« Laëtitia » est un livre qui n’est pas un roman mais est-il vraiment un essai ? La question étant posée, je dois dire que durant 100 pages, je me suis ennuyé et je me suis demandé si j’allais continuer la lecture, poursuivre cette description détaillée d’un meurtre sordide, écœurant qui eut lieu en janvier 2011 dans la région de Pornic en Loire-Atlantique. La multitude de détails en tout genre, la relation quasi « minute par minute » du crime et en parallèle, l’enquête, les procès, l’enfance et l’adolescence de Laëtitia et de sa sœur Jessica étaient vraiment éprouvants.
Puis, je me suis « accroché » et j’ai découvert une œuvre majeure (néanmoins avec des hauts et des bas) écrite par un historien d’une manière scientifique, journalistique parfois et qui finalement s’est révélée pathétique, utile et profondément humaine. En écrivant cet essai, le but de I. Jablonka était de rendre compte de tout ce qui a fait qu’une histoire de meurtre sexuel et crapuleux passe du stade de « fait divers » à celui de « fait de société » représentatif de notre début de XXIe siècle en France. Je cite dans un certain désordre : une région sinistrée parmi d’autres, des familles éclatées, des petits délinquants pouvant devenir des bandits ou des crapules, des enfants ballottés entre parents dépourvus de qualité et nouveaux parents de famille d’accueil, des tribunaux, de l’assistance sociale, une enquête délicate, la Justice, des rebondissements encore plus sordides que les premiers relatés, l’intervention maladroite et malencontreuse du président Sarkozy, la presse et son rôle, ses valeurs et ses errements, des marches blanches, les gens … Certains moments sont sublimes et donnent des pincements au cœur ou la rage au ventre !
Le but de Jablonka était aussi que l’esprit de cette Laëtitia plus jamais anonyme continue à vivre bien que son corps ait été décimé. Je crois que ce but est atteint : Laëtitia, Jessica, Meilhon, Patron, Perrais, Mme de Oliveira, Renaud Clément, Alexandra Turcat, Sylvie Larcher, Ivan Jablonka… Laëtitia.
Ardeo - Flémalle - 77 ans - 6 janvier 2018 |