Mémoires sauvés du vent
de Richard Brautigan

critiqué par Yali, le 13 avril 2004
( - 60 ans)


La note:  étoiles
OLNI (œuvre littéraire non identifiée)
Il est des œuvres inclassables, des exceptions littéraires, d’exceptionnelles exceptions littéraires, tant par la thématique abordée que par le style employé, il en est, mais elles sont rares, mais elles se comptent sur les doigts d’une main : « Mémoires sauvés du vent » en fait partie.
On ne lit pas Richard Brautigan, on le rencontre, et de cette rencontre, on sort chamboulé, bouleversé, en vrac mais heureux d’avoir un moment côtoyé, partagé le génie d’un auteur qui au fil des pages mêle si étroitement narration et poésie qu’au bout du compte, la notion de genre littéraire s’en trouve définitivement toute merdeuse.
Et si cela ne suffisait pas à ouvrir votre appétit de lecture, je vous livre la quatrième de couverture :
« Je donnerais dix mille vies pour la vie de Richard Brautigan. J’essaie de vous dire ça en vous regardant en face. Vingt mille. Au fond, je ne m’écœure pas du tout. Il en tombe des centaines de milliers tous les jours. Est-ce qu’on pense à ses millions de lecteurs, à ces réservoirs de sang neuf qu’étaient Mémoires sauvés du vent ou la Vengeance de la pelouse… ? Quelqu’un essaierait-il de m’arracher des mains Tokyo Montana express… ? »
C’est signé Phillipe Djian.
Mémoires de l’enfant Richard, … 8 étoiles

Certes inclassable par son style, relativement lisible, tenant compte de son caractère court malgré un texte continu, lyrique et prenant, mais en déduire comme certains qu’il s’agit d’un chef d’œuvre, je ne franchirai pas ce pas.

On retrouve dans ce récit l’ambiance misérable, un peuple pauvre, des personnages qui se sentent perdus, guidés par un destin, voire des choix qui les conduisent plus souvent à une impasse et non à la réussite du mirage du rêve américain.

Ces thèmes ont les retrouvent dans les romans de John Steinbeck ou de Joe Fante.

Bien qu’il soit évident qu’on est dans un contexte très autobiographique, ce qui dénote, à aucun moment, on ne cite le nom du narrateur et personnage principal, jeune garçon qui déménage sans arrêt et présente au début du livre un évènement qu’on devine dramatique.

L’auteur nous mène après l’évocation de multiples rencontres avec d’autres enfants et des marginaux, vers l’épilogue de cette histoire atypique qui vous fera découvrir Brautigan, poète et romancier proche de la communauté d’artistes du San Francisco des années hippies.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 2 novembre 2020


Chef d’œuvre parce qu’imparfait 10 étoiles

Ce livre est un chef d’œuvre de la littérature, pour moi, selon mes critères : tendre, poétique, enlevé, élevé.
Il y a des passages moins réussis, mails ils ne font que mettre en évidence les lignes les plus achevées.
"Dans ce temps là, les gens se préparaient eux-même. Maintenant, nos rêves ne ressemblent plus guère qu'à n'importe quelle rue d'Amérique, bordée des deux côtés de restaurants à succursales."
Rien n’est fait pour faire beau, ou paraitre, non c’est le livre des odeurs et du vécu, qui a un début et une fin. Sous des phrases faussement simples, Brautigan nous plonge dans la peau de ce gamin de 12 ans dans l’Amérique rural de l'après guerre dont l'enfance innocente touche à son terme.
"Les jours de l'empire du Japon étaient comptés, tout comme l'étaient ceux de mon enfance, et chacun de mes pas me rapprochait de ce verger du 17 février 1948 où mon enfance allait s’effondrer à la manière d'une enfance, chacun à l'écoute du dernier souffle de l'autre."
Merci Monsieur Brautigan, vous avez gagné votre place chez les grands.

Yeaker - Blace (69) - 51 ans - 19 avril 2020


Un grand livre 8 étoiles

Ce récit, très court, relate l'histoire d'un garçon qui vit au milieu du XXè siècle. Il relate la fin de l'enfance de ce garçon, enfance qui se termine brutalement, à cause d'un terrible accident. La scène cruciale n'arrive qu'à la fin, mais dès le début du livre, l'auteur tourne autour, on sent cette fin arriver presque dès le début. Le tout est écrit dans un style très poétique, je ne saurai dire pourquoi, mais j'ai bien ressenti cette poésie. Le traducteur a dû faire un travail admirable pour que cela se ressente si bien dans la version française.
Un beau récit qui dépeint l'Amérique des années après guerre et la fin de l'enfance.

