Préhistoires d'Europe
de Anne Lehoërff

critiqué par Colen8, le 30 mars 2017
( - 83 ans)


La note:  étoiles
400 siècles avant les Celtes…, fascinant !
C’est d’abord un très beau livre servi par une riche iconographie, un texte de haute tenue, un contenu en grande partie inédit rectifiant nombre de stéréotypes qui ont longtemps prévalu. On a plaisir à le feuilleter pour y découvrir les objets les plus représentatifs, certains exceptionnels, exposés dans les musées aux quatre coins de l’espace européen, pour se repérer par des encadrés, par des schémas explicatifs, des chronologies, enfin par des cartes, Celles-ci exposent tantôt les influences du climat sur les territoires aux périodes successives de froid, de chaud, d’humide, de sec…, tantôt les sites majeurs de découvertes selon les âges, entre le paléolithique le plus ancien et le néolithique récent précédant les âges des métaux, ou plus simplement pour situer les peuples et leur réalisations dont certaines sont à la hauteur des illustres civilisations méditerranéennes. C’est aussi un livre savant qui explique dans le détail les techniques et les protocoles mis en œuvre pour remonter le fil du temps sur des millénaires et tenter de comprendre parfois de simples traces.
Il y a moins de 200 ans la Bible, seule source légitime, faisait remonter l’âge de l’humanité à la création d’Adam. Depuis, la préhistoire est devenue une science utilisant à son profit les autres ressources scientifiques et techniques. Neandertal avant son extinction et son remplacement par Sapiens en lui laissant semble-t-il quelques gènes en héritage aurait pu descendre sinon d’Erectus, du moins d’Heidelbergensis. Les fouilles sont organisées pour tenter de comprendre le déroulement de cette période de 400 siècles sans traces écrites autres que les vestiges et leur interprétation. Les découvertes ont été et sont encore souvent le fruit du hasard, en dehors de zones inondées lacustres, fluviales ou littorales qui ont permis de meilleures conditions de conservation. Dorénavant les grands chantiers sont soumis à des fouilles préventives pour ne rien perdre d’une information rare et précieuse.
Et les merveilles se sont enchaînées, à commencer par les fresques pariétales dont on cherche toujours à percer le mystère. La datation au radiocarbone à partir de 1950 a fait faire un bond énorme à l’intérêt archéologique et paléoanthropologique. Elle a fait taire définitivement les légendes attribuant les mégalithes aux celtes de l’Âge de bronze. La construction de ces milliers d’imposants monuments funéraires et cultuels parsemant l’Europe, menhirs, dolmens, cairns et autres pierres, les a précédés de plusieurs millénaires au Néolithique. La néolithisation semble s’être opérée plus par diffusion que par colonisation selon deux voies principales, l’une méridionale via la Méditerranée, l’autre septentrionale en passant le long du Danube et du Rhin. Chacune est identifiée par des céramiques à décors relativement homogènes nommées cardial pour la première et rubané pour la seconde.
La présence assez floue des Celtes qui s’étend depuis le sud de l’Angleterre sur l’ouest européen jusqu’à la Bohême est attestée à l’âge de fer chez les Grecs seulement six siècles avant notre ère(1), en même temps que celle des Scythes plus à l’est. Auparavant les traces de la néolithisation ont révélé la diffusion progressive de l’agriculture et de l’élevage avec une diversification des structures sociales et des cultures : sépultures, villages et centres urbains, habitats, objets et mobiliers en tous genres. Ensuite ont succédé les âges métalliques, bronze puis fer qui ont accompagné l’explosion des armes de guerre signes incontestables de violence. Enfin marqués par le site significatif de La Tène aux environs de -300 découvert en Suisse en 1857, apparaissent un cadre de vie et un paysage proches des nôtres, un artisanat d’excellence très créatif, une hiérarchie sociale dont les femmes ne sont pas absentes, la connaissance de l’écriture.
La conquête romaine qui s’achève par la victoire d’Alésia fait suite à une domination progressive sur les provinces méridionales de Provence et de Narbonne durant les deux siècles précédents. A partir de -52 les dizaines de peuples celtes habitant un territoire connu comme La Gaule absorberont les coutumes juridiques, la langue et les dieux de leur vainqueur. Ce sont eux qui deviendront les gallo-romains pendant les siècles suivants.
(1) En fait ici av. J.-C. car avant notre ère (pour BP ou before present des anglo-saxons) est l’expression qui assigne le temps zéro à 1950, temps qui auparavant était mesuré avant ou après Jésus-Christ
Regards sur une période méconnue 10 étoiles

Dans le champ historique... si souvent on a une perception du paléolithique, quoique parfois encombrée de visions erronées... le Néolithique est plus flou, plus méconnu... Et cet ouvrage en donne une perception qui dépoussière bien des idées reçues... apportant sources mais aussi évoquant les limites de la pratique... et donc se refusant à des considérations non argumentées, non documentées... remettant en question ce que l'on croit savoir...

La précédente critique en illustrant le propos, je n'ai que peu à ajouter, si ce n'est qu'en plus de sa richesse historique, l'ouvrage se lit aisément... la langue est claire, précise et peut-être hormis quelques termes, permet une lecture fluide...

Deinos - - 62 ans - 18 décembre 2021