Les larmes noires sur la terre de Sandrine Collette
Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Policiers et thrillers
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Les larmes noires sur la terre
Quel choc! L’expression souvent à tort et à travers prend ici tout son sens. Voilà en effet un roman dont on ne sort pas indemne. La noirceur, le désespoir et l’enchaînement des drames qui collent aux basques des femmes que l’on va suivre durant près d’une dizaine d’années ne pourra vous laisser de marbre. Sur son île, Moe croise Rodolphe. L’homme, qui a deux fois son âge, va lui faire miroiter les charmes de la métropole. Que n’a-t-elle pas écouté sa grand-mère qui lui disait de toujours réfléchir avant d’agir? « elle n’a pas réfléchi. Ou alors un peu, mais pas trop, pas si bête, elle savait bien que ça ne serait pas rose tous les jours. N’avait pas envie de se l’avouer avant même que l’histoire se noue, malgré le pincement au fond du ventre qui venait la titiller le soir, après, quand Rodolphe dormait et qu’elle le regardait, ses quarante ans, les rides au coin des yeux et les veinules parce qu’il buvait trop. » Loin des lumières de la Tour Eiffel, elle va découvrir un village où elle est tout sauf bienvenue. Méprisée, insultée, maltraitée, la «colorée» devient la «taipouet», objet des moqueries de Rodolphe et de ses amis de comptoir.
Six ans plus tard, sa joie de vivre a disparu. Elle est battue, victime de coups de plus en plus violents. Et songe à fuir cet enfer, surtout pour protéger Côme, ce fils qui vient de naître. Réjane, la fille d’une de ses vieilles clientes, va l’accueillir chez elle le temps de se retourner. Mais comment trouver un emploi avec un nouveau-né dans les bras? De petits boulots en expédients, elle va se retrouver dans la rue, essayer de trouver refuge aux urgences de l’hôpital, avant de finir dans une sorte de camp où sont regroupés tous les sans-abri, rebuts de la société, délinquants ou filles perdues. Des milliers de personnes qui n’ont pour seul abri que les véhicules destinés à la casse. D’où le nom de cette prison aux règles aussi strictes qu’inhumaines.
Moe et Côme doivent se contenter d’une vieille épave, mais fort heureusement, ses cinq voisines viennent l’aider: Marie-Thé, Nini, Jaja, Poule et Ada.
Construit en trois parties, le roman va désormais nous raconter comment survivre dans ce milieu hostile, comment ne pas se tuer à la tâche, comment ne pas mourir de désespoir en constatant la quasi impossibilité de quitter ce camp de concentration d’âmes perdues. Et, au fil des chapitres, revenir sur l’histoire des femmes qui côtoient Moe, condamnée « à ruminer sur ce qui l’a amenée ici, et les erreurs, et les folies, et les directions manquées».
Poule avait fini par installer sa roulotte dans le camp, après avoir parcouru des milliers de kilomètres avec son cheval et ses poules et avoir usé son corps jusqu’à ce qu’il cède. Doit-elle pour autant se résigner? Gagner l’argent demandé par les gardiens pour sortir du camp, 15000 euros, tient de la mission impossible. Mais Moe veut encore y croire et n’hésite pas à donner son corps pour gagner quelques billets de plus, puis de jouer la mule auprès des trafiquants de drogue. Ce faisant, elle ne se rend pas compte qu’elle s’enfonce dans une terrible spirale, «descendant jusqu’aux tréfonds de la terre, dévastée et saccagée»
Ada l’afghane, qui a surmonté l’invasion soviétique et fuira le régime taliban, n’aura guère plus de chance que ses compagnes d’infortune. Après un long calvaire vers l’exil, elle se retrouvera également prise au piège de La Casse. «Son existence entière s’est découpée en longues tranches, vingt ans en Afghanistan, dix ans à Clermont-Ferrand, cinq ans en prison, vingt-cinq ans dans la ville-Casse qu’elle connaît par cœur». Mais ses dons de guérisseuse lui donnent une sorte de statut particulier, d’immunité et une volonté de fer: « Mon histoire n’est pas terminée : un jour je quitterai cet endroit et j’irai vivre libre, au milieu des arbres, pour me consoler de toutes ces années de gris et d’enfermement.»
Marie-Thé, avec son passé d’esclave domestique, et Jaja qui a connu l’univers carcéral thaïlandais veulent aussi y croire. Même si leur espoir tient davantage du vœu pieux que d’un plan bien orchestré. Dès lors, l’issue fatale est davantage prévisible.