PA57 - - 41 ans - 5 mai 2012


un regard sur l'enfance désabusée 9 étoiles

Une bulle d'enfance aux saveurs douces amères, voilà ce que narre cette oeuvre intense. Un épisode tragique, un accident mortel qui est présent dans chacun des instants que nous présente le narrateur.
De son enfance, ce narrateur se souvient devant nous comme au fil de l'écriture, est marqué par une mort, la mort d'un ami secret dans une enfance solitaire.
Chacun des petits tableaux dépeints est un instant, avant comme après le drame qui retarde l'évocation de ce climax, l’enchâsse dans une succession, une ronde de souvenirs. Même dans les moments antérieurs, le drame est là. Le souvenir en est contaminé et le narrateur nous retient dans ce temps, comme afin de suspendre le cours des événements, le cours de cette balle à tête creuse qui aurait pu ne pas être, qui aurait pu être un hamburger.
Brautigan est un auteur impressionniste, le centre de son tableau est caché et tout à la fois révélé par les scènes dont il l'entoure, dans lesquelles il le noie. Par une écriture simple, faisant appel à la répétition des mêmes termes dans ses phrases (d'où un effet d'écho poétique), il nous ramène au temps de cette enfance, à cette époque de la fin de la deuxième guerre mondiale et de la période juste postérieure. Il nous dévoile aussi un tableau d'une certaine couche sociale de l'Amérique d'alors, celle qui survit grâce à l'aide sociale, qui mène une existence semi-nomade, pour laquelle la sécurité financière absente signifie une mobilité subie.
L'effet bulle enchâssée dans d'autres bulles de temps d'enfance font de ce texte assez court une évocation lancinante du temps douloureux de l'enfance, celle de Richard Brautigan.

Vda - - 49 ans - 5 avril 2006


C'est si bien que ça ? 8 étoiles

Ce livre est court et vite lu. Il raconte l'histoire d'un gamin solitaire et attachant dans l’Amérique profonde du milieu du siècle passé. L'auteur dépeint habilement des petits événements à priori insignifiants mais qui composent en fait l'enfance du narrateur. Certaines scènes sont un peu féeriques, comme la pêche du couple obèse au bord de l'étang et donnent beaucoup de charme au livre.

Un petit livre très vite lu, au style sobre dans le ton qui correspond à l'âge du narrateur au moment de l'histoire, c'est à dire la fin de l'enfance. C'est bien mais je dois dire que le livre refermé, lorsque je suis allé sur le site et que j'ai vu les autres critiques, j'ai été surpris. J'ai envie de le relire pour voir ce qui m'a échappé

Saule - Bruxelles - 59 ans - 7 décembre 2005


Ecriture décalée 8 étoiles

Je suis bien contente d’avoir persévéré dans ma découverte de cet auteur : j’avais détesté « Un privé à Babylone » et voilà que ce livre-ci me laisse une tout autre impression. L’écriture décalée de Brautigan nous fait rire en grinçant des dents grâce à des rapprochements incongrus, à des juxtapositions inhabituelles. Par exemple : « Je me demandai quel goût pouvaient avoir les œufs au bacon dans une maison de pompes funèbres. Je m’imaginai combien il serait difficile de manger de la crème glacée dans un endroit pareil. J’avais dans l’idée qu’elle n’y fondrait pas démesurément vite, même par une journée de grande chaleur. » Et ça n’arrête pas…

La poésie n’est pas totalement étrangère au livre non plus : l’absurde confère à certains passages une émotion toute particulière, un côté touchant qui fuit le larmoyant pour se réfugier du côté de la beauté ou de l’horreur dans ce qu’elles ont de plus simple.

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 20 juin 2005


Tout Brautigan 10 étoiles

J'ai lu tout Brautigan "Mémoires sauvés du vent", mais aussi "Un privé à Babylone" = génial ! "Le Monstre des Hawkline", "Willard et ses trophées de bowling", "La pêche à la truite en amérique"... "Sucre de pastèque..." + les études et biographies de Marc Chénetier... + tout ce que j'ai pu trouver, y compris son dossier de presse. Je n'en suis pas encore revenu !
Pour moi qui me sens orphelin de Brautigan, je sais qu'il est resté quelque part à Tokyo, au Colorado ou dans le Montana, en train de pêcher gentiment des poissons qu'il rejette ensuite dans la rivière, pour le plaisir.

