu'il est un être mortel, que la chance qui l'a porté jusqu'alors est parfois capricieuse et que cette année justement, elle semble l'abandonner. La seconde, qu'il doit absolument s'amender et apprendre à connaître ce pays, la France qu'il ignore largement.
Fils bien né d'un journaliste qui bénéficie d'une certaine notoriété, lui-même auteur à succès, entouré d'amis proches et faisant ce qui lui plaît, Tesson se sentait sûrement invincible, il l'explique d'ailleurs dans ce récit d'un voyage à pied qui a pour vertu de faire naître les réflexions dans un exercice que l'auteur avait l'habitude de pratiquer, la marche: celle qui libère les énergies physiques mais surtout, qui aide à accoucher d'une auto-critique salvatrice.
Conçue d'abord comme un exercice de réhabilitation physique, cette grande traversée de la France par ses "chemins noirs" du Sud-Est au Cotentin va permettre à Sylvain Tesson de remettre les pieds sur terre en lui permettant d'une part de s'ancrer dans la terre de ce pays qu'il a coutume de fuir pour courir le monde, d'autre part en lui faisant changer l'image que ce grand adolescent avait sur lui.
J'ai aimé cet exercice d'introspection, tout autant que les réflexions que Sylvain émet sur l'état de la France, qui, bien qu'enlaidie par le progrès à marche forcée garde nichée en son coeur la force d'une terre travaillée par les siècles par un peuple qui a seulement besoin de se secouer pour redevenir ce qu'il est au fond de lui.

La transversale du marcheur

10 étoiles

Critique de Kostog (, Inscrit le 31 juillet 2018, 52 ans) - 2 juin 2020

J'ai longtemps lu l'auteur de l'Axe du Loup pour le dépaysement de ses récits de voyage, le courage, la légère folie et le cynisme un peu mélancolique de cet aventurier dont les défis personnels étaient aussi éloignés des exploits chronométrés des sportifs que de la médiocrité quotidienne.

Cette sympathie naturelle pour les enfants terribles et leur besoin de vivre à bâtons rompus repoussait toujours la question de la valeur proprement littéraire de ses récits. Jusqu'au jour où la lecture d'Une vie à coucher dehors me convainquit que le voyageur maîtrisait les ressorts de l'écriture, qu'un style était bien présent. La fiction avait pris le pas sur la narration des péripéties de l'auteur et la mélodie des mots s'était imposée.

Avec ses chemins noirs, Sylvain Tesson est définitivement entré dans ce que l'on appelle la maturité d'un auteur. L'exploit et l'anecdotique ont disparu, le fond, il est solide, est resté. Les ornières ravalées par les événements dramatiques de la vie révèlent des pépites.

L'ouvrage plaira à tous ceux qui réfléchissent en marchant. Nostalgique parfois, mais plein de vitalité, il offre un contrepoint au rebelle, au marcheur des forêts de Jünger. La force de combattre l'adversité y est présente, la capacité d'admirer aussi. Une lecture hautement recommandable.

