La dormeuse de Naples
de Adrien Goetz

critiqué par Sahkti, le 21 avril 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Délicieuse frustration
La dormeuse de Naples est belle, pulpeuse, avec de magnifiques cheveux noirs, un grain de beauté sur le mollet, un regard envoûtant, un sourire un peu triste… Voilà deux cents ans qu’elle dort, nue, objet de convoitise tous les regards. Tableau mythique peint par Ingres, un mystère pour les historiens d’art. Qui était ce modèle ? (on a parlé de Caroline Bonaparte). Où se trouve aujourd’hui le tableau disparu après le retour des Bourbons ?

Si le brouillard entoure encore cette œuvre, Adrien Goetz prend la liberté de travestir ou d’inventer l’Histoire pour son plus grand plaisir, et le nôtre en même temps. Goetz nous présente trois textes courts, des confessions rédigées par Ingres, Corot et un collaborateur de Géricault nous content, dans lesquelles, par fragments, est retracée l’évolution de cette toile, jusqu’à la chute de Murat roi de Naples.
Liberté totale prise par l’auteur, ces confessions n’existant que dans son imagination.
Le texte de la main de Ingres est un autoportrait sans concession qui le décrit comme un homme laid, prétentieux, avide d’honneurs et de femmes. En 1814, alors qu’il se trouve à Naples pour peindre des portraits de la famille royale, il rencontre une jeune fille démunie au coin d’une rue. Ses habits noirs mettent sa beauté en valeur, il propose de la faire poser, nue de préférence tant elle est belle. De défi artistique, la femme devient également énigme amoureuse pour Ingres auquel elle refuse de se donner alors qu’elle passe pourtant dans la ville pour une fille facile. Alors Ingres la dorlote, la peint, l’aime du bout du pinceau, mais la belle s’en ira et mourra de misère, au grand désespoir d’Ingres. Le tableau ne sera jamais exposé, il disparaît.
Arrive alors le témoignage de Camille Corot, heureux chanceux qui put admirer le tableau de Ingres et tomba amoureux de la jeune napolitaine. Le tableau se trouvait entre les mains d’une société secrète, nous sommes en 1825, le tableau devient à nouveau silencieux. Il se murmure qu’ensuite, il aurait transité chez Balzac, puis chez Géricault qui n’hésita pas, faute de matériel, à peindre son derby d’Epsom sur la splendide dormeuse.

Sublime frustration de la dernière page qui nous laisse avec cet envoûtement, ces interrogations, ce trouble mêlant fiction et réalité. La dormeuse de Naples ne livre pas son secret, nous en sommes pour nos frais.
"Elle ressemblait à la perfection ... " 8 étoiles

Adrien Goetz (1966 - ) est un historien de l'art et romancier français.
" La Dormeuse de Naples " paraît en 2005 (Éditions du Seuil )

Un court ouvrage (112 pages) qui réunit 3 "cahiers" autour d'une enquête passionnante, celle du tableau d'Ingres ; "La Dormeuse de Naples", une odalisque mystérieuse et controversée.

-> une confession d'Ingres qui révèle l'origine du tableau. Une visite à Naples en 1814 pour effectuer des portraits de la famille royale. Au détour d'une promenade, il croise une femme qui sera LE modèle de son odalisque.
"Elle ressemblait à la perfection, à ce que je savais faire, la seule qui égalât mon imagination".

-> un récit de Corot (Jean Baptiste Camille), peintre paysagiste majeur qui a eu la chance d'approcher le tableau d'Ingres et qui "l'a aimé d'Amour".

-> celui d'un élève anonyme de Théodore Géricault qui a possédé le tableau d'Ingres.

Une oeuvre qui nous fait voyager au travers une Italie riche d'artistes majeurs.
Vous y croiserez les sources d'inspirations d'Ingres; Raphael , Titien, Michel-Ange et tant d'autres...
Une superbe parenthèse artistique .

Frunny - PARIS - 59 ans - 3 mars 2024


Tableau collectif 7 étoiles

3 voix de peintres, 3 mises en lumière pour suivre la destinée mystérieuse du tableau perdu d'Ingres au XIXème siècle. On effleure le milieu artistique de l'époque, les salons et les chapelles.
Même si la première partie traine un peu, l'histoire est bien construite, servie par une belle plume. Une lecture agréable.