Raphael - - 77 ans - 19 février 2005


Lisez-le! 10 étoiles


Je sors à l’instant de Mémoires sauvés du vent. Je dis « je sors » mais en même temps je sais que non, je n’en sortirai jamais vraiment. J’ai relu chaque page au moins deux fois excepté une dizaine, celles de 107 à 112 que je trouve énervantes en comparaison du reste, parce que tout ce reste est sublime et… non, ce n’est pas excessif !
Merci à Yali de m’avoir fait connaître. Ah ! Je vous entends, vous allez dire : si c’est Yali qui l’a branchée sur ce livre, Kilis ne pouvait être que positivement influencée. Ben non, je vous jure. Lisez-le.

Kilis - - 78 ans - 16 février 2005


Tragédie tranquille en Amérique profonde 8 étoiles

Dans ce récit bien construit, ménageant le suspense, éclairant (car la scène morbide est comme éclairée par tous les projecteurs des épisodes précédents), où Brautigan livre sans doute une clé de son existence et de son écriture, ne figurent que des tableaux d’enfances et de vieillesses figées, comme si l’auteur savait que ces deux âges lui seraient définitivement interdits à cause précisément du fait qu’il relate, comme s‘il savait aussi que tout ce qui meuble une existence n’est que le bagage emporté pour un aller simple menant d’une enfance pourvoyeuse de rêves à une vieillesse lourde en souvenirs.
Il inscrit ce fait tragique sous le signe de deux symboles américains, la détention légale d’armes (en 47, personne ne s’étonnait, écrit-il, de voir un adolescent muni d’une 22 long) et le hamburger. S’il avait voulu un hamburger au lieu de cette carabine qui transformait illico une pomme pourrie en compote, le pire aurait été évité, mais ne désire-t-on pas toujours le pire, la vie ne nous condamne-t-elle pas au pire ?
Conter un fait aussi tragique sur un mode léger (mais pas superficiel, comme le relève Bluewitch) constitue un tour de force et la marque de fabrique de cet écrivain désespéré mais allègre.

Kinbote - Jumet - 65 ans - 7 janvier 2005


Poussières d'étoiles 8 étoiles

Poussières d'étoiles sur le firmament du drapeau américain. Eparpillées, renouées, ramenée du passé au présent. On suit le chemin de pensées avec ou sans préméditation. Regard en arrière vers un regard en avant.
C'est léger sans jamais être superficiel. On entre dans le vrai comme on plonge une lame dans du beurre. Créatif, d'image en image, le narrateur recompose ces morceaux de vie en en mélangeant les cartes. Vie qu'il nous livre telle qu'il l'a "empreintée" avec ces mots qui font exister.

Bluewitch - Charleroi - 45 ans - 12 décembre 2004


Un très grand écrivain ! 9 étoiles

Indiscutablement Brautigan écrit très bien, mais ce qui frappe le plus, c'est sa façon d'aborder les situations qu'il évoque. Cet homme utilise bien souvent une tout autre façon d'aborder les choses, et de les voir, que les autres. Puis, il poursuit la logique de sa pensée à lui ce qui l'amène bien souvent à des choses étonnantes !... Cela m'a surtout frappé dans deux extraits de "Tokyo-Montana express: "De l'art de brûler un seul bras à Tokyo" et "Le tombeau de l'ami inconnu" Est-ce dû à sa maladie ou est-ce cela qui aurait pu la provoquer ?... Ou encore, aucun rapport ?...

Un poète, sûrement !...

Jules - Bruxelles - 80 ans - 29 août 2004


Le charme d'un beau livre 8 étoiles

Par quel sortilège ce récit tient-il le lecteur en haleine depuis le début jusqu'à la fin ?
C'est un livre intéressant et par moment captivant. L'auteur y raconte ses souvenirs qui se sont gravés dans sa mémoire avec une précision obsessionnelle. Ces souvenirs mettent en scène une Amérique marginale avec ses personnages saugrenus et pittoresques qui sont décrits avec sympathie et compassion.
Les souvenirs sont racontés dans un temps déstructuré tel que l'imagination les a restitués dans la mémoire du narrateur. Et chaque souvenir est rythmé par ces mots : "poussières d'Amérique", comme on dirait : "autant en emporte le vent", comme pour souligner comment une succession de hasards minuscules peut modifier la destinée d'un homme.
Le contenu insolite et la construction originale du récit sont, selon moi, les éléments essentiels de l'intérêt du livre. L'écriture est poétique, le style est souple, la lecture est facile et laisse le lecteur sous le charme d'une très beau livre.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 5 août 2004