Marcher pour revivre

8 étoiles

Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans) - 24 avril 2020

Après une vie aventureuse passée à courir le monde des sommets de l’Himalaya aux steppes de la Sibérie en passant par les déserts et les rizières de l’Asie, Sylvain Tesson a fini par se retrouver à un tournant de sa vie. Ayant abusé des boissons plus ou moins fortes, il entreprit d’escalader la façade du chalet d’un ami et fit une chute qui lui occasionna de multiples fractures ainsi qu’une paralysie de la moitié du visage. Après un long temps de coma et des mois d’hospitalisation, il décida d’une manière originale de rééducation : la traversée de la France du sud-est au nord-ouest c’est-à-dire du col de Tende à la frontière italienne à la pointe de La Hague, extrémité du Cotentin. Une randonnée pédestre de plus de deux mois entre le 24 août et le 8 novembre 2015.
« Sur les chemins noirs » est un récit de voyage doublé de réflexions philosophiques, politiques ou artistiques diverses et variées. Se voulant à la pointe du progrès et de la nouveauté, Tesson se découvre une aversion pour le goudron (il s’efforce de ne suivre que les chemins « noirs », les tracés fins des cartes IGN au 25 000e, sentiers, sentes, allées, drailles impraticables pour les engins motorisés), pour la manie du déplacement à tout prix, pour le tourisme de masse alternant ski l’hiver et plage l’été, pour les centres commerciaux, les ronds-points, les autoroutes, les téléphones portables autant de symboles d’un modernisme et d’un mondialisme envahissants. Il plaint cette France du désert rural, ces paysans qui se suicident de se retrouver sans avenir et sans espoir. Une réflexion de parfait réactionnaire… Ce livre charmant se dévore comme un roman. Il est court mais dense ne serait-ce que par toutes les allusions littéraires ou picturales. Qu’on y cherche pas un guide de randonnée ou un journal de bord. Tesson suit trop les voies de traverse, les sentiers de fantaisie. Il dort à la belle étoile tout en fréquentant les petits hôtels chaque fois que c’est possible. Il marche parfois en solitaire, mais est souvent escorté d’amis (Cédric Gras, Humann et autres) ou de Daphné, sa propre sœur sur certains tronçons. Au rythme lent de ses pas, l’ex-explorateur des horizons lointains découvre que l’aventure peut aussi se nicher dans un humble sentier de grande randonnée bien franchouillard !

Parcours découverte ou de rééducation ?

6 étoiles

Critique de Mimi62 (Plaisance-du-Touch (31), Inscrit le 20 décembre 2013, 71 ans) - 15 juin 2019

Livre de 2016, ouvrage récent donc, écrit par une personne de l'époque actuelle et cela influe peut-être sur l'approche que l'auteur fait de ce parcours.
Dès les premières pages, on est informé de l'état d'esprit de l'auteur.
P20B (B pour bas) : "J'allais devoir me débarrasser de cette habitude de citadin de vouloir lier conversation."
Livre qui devrait nous emmener au long de cette longue marche or c'est une succession de cheminements, d'arrêts, de digressions plus ou moins pertinentes avec le parcours. et préjudiciables à la fluidité de la lecture.
L'auteur semble moins soucieux d'emmener le lecteur en sa compagnie que d'exprimer ses états d'âme. Il semble renoncer à nous faire partager une expérience.
Peut-être faut-il tenir compte du fait que c'est un auteur contemporain et que sa façon de percevoir, de communiquer correspond à la façon de concevoir ce type de récit ainsi que de sa situation personnelle. C'est une chemin de rééducation qu'il nous narre plus que le récit d'un parcours de découverte mûrement organisé.

Je ne le considère pas comme un mauvais livre mais comme un livre qui a un peu raté son objectif ou tout au moins celui avec lequel il est présenté. Ce n'est pas une invitation à communier mais l'étalage d'un certain mal être. J'ai plutôt eu l'impression de quelqu'un qui prenait la route plutôt que de quelqu'un parti pour découvrir quelque chose : Fuir plutôt qu'aller de l'avant

Une dernière chose : "Les chemins noirs". Nulle part il n'est expliqué de quoi il s'agit. J'en suis à l'hypothèse qu'il s'agit des traits sur les cartes, représentant les chemins parcourus ainsi que ceux plus intérieurs des tourments de l'auteur. Ce type de devinettes m'agace. J'aime les choses claires. Si la volonté est d'amener une réflexion, alors on expose clairement ses interrogations, ses arguments. Même un polar n'est pas aussi ambigu que cela.

Je suis resté sur ma faim et ce livre, plutôt court, m'a paru plus long qu'il ne l'est.

A travers la France qui disparait

7 étoiles

Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 11 mars 2018

Après son accident, Sylvain Tesson a choisi de faire sa propre rééducation, en traversant la France à pied, du Mercantour au Cotentin, en empruntant au maximum les chemins cachés, épargnés par l’urbanisme et les politiques territoriales.
Il nous invite à partager ses réflexions (plutôt amères) et impressions (plutôt poétiques et admiratives) face à ces paysages et leurs habitants. Ce n’est pas très dense, vite lu, mais un vrai souffle vous donne envie, vous aussi, de prendre votre sac à dos et tenter de vous évader vous aussi dans la marche et la campagne. Dommage qu’il n’ait pas pris le temps d’écrire plus longuement.

