Les barbares de Auteur inconnu
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Une très longue histoire de la mondialisation, durant laquelle chacun a pu être le barbare d’un autre
Le mot barbare vient du grec. Il désigne celui dont on ne comprend pas la langue, voisin ou étranger. Pour Athènes, Alexandre fils du roi de Macédoine n’était qu’un barbare. Par glissement sémantique le terme a délimité la frontière entre le monde gréco-romain et les autres peuples. Tous ceux-ci qualifiés de barbares justifiaient la nécessité de leur transmettre la civilisation. A l’aune de l’empire chinois, les barbares mongols venaient avant les peuples européens, lesquels avec leur poil hirsute apparaissaient comme des singes ! Cette connotation s’est prolongée dans la chrétienté réservant la barbarie aux païens. Entre-temps l’édit de Caracalla (212) avait octroyé la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l’empire. Plus tard encore le barbare a désigné l’inculte, l’ignorant, l’esprit archaïque jusqu’à dériver aux actes de piraterie, puis à ceux de cruauté extrême injustifiés au regard de la dignité humaine. A d’autres moments par inversion des stéréotypes, le barbare a pu devenir symbole de régénérescence face à des pouvoirs civilisés mais amollis par la corruption ou tombés dans la décadence.
Les théâtres d’actions sont liés aux grands empires de l’antiquité à vocation universelle : la Perse, ennemi héréditaire des territoires helléniques, les empires romains d’occident puis d’orient hégémoniques pendant plus d’un millénaire sur les pourtours nord et sud méditerranéens et sur une partie de l’Europe. L’effondrement romain, la pression des Huns à l’est déclenchent de multiples transformations. Les mouvements de populations autrefois qualifiés de grandes invasions sont à l’origine des royaumes européens du Moyen Âge. Plus tard interviennent l’expansion des arabes en cours d’islamisation, puis celle des turcs jusqu’à la prise de Constantinople. Entre quelques périodes pacifiques, les guerres incessantes en toile de fond donnent lieu à des batailles mythiques, Marathon (490 av. J.C.), les champs Catalauniques (451), Lépante (1570) pour n’en citer que quelques unes. Des notices biographiques racontent l’histoire des grandes figures (princes, empereurs et rois, chefs de guerre, chefs religieux, historiens, écrivains, philosophes,…). D’autres notices ethnographiques celles-ci, rappellent la longue marche des multitudes de peuples mis en lumière par dans cette compilation rétrospective.
Instructif est le destin de la Gaule tel qu’il ressort de cet ensemble de textes et aussi théorisé par Michelet. La Gaule figure un espace délimité par des frontières naturelles. Peu importe que s’y soient installés au fil du temps, celtes, germains, gaulois, vandales, suèves, alains, francs, wisigoths, burgondes, sarrasins, normands, bretons entre autres, tous y ont été absorbés en transmettant leurs valeurs de liberté et d’égalité, légitimant ainsi un droit du sol inscrit dans un lointain passé. Presque partout les anciennes provinces romaines ont été occupées par des souverains barbares dont les peuples se sont inventés des légendes propres à valoriser leurs origines. Que l’on se donne pour descendants des troyens, des fiers nomades steppiques, des peuples scandinaves on se hisse ainsi au niveau du raffinement des régions colonisées à rebours. Les traces de ces batailles, massacres, invasions, migrations, les brassages de populations qui en ont résulté se retrouvent dans l’archéologie en général, sépultures, monuments, inscriptions, documents écrits et récits mythologiques transmis par la voie orale.
Cet impressionnant travail couvre une période débutant avant Homère poursuivie jusqu’au XXe siècle à travers les œuvres de fiction dans la littérature, la BD, les films. Reconstitué par environ 150 historiens s’appuyant tant sur les historiographies que sur les découvertes récentes il comprend une courte partie historique découpée par grande période, et une quasi encyclopédie riche de plus de 500 entrées alphabétiques et mots-clés permettant de naviguer à volonté pour se replonger dans ces chroniques à l’authenticité parfois controversée ou du moins sujette à discussion. Grâce aux cartes reconstituées et aux repères chronologiques on peut y voir comme une histoire de la mondialisation en mosaïque du continent eurasiatique, du nord de l’Afrique entre Mer Rouge et colonnes d’Hercule (Gibraltar), puis de la terre entière après les grandes découvertes. Laissons le mot de la fin à l’incomparable sagesse de Montaigne (1) : « Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassions en toute sorte de barbarie ».
(1) Essais I, 31 : « Des Cannibales » sans doute influencé par la barbarie des guerres de religions
Les éditions
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Les barbares [Texte imprimé] sous la direction de Bruno Dumézil
de Dumézil, Bruno (Directeur de publication)
PUF
ISBN : 9782130749851 ; EUR 32,00 ; 07/09/2016 ; 1680 p. ; Broché
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