Eté indien
de Jef Geeraerts

critiqué par Sahkti, le 5 mai 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Violent exorcisme du racisme
En fin d'ouvrage, une courte notice biographique rédigée par la traductrice Marie Hooghe (Jef Geeraerts est un écrivain belge d'expression néerlandophone) nous apprend que l'auteur était administrateur territorial du Congo belge et qu'il a véritablement commencé à écrire en 1962, juste après l'indépendance de ce territoire, essayant ainsi d'exorciser le passé colonial de tout un pays et surtout son expérience personnelle. Chacun de ses romans s'apparente à une autobiographie dans laquelle il se livre, fait part de ses cauchemars et tente de mettre fin à toutes ces questions qui empoisonnent son existence.

Processus délicat lorsqu'on aborde un thème sensible comme celui de l'esclavage, de la colonisation, de la spoliation de biens nationaux, du racisme, de la violence, tout ça mélangé dans l'histoire du Congo belge.
Au final, cela donne un ouvrage difficile, rude, très violent, dans lequel il faut absolument faire la part des choses et se convaincre que le racisme qui est décrit n'est pas issu d'une propagande d'extrême-droite mais de la main d'un auteur qui veut en découdre avec son passé.
J'avoue avoir eu beaucoup de mal avec ce livre tant son vocabulaire violent m'a heurtée, non par sa crudité, mais par la froideur qu'il dégage.
Incapable de désigner une femme noire autrement que par le terme négresse, se sentant obligé de restituer toute l'histoire du pays à travers des récits de batailles et de sang, cela laisse dans la bouche une impression amère, un sentiment de désillusion totale qui traduit sans doute très bien le dégoût ressenti par l'auteur à l'égard du colonialisme, mais qui ne m'a pas apporté grand chose si ce n'est un profond malaise devant la face cachée du contenu. Un ensemble de courtes nouvelles étranges.
La chasse 5 étoiles

Il est vrai que le vocabulaire est dur et heurte le lecteur, mais il faut aussi se dire que c'est celui de l'époque et qu'il était courant à ce moment là. Geeraerts est une sorte de païen qui rejette le type de colonisation pratiqué par les Belges au Congo qui était surtout basé sur l'église, les conversions, et l'exploitation des richesses locales. N'oublions pas que la plupart des Belges qui partaient là-bas, à l'époque, étaient loin d'être le haut du panier chez nous ou, pour le moins, ceux qui voulaient y gagner le maximum d'argent le plus vite possible. Etions-nous très différents des coloniaux des autres pays de ce temps là ? Pas sur !...
J'ai quand même apprécié la nouvelle intitulée "La chasse" et sa description de ce qu'est, pour lui, une femme comme celle qu'il a eue la veille de son départ. L'auteur est froid ? Oui, mais pas quand il écrit: "C'est comme cela qu'il faut aimer, pensa le blanc, ce pays est bon, c'est un pays splendide avec des femmes splendides, un pays avec des forêts et des savanes, du soleil et du vent et de l'éau, des rochers et des montagnes et des fauves, un pays où on peut respirer et vivre, libre comme une bête."

Impossible pour moi de lire cette nouvelle sans penser à celles d'Hemingway intitulées "Histoire africaine", ou "L'heure triomphale de Francis Macomber" (toutes les deux nettement supérieures par ailleurs !)

Jules 2 - - 80 ans - 11 mai 2004