L'assassinat du docteur Godard
de Éric Lemasson

critiqué par DODODLB, le 14 février 2017
( - 70 ans)


La note:  étoiles
ALORS CRIME, SUICIDE OU ASSASSINAT ?
Le 1er septembre 1999 au hameau de Juvigny, à Tilly sur Seulles, Madame Chasle attend la boulangère. Elle voit alors passer la fourgonnette Volkswagen de son voisin, qui lui demande en passant la tête par la portière, de bien vouloir s’occuper des chats. Ce dont Madame Chasle ne se doute pas alors, c’est que c’est la dernière fois qu’elle verra cette famille, car ce jour, à cet instant précis, vient de débuter ce que l’on appellera « l’affaire Godard. » (Yves Godard est à cette époque médecin à Caen dans le Calvados).
Ce livre d’Eric Lemasson se divise en deux parties, la première est consacrée à la disparition de la famille Godard et à l’évocation de la vie d’Yves et de son épouse Marie France, avant et à l’époque des faits. Le second volet s’attarde sur la face cachée du docteur Godard et de son appartenance à la CDCA, (Confédération de défense des commerçants et artisans) qui prônait pour ses adhérents issus de professions libérales, l’arrêt total et totalement illégal de toutes les cotisations d’assurance maladie et autres prélèvements obligatoires, charges et impôts divers. L’auteur nous entraine alors vers une hypothèse totalement inédite qui pourrait peut-être permettre de lever le voile sur l’énigme de cette disparition.
Mais revenons en septembre 1999.
Après avoir quitté Tilly sur Seulles, Yves Godard se dirige vers Saint-Malo où il a réservé un voilier. Il arrive donc au port des Sablons avec ses deux enfants Camille 6 ans et Marius 4 ans, et prend possession du « NICK» chez le loueur. Nous sommes dans l’après-midi du 1er septembre, la marée n’étant pas favorable, le docteur Godard a tout le temps de faire quelques courses dans un supermarché, le détail du ticket de caisse montrera que rien dans ces achats ne permettait d’envisager un long séjour en mer. Le 2 septembre, une vedette des douanes intercepte le « NICK », et un douanier monte à bord comme il est d’usage. Ce douanier trouve l’attitude d’Yves Godard étrange, sans toutefois en comprendre la raison. Depuis le pont du « NICK », il aperçoit dans la cabine une petite fille endormie profondément sur la couchette, et remarque une housse de planche à voile sur le pont. En remontant sur la vedette des douanes il dira « on dirait un type qui a balancé sa femme par-dessus bord ». Edifiant !!! Aujourd’hui encore ce douanier se reproche de n’avoir pas suffisamment exploré le « NICK », comment ne pas le comprendre ?
Le 3 septembre, le Dr Godard à bord de la minuscule annexe du voilier, accostera dans le petit port de l’anse de Bréhec, et achètera des gaufres pour ses 2 enfants à la petite marchande qui rapportera ce fait aux enquêteurs. Ensuite et jusqu’au 5 septembre, plusieurs témoins assureront avoir vu le « NICK » au mouillage à la pointe de Minard, certains auraient aperçus les occupants, d’autres seulement le voilier déserté.
En tout état de cause, après cette date, en France, plus personne ne reverra les occupants du voilier, mis à part un témoin qui attesterait avoir vu un homme avec deux enfants près de l’embarcadère des ferries du port de Roscoff où s’effectuent des rotations quotidiennes en direction de l’Angleterre et de l’Irlande. Etrange, très étrange, car plus tard, une mystérieuse correspondante anonyme, fera parvenir deux lettres attestant de la présence d’Yves Godard et de ses deux enfants successivement sur l’île de Man en mer d’Irlande et de Lewis en Ecosse.
En Normandie, pendant ce temps, les enquêteurs passent la maison de Tilly sur Seulles, au peigne fin et découvrent de nombreuses traces de sang, sang qui sera identifié comme appartenant à Marie France Godard. La quantité retrouvé sur le matelas ne laisse aucun doute sur l’éventualité d’un crime et de la mort de la malheureuse mère de famille.
En Juin 2000, un coquillier remonte un fragment de crane qui se révélera être celui de la petite Camille, dès lors, une partie de l’énigme sera levée, confortée en 2006 par une nouvelle découverte macabre, celle du fémur et du tibia du Dr Godard en personne. Toutes les suppositions et spéculations sur la fuite éventuelle d’Yves Godard et de ses deux enfants à l’autre bout du monde cesseront définitivement, mais le mystère demeure, d’autant que le « Nick » reste introuvable. Néanmoins, l’annexe du voilier, son radeau de survie et un sac contenant des effets personnels de la famille seront découvert à des endroits qui défient toute logique dans l’étude des courants marins.
En 2001, 5 cartes de crédits et de mutuelles seront retrouvées sur la plage des Ebihens en parfait état de conservation, puis une en 2008. Les experts concluront que ces cartes ne peuvent pas avoir séjourné longtemps dans l’eau…. Il y a donc un petit poucet qui les aurait semées là, mais qui, et pourquoi ?
Dans cette affaire, des mystères se succèdent, et l’auteur Eric Lemasson nous entraîne dans le deuxième volet de son livre vers sa version de cette disparition.
Pour lui, tout est relié à l’appartenance du Docteur Yves Godard à la CDCA, cette organisation qui demandait à ces membres de ne plus payer leurs charges et cotisations au système social et au fisc Français. En effet, Yves Godard avait fait confiance à la CDCA, et avait confié tout son argent à cette nébuleuse organisation. Les mécanismes de ces montages financiers sont d’une extrême complexité, et les ramifications passent vers des paradis fiscaux dont Man, Lewis et jusqu’au Vanuatou, via des comptes off-shore. Alors, le Docteur Godard avait-il décidé de tout plaquer et de récupérer la somme d’argent importante qu’il aurait versé à la CDCA ?
Eric Lemasson nous livre alors sa vérité, inédite et surprenante, qui entraine le lecteur vers une hypothèse totalement inattendue.
Nous sommes en 2017, je viens de terminer la lecture de ce livre très intéressant, qui éclaire d’un jour nouveau l’une des affaires criminelles les plus mystérieuse de la fin du vingtième siècle.
Toutefois, j’ai refermé cet ouvrage avec un regret, celui de n’avoir pas senti plus de compassion pour la famille endeuillée. Marie-France Godard laisse deux autres enfants nés d’un premier mariage et Yves Godard trois fils d’une première union. En 2016, Marie France et le petit Marius dont les dépouilles n’ont jamais été retrouvées à ce jour, ont été déclarés officiellement décédés par la justice Française. Ces disparitions horribles et non élucidées ont laissé des souffrances indélébiles dans ces familles, familles qui ont vu de surcroît leur histoire faire la une des médias des années durant. Les familles touchées par cette affaire étaient normales, comme beaucoup d’autres, et le petit village de Tilly sur Seulles, à deux pas de chez moi, paisible à l’image de tant de petites bourgades du Calvados. Les jours qui ont suivi le 1er septembre 1999 un bouleversement inouï est venu semer le trouble dans la quiétude de cette campagne et détruit à jamais la vie de ces familles.
De tout cœur, je souhaite qu’un jour ils puissent retrouver Marie-France et Camille et connaître enfin officiellement la vérité.