Ecrivains et artistes de Léon Daudet

Ecrivains et artistes de Léon Daudet

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Divers

Critiqué par AmauryWatremez, le 17 mai 2017 (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 55 ans)
La note : 10 étoiles
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La littérature, seulement la littérature, rien que la littérature

Il y a un livre que je lis, relis, et relis encore sans me lasser. J'en connais même des passages par cœur. Ce sont ces « fabuleux » -pour reprendre le mot de Proust- souvenirs littéraires de Léon Daudet réédités ici dans une forme plus ou moins expurgée de toutes les considérations politiques de l'auteur de par leur parfum encore méphitique en 2017. Léon Daudet était d'Action Française, catholique profond, maurrassien convaincu, nourrissait quelques doutes sur la démocratie bourgeoise, toutes choses impardonnables à notre époque si coincée sur le plan de l'appréciation des arts. C'est un peu dommage, il me semble qu'un lecteur adulte est capable de faire la part des choses selon ses propres convictions et de passer outre ce qui pourrait les heurter.

S'ils y tenaient absolument, ils mettaient des « smiley face » souriantes ou mécontentes pour signaler les passages corrects et ceux qui sentaient le soufre. Cela aurait été post-moderne, tellement d'époque. On note encore que l'image soigneusement choisie provient de sa jeunesse quand le fils turbulent d'Alphonse Daudet était encore un des espoirs de la jeune IIIème République et non un de ses plus terribles contempteurs.

Léon Daudet était aussi un homme cultivé, au sens classique du terme, goûtant le verbe d'un auteur, son style et non les correspondances avec ses propres opinions ou son utilité dans la défense d'une « cause » ou d'une autre. Contrairement à l'abbé Bethléem, célèbre prêtre et censeur catholique, contrairement à nos arbitres des élégances littéraires actuels tout aussi pudibonds dans leurs détestations et leurs célébrations, Léon Daudet avait le « nez creux » et reconnaissait le vrai talent beaucoup plus sûrement que ce genre de lecteurs suscités au foie sans doute bilieux. Barbey d'Aurevilly lui-même s'était heurté et se heurte encore à ces procureurs des lettres qui le limitent et s'en tiennent bêtement à sa réputation de dandy flamboyant un peu réactionnaire sur les bords...

Il a un talent extraordinaire pour faire revivre les géants de la littérature que sont Marcel Proust, Guy de Maupassant, Oscar Wilde, André Gide, oui même lui, Marcel Schwob, son grand ami, traducteur et découvreur français de Stevenson. Il décrit avec beaucoup d'ironie et d'acuité la mascarade que furent les funérailles nationales de Victor Hugo, encensé par des suiveurs qui n'ont pas lu ses « machins » interminables. Daudet fils célèbre Flaubert, raille Zola, à commencer par l'appétence de celui-ci pour les bons tirages. Il évoque la figure du peintre Forain ou du dessinateur Caran d'Ache, l'atmosphère des cafés littéraires de son époque qui n'étaient pas encore autant de salons mondains pour bourgeois névrosés en rupture de ban confondant écriture et psychanalyse en public...

Il ne supportait pas le « stupide XIXème siècle », ses morticoles, son étroitesse d'esprit tellement bourgeoise, sa trivialité douloureusement positiviste, sa mesquinerie avec les petits, les sans grande. Il n'appréciait pas plus le romantisme échevelé, ces écrivains qui aiment se raconter, qui se statufient eux-mêmes, l'expression des sentiments sans mesure ni pudeur, leur fausse générosité ne consistant qu'à se mettre en avant et rien d'autres. Il refusait ce cliché bien commode de l'artiste forcément maudit. Finalement tout comme Léon Bloy ou Georges Bernanos ce qui l'ennuie dans la modernité c'est avant tout le triomphe social de ces bourgeois sans grandeur, sans force d'âme, « aux tripes molles et au cœur sec ».

Moi-même qui ne tomberait pas dans le ridicule de revendiquer un iota de leur génie, je les déteste autant dans leur version « Cyrillus » que dans celle se voulant plus « équitable ». C'est dans les deux cas l'étalage de la même sottise.

Il est des lecteurs qui ne comprendront ce qui sera pour eux autant de contradictions. Comment Daudet a-t-il pu soutenir autant d'auteurs à rebours de ses convictions ? Comment a-t-il pu lier parfois même avec eux autant d'amitiés solides ? En nos temps de simplification extrême de la vie politique (qui pense comme moi = gentils, qui ne pense pas comme moi = méchants), ce sera dur à saisir, je le crains. Léon Daudet aimait les empoignades sur les sujets importants, sur la culture en particulier, des polémiques d'une violence qui ferait très peur à nos petits marquis actuels beaucoup plus délicats pour qui la remise en cause de leurs certitudes équivaut à la remise en cause de leurs petites personnes si délicates.

Je ne parle même pas de ces personnes censées faire découvrir et aimer la littérature prêtes à tous les autodafés au nom de bonnes intentions...

Il est également d'autres lecteurs qui ne prétendront n'avoir lu ce livre que pour l'odeur de soufre autour de la réputation de l'auteur, un peu comme ceux prétendant lire Céline uniquement à cause de son antisémitisme obsessionnel. Tout comme les arbitres des élégances littéraires qui feront comme chaque fois la fine bouche, ils passeront à côté de magnifiques découvertes.

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  Victor Hugo 3 Cyclo 18 mai 2017 @ 17:44

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