Le Canard Enchaîné, 100 ans : Un siècle d'artistes et de dessins
de Collectif

critiqué par AmauryWatremez, le 17 novembre 2016
(Evreux - 55 ans)


La note:  étoiles
Cent ans de Palmipède
Le « Canard Enchaîné » a cent et un ans. Son centenaire est fêté en 2016 car c'est la seconde version du « Canard » qui dure depuis 1916 qui est encore celle vivante de nos jours. Il est fondé par Maurice Maréchal pendant la Première Guerre Mondiale en septembre 1915 afin de contrecarrer la propagande belliciste dans le reste de la presse auto-muselée par les services de l'Armée française. Ce premier Canard attaquait Barrès et les nationalistes, Millerand et les « va-t-en guerre ». Cette première version vécut deux mois le journal reparaissant un peu adouci en juillet 1916. Sa parution s'interrompt ensuite quatre ans durant l'Occupation à la différence d'autres journaux tel « l'Humanité ». Le « Canard » se fait toujours remarquer par son ton acerbe envers le régime bourgeois et son insolence piquante, son irrespect sans remords des grands personnages.



Ce n'est plus en 2016 un journal anarchiste depuis bien longtemps. Comme tout le monde « le Canard » vieillit, murit et parfois radote comme toutes les personnes âgées. Il a perdu de son mordant depuis longtemps déjà.. Le palmipède est, cela a commencé il y a plusieurs décennies déjà le fleuron de la liberté de la presse comme il faut, qui pense comme il convient. Il est rentré dans le rang en vivant sur sa légende, un peu comme l'oncle de famille qui porte une queue de cheval sur sa calvitie bien avancée pour laisser croire qu'il est encore rebelle.



On y conspue Trump, les cibles habituelles de la « bonne pensée » et la droite de la même manière que partout ailleurs dans les feuilles de chou des bourgeois pédagogues. De temps en temps on tape bien un peu sur la gauche sociétale ou non pour montrer que l'on a le sens de la dérision et que l'on est équitable dans la raillerie, on appelle Hollande « pépère » mais cela ne trompe pas grand-monde. Si on engueule la gauche c'est surtout pour lui reprocher de ne pas l'être encore assez ce qui l'on me rétorquera est certes plutôt légitime. Il n'y a pourtant guère que l'épaisseur d'un papier à cigarette entre la droite dite républicaine et la gauche dite de gouvernement.



L'irrévérence n'est plus là. L'irrévérence n'est plus vraiment à gauche, encore moins à droite. On a du mal à la trouver ailleurs il faut dire. Même dans les feuilles se voulant « politiquement incorrectes » ou juste plus courageuses, pluralistes, l'on respecte autant les « grands » personnages ou leur progéniture. L'on ne veut plus trop blesser les lecteurs. On ne veut surtout pas trop les déranger dans leurs certitudes ou le ronron habituel des lieux communs. On demeure dans un point de vue s'affirmant journalistique et employant donc la même méthodologie biaisée de réflexion que les autres, en arrivant forcément aux mêmes conclusions sur divers sujets que tout le monde.



Et finalement un point de vue surtout affectif et bien mièvre prime sur tout le reste. L'émotion devrait donc empêcher tout raisonnement sain, lucide ou clairvoyant.



Certes, « le Canard » est toujours lu par presque tout le monde en nos temps bien trop révérencieux surtout pour sa deuxième page où l'on trouve encore toutes les indiscrétions des parlementaires et des ministres. C'est devenu pour eux une façon de faire passer l'info en dehors des sources officielles afin de contrecarrer de temps à autres les ambitions de l'un ou de l'autre, de contrer les ambitions de l'un ou l'autre, ses projets, ses désirs. C'est devenu un moyen de transmission de la gauche à la droite, de Mélenchon à le Pen.



Où se cache l'irrévérence que l'on ne trouve plus dans cette presse traditionnelle ? Il semblerait qu'elle soit dans les blogs et sites politiques si l'on en croit les réactions de la plupart des politiques, de Taubira à Juppé sur leur désir de contrôler ce qui est dit sur le réseau sous prétexte de faire la chasse aux racistes et aux fascistes.
Affaires et calembours pour le meilleur 9 étoiles

Depuis cent ans désormais, le célèbre périodique volatif débusque les affaires, intrigues, coups fourrés, afin de rester fidèle à son principe originel, qui consiste à lutter contre le bourrage de crâne, alors qu'il a vu le jour pendant la Première guerre mondiale. Tous les gouvernants l'ont ainsi considéré avec inquiétude, voire courroux.
Par ses investigations, il vivifie la démocratie et combat la langue de bois. Par son humour, il donne des vitamines à une vie politique terne ou manquant souvent de hauteur. Cette longévité montre à elle seule qu'il est en grande part salutaire.

Cet ouvrage-somme dresse la chronologie des chroniques du journal, découpée en grandes périodes, et contient un cahier à marges jaunes retraçant sa propre histoire.
Celle de la France est ainsi revisitée, non sans ironie et distance, et cela tombe plutôt bien !

Veneziano - Paris - 46 ans - 31 décembre 2016