Chamboula
de Paul Fournel

critiqué par Tistou, le 17 janvier 2017
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Chamboulé, je suis
Sous couvert d’un roman -conte africain, Paul Fournel nous refait l’histoire lamentable des relations Occident (et France particulièrement)/Afrique noire. Il n’a pas l’air d’y toucher le gars Fournel mais pour toucher, il touche. Et juste.
Les codes usuels du roman sont complètement explosés dans la mesure où une histoire commencée « normale », linéaire, se démultiplie à l’infini. Courts chapitres après courts chapitres, il peut faire jouer à un même personnage et pour une même situation plusieurs issues possibles. Par exemple, un des personnages principaux, Boulot, parti en France pour tenter d’échapper à la misère, peut dans un chapitre se retrouver « sapeur » à Paris, et dans le chapitre d’après atterrir congelé de son voyage dans le logement du train d’atterrissage de l’avion qui l’a amené en fraude d’Afrique. Et puis un peu plus loin, il va se retrouver étudiant à Sciences Po …
Des ramifications se créent ainsi, qui multiplient les possibles, mais qui toutes amèneront à des dénouements aussi prévisibles que gris. Ou noirs même.
Ca a du coup un aspect de roman choral, avec un chœur qui hésiterait à raconter la même histoire. Grosse impression de foisonnement, mais qui conserve une cohérence d’ensemble. Un peu l’art d’écrire 36 romans en un seul. Ca perturbe un moment, lorsque le premier chapitre qui fait doublon avec un précédent – doublon mais avec des variations importantes – apparait. Le lecteur est alors indéniablement déstabilisé, jusqu’à ce qu’il comprenne …
Soit un village d’Afrique Noire ; « le Village Fondamental », avec Chef, cases, fauves qui viennent rôder au soir, soit un occidental (SAV) flairant les bonnes affaires avec ce qui se trouve dans le sous-sol (gemmes, pétrole, …) et qui vient amener une destructrice modernité, avec la corruption qui va avec, la déstructuration du mode de vie originel. Soit Boulot, un jeune africain du Village, aux capacités intellectuelles au-dessus de la norme, soit Kalou, celui sans scrupules qui vendra sa violence au plus offrant, et puis tous les autres. Tous, Paul Fournel les fait pirouetter devant nous pour nous exposer ce qui s’est passé entre France et Afrique. Il décortique le processus d’exploitation des Africains par les Occidentaux. Comment ceux-ci ont accaparé les richesses, comment ils ont créé les marionnettes fantoches qui les arrangent bien et qui font que … l’Afrique est mal partie !
Et Chamboula me direz-vous ? Chamboula est un personnage essentiel ; la femme triomphante et qui traverse les épreuves avec dignité. Y a-t-il une thèse particulière s’agissant de Chamboula ? Peut-être. Ou alors l’amour et l’admiration pour les femmes ?