C’est dans une encre très noire que Sandrine Collette trempe sa plume. Du coup le lecteur doit, comme les femmes dont on suit l’histoire, avoir le cœur solidement accroché et qui sait, être un peu inconscient, pour imaginer une fin heureuse à ce roman. Il paraît que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir…
http://urlz.fr/4JhS
Les éditions
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Les larmes noires sur la terre [Texte imprimé], roman Sandrine Collette
de Collette, Sandrine
Denoël / Sueurs froides (Paris)
ISBN : 9782207135570 ; EUR 19,90 ; 02/02/2017 ; 336 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (7)
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Un roman sombre et peut-être une lueur au bout
Critique de Odile93 (Epinay sur Seine, Inscrite le 20 décembre 2004, 70 ans) - 23 octobre 2023
Parce que j'avais adoré lire Noeuds d'Acier et Il Reste la Poussière du même auteur, j'ai eu la bonne idée d'acheter LES LARMES NOIRES SUR LA TERRE.
La misère, la noirceur de la "Casse," l'existence cauchemardesque, la violence de la vie caractérisent ce livre très sombre.
Au fur et à mesure de la lecture, je me suis surprise à toujours vouloir aller plus loin, me demandant si Moe pouvait/allait s'en sortir.
L'auteur a entrecoupé le roman des destins des femmes qui cohabitent avec Moe. Une bonne idée pour "aérer " le roman.
La fin n'est pas convenue, elle est donc bien menée même si l'auteur nous malmène un peu en nous faisant penser que ...
Enfin, ce roman met le doigt sur le sort de gens mal nés pour qui la vie n'est pas un long fleuve tranquille.
Un roman sombre mais quel roman, je recommande!
Noir, très noir et si proche de la réalité
Critique de Faby de Caparica (, Inscrite le 30 décembre 2017, 63 ans) - 7 septembre 2019
Ed. Sueurs froides
Bonjour les lecteurs ...
Voici encore un excellent livre de Sandrine Collette.
Moe est une jeune fille un peu naïve qui s'imagine que le bonheur est loin de son ile.
Amoureuse, elle suit un homme, Rodolphe, à Paris. Mauvaise décision, mauvais choix ...Celui-ci se révèle être un vrai rustre, violent et alcoolique de surcroit.
Moe ne dit rien, subit. Ses seules distractions sont quelques sorties au bal du village.
Moe va se retrouver enceinte … pas de Rodolphe.
La vie qui n'était déjà pas simple se révèle un enfer et Moe n'a d'autre choix que celui de partir.
Après des jours d'errances avec son bébé, elle va se retrouver dans un centre pour marginaux.
Il s'agit d'un ancien casse de voitures où chaque laissé pour compte se voit attribuer une épave.
Pour Moe, ce sera une vieille Peugeot.
Très vite il va falloir se battre et s'endurcir pour essayer de survivre dans cette "ville des laissés pour compte".
Heureusement, Moe pourra compter sur ses compagnes d'infortune pour essayer de sauver sa peau et celle de son fils.
Comme tous les romans de Sandrine Collette, nous plongeons dans le noir, le désespoir.
Mais on y rencontre aussi la solidarité et l'entraide.
Voici un magnifique portrait de femmes
Ce livre est une claque… précipitez-vous pour le lire !!
Il s'agit d'un roman mais l'idée du casse de voitures comme camp de rétention n'est peut être pas si imaginaire que cela … nous n'en sommes pas loin !
Décidément Sandrine Collette a beaucoup de talent
trop ?
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 16 décembre 2018
Les pensionnaires reçoivent une fois par semaine un colis avec l'indispensable , juste de quoi ne pas mourir de faim, mais peuvent travailler aux champs pour un salaire à faire pâlir d'envie nos syndicats... 80 centimes de l'heure !
L'évasion est impossible mais les joyeux pensionnaires peuvent racheter leur liberté pour la somme de 15.000 euros. A quatre vingts centimes de l'heure j'invite les mathématiciens à faire le compte !
Sandrine Collette reste dans ses univers clos : une cave dans "les noeuds d'acier", un île dans "Juste après la vague" et ici une ville d'éclopés de la vie dans une ambiance à la "Mad Max".
Pour ma part j'ai eu plus de mal à entrer dans le texte. La noirceur a son intérêt mais quand elle devient trop répétitive elle devient un genre.
Dommage !
Vous qui entrez ici…
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 19 juillet 2018
Si loin de son île natale, elle se retrouve seule avec son bébé, complètement isolée.
Elle est alors envoyée dans un endroit terrifiant, un endroit d'où l’on ne sort pas, ( à moins de payer 1500 € , quand on est payé 82 centimes de l'heure !) ; un centre d'accueil qui porte le juste nom de "La Casse".