Même pas mal !

10 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 11 novembre 2017

Sylvain Tesson (1972- ) est un écrivain voyageur français.
Géographe de formation, il effectue en 1991 sa première expédition en Islande, suivie en 1993 d'un tour du monde en bicyclette avec Alexandre Poussin. Il traverse également les steppes d'Asie centrale à cheval avec l'exploratrice Priscilla Telmon.
En 2012, accompagné de 4 compagnons russes et français, il refait le chemin de la déroute de Napoléon.

En 2014 l’écrivain fait une chute de huit mètres. Il s’en sort, mais dans quel état ! Cassé, en mille morceaux et atteint d’une paralysie faciale.
Sur son lit d’hôpital, il s’est fait une promesse : "si je m’en sors, je traverse la France à pied".

"Sur les chemins noirs" parait en 2016. Une référence aux petits traits que l’on distingue à peine sur les cartes de l'IGN.
Comme il se l'était promis, Sylvain Tesson décide de traverser la France en diagonale, de la Provence au Cotentin, en ne suivant que ces petits chemins hors du monde.

"Les chemins noirs. Ils se déployaient parfois hors des cadres de géographie et foraient leurs galeries en nous. Il est difficile de faire de soi-même un monastère mais une fois soulevée la trappe de la crypte intérieure, le séjour était fort vivable."
Un court récit à l'image de l'écrivain voyageur; ironique, cynique, drôle et réfléchi.
Une nouvelle "expérience de repli" comme ont pu l'être les 6 mois passés dans une cabane près de lac Baïkal ("Dans les forêts de Sibérie")

J'ai pris un immense plaisir à lire (dévorer... ) cette sucrerie tessonnesque. Une chose est sûre: cette terrible chute n'a nullement entamé l'immense talent d'écriture et d'analyse de ce magicien des mots.
Ruez-vous sur les chemins noirs de France et hors des sentiers battus d'une société à la dérive !

Les chemins de traverse

10 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 30 octobre 2017

Sylvain Tesson après une chute de toit, passe un an à l'hôpital, opérations, séances de rééducation ; il décide de traverser la France en utilisant le plus possible ses chemins noirs, anciens chemins de bergers, de troupeaux, de villageois ; chemins abandonnés, délaissés, envahis par les ronces ou l'urbanisme.
"La praticabilité de cet itinéraire n'est pas garantie. On devrait annoncer cela à tous les nouveaux-nés au matin de leur vie !"
L'occasion de traverser des terres désertées, des vestiges rappelant que ce fut autrefois des terres de vie, ruines de monuments, de maisons, trace de voies, de terrasses agricoles envahies ; l'occasion d'apprécier la beauté d'un ciel, d'un coucher ou d'un lever de soleil, l'incroyable force d'un relief, le pouvoir d'un arbre, l'intelligence des animaux, la force des hommes qui ont façonné depuis des millénaires des paysages avec intelligence jusqu'aux dernières décennies ; l'occasion de croiser "d'autres gens" ; de réfléchir au sens de la vie, à la vacuité des grands voyages.
" -mon vieux, la ruralité que tu rabâches est un principe de vie fondé sur l'immobilité. On est rural parce que l'on reste fixe dans une unité de lieu d'où l'on accueille le monde. On ne bouge pas de son domaine. Le cadre de vie se parcourt à pied, s'embrasse de l’œil. On se nourrit de ce qui pousse dans son rayon d'action. On ne sait rien du cinéma coréen, on se contrefout des primaires américaines mais on comprend pourquoi les champignons poussent au pied de cette souche. D'une connaissance parcellaire on accède à l'universel.
- l'univers, c'est le local moins les murs, dis-je. Tu connaissais cette phrase de Miguel Torga ?"

Avec des phrases magnifiques comme "Le Cotentin était le bras que tendait la France sous le ciel pour s'apercevoir qu'il pleuvait.", Sylvain Tesson nous fait partager ses douleurs, ses émerveillements dans un récit superbe.

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