Le Maitre du temps 10 étoiles

Première approche de BRAUTIGAN et éblouissement. Ou l'art de tordre, distordre, étirer ou ramasser le temps. A vrai dire le temps, au sens chronologique, n'a plus d'importance avec lui (?), ou pour ces MEMOIRES SAUVES DU VENT. Très étonnant cette façon unique qu'il a de bousculer ce paramètre qui nous est si cher.
Le fond est également très riche. Le souffle de l'Amérique, de ses espaces et de ses misères passe bien. A la manière de JIM HARRISON, mais en plus concis, plus travaillé sûrement et moins lyrique.
Enfin, on sent une fêlure. Chez l'auteur, ou dans le texte, mais c'est comme un cristal, avec un défaut qui laisse craindre à la manipulation qu'il éclate et se désagrège. BRAUTIGAN ne raconte pas une histoire, aussi importante soit-elle. Il y a autre chose et c'est ce qui rend sa lecture si précieuse et attachante.

Tistou - - 68 ans - 14 juin 2004


Le temps 10 étoiles

Richard Brautigan nous mène à sa guise à travers son histoire avec une science infinie de l'écriture. C'est vrai, tout d'abord qu'on ne peut classer ce livre dans un genre littéraire car ce roman est un poème et ce poème est un roman.
Brautigan écrivait, reprenait, réécrivait, corrigeait ses textes un nombre incalculable de fois. Ce n’est pas par hasard que je parle de science de l’écriture, ce poète est un technicien, un tacticien, qui vous attachera au fil complexe de son récit et ne vous perdra pas.
Si vous lisez ce livre, je veux dire, quand vous lirez ce livre, je vous invite également à vous intéresser à la conjugaison. Brautigan y manie le temps, en maniant les temps, au sens scolaire du terme. Il se joue de notre échelle chronologique et de sa progression qu’on croyait inexorable. Il fait des nœuds dans la ligne des jours, des mois et des années. Il nous y perd pour nous faire sentir comment son personnage s’y est perdu, il nous y englue, que nous sentions comme son personnage s’y est englué, il nous y bloque comme lui sur le moment qu’on ne peut dépasser.
Si vous lisez ce livre, je veux dire, quand vous le lirez, livrez vous aussi aux images qu’on vous offre. Ca peut, par exemple, commencer ainsi : « D’où je suis assis, en ce premier août 1979, je colle mon oreille au passé comme si c’était le mur d’une maison qui n’est plus » et vers la fin, «La pluie commença à tomber en grosses gouttes lourdes, mais les gouttes étaient assez éloignées les unes des autres. Elles tombaient très doucement et vous auriez presque pu les contourner si vous aviez voulu. » Qui n’a jamais eu cette impression, connu cette pluie là ? Tout est ainsi, en images qui nous envahissent de leur évidence et, en même temps, de leur poésie. C’est un texte visuel.
Quand vous lirez ce livre, vous verrez, c’est l’histoire d’un gosse qui parle des vieux, d’un homme qui parle du gosse qu’il a été, c’est l’histoire d’un gosse fasciné très jeune par la découverte du fait que la mort peut aussi atteindre des enfants et qui ne s’en remettra pas vraiment. C’est un récit absolument envoûtant, qu’on relit, qu’on reprend, par bribes ou tout entier une fois encore, dans lequel on retourne sans cesse vérifier un « truc », une idée, une image qu’on n’est pas sûr d’avoir bien lue.
C’est un bouquin qui ne vous quitte plus.


Sibylline - Normandie - 74 ans - 11 juin 2004


Ecrit dans la poussière, légère, légère... 10 étoiles

Mémoires Sauvés du Vent,
Poussières d'Amérique...

Comme un refrain, ces mots qui nen finisent pas de se retourner sur une enfance perdue, une époque révolue. Comme tout paraît léger pourtant, même si, sous cette plume géniale, la mort traîne.

Sido - Grenoble - 70 ans - 8 juin 2004