Désespérée, elle se voit attribuer une 306 grise comme logement pour elle et son bébé.
Mais dans son malheur, Moe a quand même, pour une fois, un peu de chance. Car elle va partager la même ruelle qu' Ada, l'afghane, Jaja la toxico, Poule et sa roulotte, Marie-thé l'orpheline haïtienne et Nini peau de chien, la risque-tout.
" ...et Moe les regarde, incrédule, ces existences-là, Dieu. Elle sourit toute seule en répétant en silence : J'ai de la chance."
Elle découvrira les destins dramatiques de chaque femme dont les expériences lui éviteront l’irrémédiable, l’abandon, la drogue...
L’auteure, fidèle à elle-même, a écrit un livre fort, dense, inoubliable.
Mais cette fois, il était beaucoup trop sombre pour moi, trop de désespoirs dans ce roman angoissant et pesant malgré quelques trop rares jolis moments.
Chute libre
Critique de Darkvador (Falck, Inscrit le 1 février 2012, 57 ans) - 12 juin 2018
C'est ce qu'aurait dû se dire Moe cette jeune fille des îles.
Une histoire vraiment dure dans un futur où la misère devient une ville où les voitures abandonnées des appartements.
Des femmes victimes de violences et qui se serrent les coudes. La misère exploitée.
Sans doute le roman le plus violent de Sandrine Collette
Et pourtant l'amitié, l'humanité et l'espoir dominent.
La dégringolade !
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 23 mars 2018
Le mépris d'un Rodolphe alcoolique, un enfant accidentel lors d'un bal de campagne, l'hébergement provisoire chez Réjane, la rue et un centre social un peu particulier.
Le "Haut barrage" , un bidonville constitué d'épaves de voitures recyclées en logements de fortune.
Un centre social clos, surveillé par des gardiens sans scrupules ou la loi du plus fort est la règle. Impossible d'en sortir sans acquitter un péage: quinze mille euros, une fortune....
Dans son malheur, Moe va être prise en charge, épaulée, par 5 femmes aux vies fracassées, aux destins difficiles, qui vont lui fabriquer une famille, la protéger elle et son bébé des prédateurs.
Dans un décor apocalyptique (une casse automobile), l'auteur brosse le portrait de 5 femmes (+ celle de Moe) aux vies accidentées. Des femmes ordinaires qui - à un moment de leur vie- ont basculé pour échouer au "Haut barrage".
La guerre en Afghanistan, la misère en Haiti, les attentats en France; autant de circonstances qui font basculer des vies et assombrissent des horizons.
Moe et son bébé -Côme- entre détresse et courts moments de bonheur, entre espoir et résignation.
On ne cesse de se demander si la chute va s'arrêter.
Un roman âpre, terriblement émouvant et dérangeant.
Le destin de femmes ordinaires qui pourrait -à la marge- devenir celui de n'importe qui.
Un peu moins poignant que "Il reste la poussière" mais un roman somme toute réussi.
La misère au quotidien
Critique de Killing79 (Chamalieres, Inscrit le 28 octobre 2010, 45 ans) - 5 mars 2018
Dans « Les larmes noires sur la terre », on suit la destinée de Moe, jeune fille des îles, à qui la vie ne va pas faire de cadeau. Après plusieurs évènements malheureux, elle va progressivement se retrouver en pleine désolation. L’auteur entraîne le lecteur dans le quotidien de cette laissée-pour-compte et de ses acolytes. Dans une casse automobile devenue le nouveau bidonville, une véritable société s’est mis en place. Vivant en marge du monde, tous les acteurs de cette communauté ont créé des lois inhérentes à leur mode de vie. Malgré une organisation différente, on s’aperçoit rapidement que les vices et les dérives de l’être humain sont les mêmes, quel que soit le lieu. Pour exister au milieu de cet univers, chaque individu va donc devoir intégrer un des clans et le défendre. Moe et les femmes qui l’accompagnent vont se serrer les coudes afin de survivre dans cet enfer et espérer des jours meilleurs.
Sandrine Collette nous offre une allégorie de la misère du monde. En imaginant la Casse, elle met en scène les oubliés de la société que l’on préfère mettre de côté, cloîtrés, parce qu’on n’en supporte pas la présence. C’est un véritable roman noir désespéré, sans concession, duquel se dégage une belle humanité. Il procure de vrais moments d’émotions exacerbés par la pauvreté. Etant un grand fan de ce genre de lecture, je comprends maintenant tout l’intérêt porté à Sandrine Collette. Même si la fin m’a un peu déçu par sa bienveillance, je redescendrai avec plaisir dans l’esprit tourmenté de cette auteure.
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