Dr Adder
de K. W. Jeter

critiqué par Malic, le 7 juillet 2017
( - 83 ans)


La note:  étoiles
Au service des fantasmes
Dès le début, on est plongé dans une atmosphère trouble et malsaine Dans sa cambrousse de Phoenix, le héros, Allen Limmit, travaille dans une ferme, une « Unité de ponte », exploitation en batterie d’énormes poules transgéniques (elles ont un « regard chevalin » !) Plus précisément, il gère le bordel destiné aux employés de la ferme. Bien sûr, le lecteur ne peut s’empêcher de faire le lien entre les deux catégories de prisons et de pensionnaires, des « poules » les unes et les autres. On ne saura rien des prostituées, mais les malheureuses pondeuses sont pathétiques.

Limmit quitte la ferme pour se rendre à Los Angeles, où se déroule la suite et l’essentiel ce roman de SF. La ville est séparée en deux, d’un côté « Zone rat » où vivent les marginaux et les rebelles du Front de libération, de l’autre le Comté d’orange, domaine d’une bourgeoisie abrutie de télé, de tranquillisants et de drogues. Entre les deux, c’est « l’interface », zone des prostituées. C’est là aussi qu’ opère, dans tous les sens du terme, le Dr Adder. Grace à une drogue presque homonyme, L’ADR, il sonde les inconscients pour y déchiffrer les pulsions secrètes. Ensuite, il ampute à tour de bras, principalement les prostituées pour les rendre conformes aux fantasmes de leurs clients.

Pour donner une idée des œuvres de ce bon docteur et de leur finalité, il suffit de lire la phrase placée en exergue du roman, authentiquement tirée parait-il du courrier des lecteurs d’un magasine de charme des années 70 : « J'aimerais joindre ma voix à ceux qui réclament des images de femmes amputées dans votre magazine. Les femmes qui n'ont qu'un bras, et surtout celles qui n'ont qu'une jambe, sont particulièrement excitantes et des photos représentant de jolies amputées seraient certainement appréciées par un grand nombre de vos lecteurs..."

La dénomination d’Interface, avec sa large connotation informatique est tout à fait pertinente dans ce roman où l’on a souvent un doute sur le caractère réel ou virtuel des personnages.

Dans l’histoire on croise aussi John Mox, un chef évangéliste violent, ainsi que les inénarrables membres de l’Ordre du fils prodigue qui s’aventurent dans le magma gélatineux des égouts à la recherche de leurs rejetons fugueurs, écœurés par la vie qu’on leur promet. Quant à la façon qu’ont ces pères de fêter les fils retrouvés, elle est des plus étranges.

Dr Adder est un roman glauque, malsain, crapoteux, grouillant de personnages et d’idées, parfois confus et difficile à suivre, pas un chef-d’œuvre, mais vraiment décoiffant. Portrait d’une société déglinguée et déboussolée, dans laquelle on peut reconnaître les dérives possibles de la nôtre.
Ecrit en 1972, Docteur Adder, jugé trop choquant, n’a été publié qu’en 1984. Il avait été vigoureusement défendu par Philip K. Dick