Un dimanche de révolution de Wendy Guerra

Un dimanche de révolution de Wendy Guerra

Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine

Critiqué par TRIEB, le 26 août 2017 (BOULOGNE-BILLANCOURT, Inscrit le 18 avril 2012, 73 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (50 014ème position).
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CUBA A LA FOLIE

La littérature d’un pays peut révéler, d’une manière convaincante et efficace, les réalités de la société décrite par ses auteurs, ses blocages, ses drames, ses souffrances. C’est le cas de Cuba, pays de l’espérance révolutionnaire tiers-mondiste dans les années soixante, puis le théâtre d’un développement inexorable de la répression vis-à-vis de ceux qui « pensent autrement », les dissidents. Roberto Ampuero avait fort bien décrit la perversion des idéaux de l’origine dans son roman « Quand nous étions révolutionnaires. » Zoe Valdès avait évoqué cette situation de l’artiste confronté aux limitations de sa liberté d’écrire dans « Chasseuse d’astres »

Dans Un dimanche de révolution, Wendy Guerra reprend cette thématique, celle de la situation de l’artiste, de son identité face à un régime hostile, omniprésent, s'immisçant sans cesse dans la vie privée des citoyens, au point de l’anéantir ou de la rendre très illusoire.
Cleo est une poétesse, une romancière d’origine cubaine, elle cherche la reconnaissance littéraire mais ne l’obtient guère. Elle est en permanence la proie du soupçon : celui des exilés cubains, qui la prennent pour un sous-marin du régime, et celui des Cubains de l’intérieur, restés dans l’île pour des raisons d’opportunisme, de conformité intellectuelle « Ils voulaient un final épique, dans le style soviétique, car c’était leur référence même s’ils la repoussaient, la niaient et la déchiquetaient dans leurs gestes quotidiens ; telle était leur formation : soviétique. »

Ce qui est magistralement décrit, ce sont les états psychologiques par lesquels passe l'héroïne : la solitude, la paranoïa provoquée par une surveillance bien réelle et des perquisitionne répétées de son domicile, les interrogations sur son œuvre littéraire. Pour qui écrit-on ? Au nom de quoi ? Les passages les plus émouvants concernent ce qui anéantit l’identité, la personnalité, la singularité des individus : « Ce mépris, cette posture collective kaki glorifiée et pérenne brevette la virilité et l’uniformité (…) écrasant ainsi tout soupçon d’individualité, de délicatesse, touche personnelle ou clin d’œil d’indépendance visuelle. » Mais ce roman va plus loin encore, il se poursuit par une révélation faite à Cleo par l’un des ses amis Geronimo Martines, un acteur originaire du Nicaragua. Cet aveu concerne ses liens de paternité, elle ne serait pas Cleopatra Alexandra Perdiguer mais la fille de mauricien Antonio Rodriguez né à Washington DC aux États-Unis ! S’ensuit une nouvelle interrogation pour Cleo : qui est-elle ? Américaine, Cubaine ? Elle va trouver la solution dans le départ de Cuba mais elle ressent immédiatement le déchirement de l’exil : « Nous avons décollé. Je sentais Cuba se détacher progressivement de mon corps, mon âme tenter de soutenir la terre(…) Sans Cuba je n'existe pas. Je suis mon île. » Ce roman séduira par la finesse des descriptions, par la profondeur des interrogations soulevées par Wendy Guerra. La sauvegarde de l'identité, le prix de la vie intérieure y trouvent une place essentielle, et c’est heureux.

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Exil intérieur

7 étoiles

Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 9 novembre 2017

Probablement largement autobiographique, ce roman est écrit par l'auteure en se servant d'un personnage, Cléo poétesse et romancière comme elle, pour raconter son Cuba. Elle s'y sent à la fois étrangère et profondément attachée. Ayant eu l'occasion de dîner avec des exilés cubains ayant effectué un retour sur l'île, elle se décrit ainsi: "En prenant congé de tous ces gens, je compris alors mon véritable drame, j'appartenais plus à ce monde qu'à celui dans lequel il m'était échu de vivre sur cette île, et ça, c'était un problème, car je n'étais pas partie, mais je n'étais pas là non plus."
Pour décrire ce profond malaise, Wendy Guerra utilise un style de type impressionniste, multipliant les scènes et les situations, les rêves et les détails quotidiens ou les rencontres. Et cela finit par dessiner le portrait de cette insatisfaction permanente, au delà des satisfactions ponctuelles. Elle poursuit l'utilisation de ce style dans la partie du livre où l'héroïne raconte la venue d'un acteur-producteur hollywoodien qui lui livre des secrets familiaux qu'elle ignorait. Je trouve que le style impressionniste exprime très bien les sentiments du premier tiers du roman, mais peine à restituer le parcours plus linéaire des deux autres tiers.
Sur fond de critique acerbe de la stupidité du socialisme cubain, se dessine la silhouette d'une cubaine dépossédée de sa cubanité. Le fond est simple, le style complexe. Le tout se déguste comme un bonbon fourré au poivre.

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