Elko - Niort - 48 ans - 9 novembre 2023


Surprenant. 8 étoiles

Jean-Auguste-Dominique Ingres a peint en 1809 un tableau représentant une jeune femme nue étrangement belle dans une position lascive.
La première partie du roman raconte la fascination que le peintre eut pour son modèle. Il ne vivait que dans la pensée obsessionnelle de cette femme qu'il idéalisait. A la fin de son récit il reste étrangement silencieux sur la toile. Existe-elle encore, est-elle détruite, vendue ? Le mystère reste entier.
Ensuite vient le témoignage de Jean-Baptiste Camille Corot, un peintre paysagiste et copiste français qui recherche sans succès la dormeuse. Quelques pistes se dessinent mais rien de concret.
Enfin le dernier épisode nous vient d'un artiste inconnu ami et élève de l'immensément célèbre Théodore Géricault. D'après ses dires, ce dernier possédait la tant recherchée peinture, cachée et voilée dans un coin de son atelier. Il affirme l'avoir vue et la détaille précisément. Le mystère sera il levé ?

Adrien Goetz nous livre un roman soigné, une enquête qui plonge le lecteur dans le monde de la peinture. Agréable à lire, le texte est riche en références et très soigné.
Quant au tableau en question... nulle trace à ce jour.

La seule trace matérielle de « la dormeuse » est une lettre adressée en 1832 à Caroline Murat, Ingres donne une description du tableau, accompagnée au dos d'un croquis rapide fait de mémoire, la feuille est depuis conservée à la bibliothèque nationale de France. Ingres précise que la toile représentait une femme nue en grandeur naturelle, allongée sur un lit de repos à rideaux cramoisis, la tête s'appuyant sur le bras gauche qui repose sur un coussin, le bras droit replié par-dessus la tête.

Monocle - tournai - 64 ans - 15 décembre 2019


Elucider les origines d'un tableau 9 étoiles

Trois témoignages viennent éclairer les conditions de la genèse d'un tableau de Jean-Dominique Ingres, la Dormeuse de Naples, intrigante femme nue, oeuvre tenante de la facture classique, mais tout autant audacieuse. Ces grandes lettres sont constitués à partir de sources réelles par l'auteur, enseignant-chercheur en histoire de l'art. Ingres décrit son arrivée à Naples et ses contacts en vue d'élaborer sa composition plastique. Corot, paysagiste, vient donner son interprétation au sujet de ses origines, de ses sources. Caroline Bonaparte a-t-elle influencé l'apparence de cette femme peinte ? Enfin, un collaborateur anonyme de Géricault rend hommage à son maître et s'interroge également sur les conditions d'exécution de ce tableau.

Ces regards croisés, sans réellement donner la clé de l'énigme, multiplient les réflexions, donc les questions, sur cette création, également sur le travail d'Ingres, l'évolution de son oeuvre et sa place dans l'histoire artistique au tournant des XVIIIe et XIXème siècle. Aussi déconcertant qu'instructif, court et vite lu par un style concis et beau et un propos profond et clair, cet ouvrage court permet de se poser des questions intéressantes sur l'art et ses sources d'inspiration. Je le conseille.

Veneziano - Paris - 46 ans - 15 juin 2019


Tout le mystère d'un tableau 8 étoiles

Le personnage central du roman d'Adrien Goetz est le mystérieux et mythique tableau intitulé "La Dormeuse de Naples", tableau peint par Ingres, à Naples, pendant des mois et des mois, suite à la rencontre d'une jeune beauté près du port italien, vêtue de noir, avec des breloques en or. Entre Ingres et cette Napolitaine semble se dessiner une belle relation d'amour, jamais consommée, mais idéalisée par le peintre, élevée au statut d'icône. Alors, quand celui-ci découvre une réalité blessante, il devient fou, amer, jaloux. Par la suite, le tableau va disparaître, errer dans des galeries souterraines, sera exposer aux yeux d'étranges confréries secrètes, ou se balader entre Paris, Rome ou Naples, qu'importe... Ce tableau devient une énigme !

Le roman d'Adrien Goetz se compose de trois parties rédigées par Ingres, Corot et un élève de Géricault. A Ingres la responsabilité de la légende, aux autres la fascination d'une rencontre improbable, d'une quête à jamais aboutie, d'un mystère entier ! Cette Dormeuse fascine, envoûte, exacerbe les passions. Et ceux qui ont croisé sa route, croisé son regard de belle endormie, lascive, trop sexuelle pour ne pas être sensuelle, s'en sont mordus les doigts car cette peinture, portée disparue, sera édifiée au statut de mythe. Les hommes courent après elle, comme les rêveurs souhaitant décrocher la lune !

Ceci n'est pas un roman historique, note l'auteur, même s'il prend pour héros trois peintres historiques. Les oeuvres qu'on leur donne sont réelles, leurs aventures inventées et certains de leurs propos authentiques. L'auteur, peu soucieux d'exactitude, s'est essentiellement évertué à la vérité romanesque et nous offre ainsi un roman flamboyant et passionnant !

Clarabel - - 48 ans - 8 juin 2005