La nuit mange le jour
de Hubert (Scénario), Paul Burckel (Dessin)

critiqué par Pucksimberg, le 2 septembre 2017
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Pour lecteurs avertis, mais alors vraiment vraiment avertis ...
Cette bande dessinée était mélangée aux nouvelles parutions à la FNAC. Je ne pensais pas qu'ils mettraient à portée de main ce genre de bande dessinée qui serait très rude pour un jeune lectorat.

Thomas, un jeune gay, est attiré par un homme plus mûr et plus expérimenté que lui. Ce qui aurait pu n'être qu'une rencontre d'un soir va devenir une vraie relation amoureuse ou sexuelle plutôt. Thomas est intrigué par des photos chez Fred ou l'on voit une jeune homme dans des situations sadomasochistes, son ex. Le jeune Thomas aura envie de tester ce genre de rapports avec Fred qui semble garder de très mauvais souvenirs de sa relation précédente avec un beau jeune homme vénéneux, celui-là même qu'il a photographié et encadré chez lui. S'ensuit une spirale infernale aux confins de l'acceptable ...

Il est très difficile d'évaluer une telle oeuvre quand on ne partage pas ce type de sexualité.La BD contient de nombreuses pages purement pornographiques au service de la narration et de l'idée principale. Ces pages sont donc cohérentes, même si elles peuvent décontenancer et indisposer le lecteur lambda.

L'atmosphère qui règne dans cette oeuvre est un peu étouffante, trouble et gênante. L'on y découvre les pulsions de personnages et l'on perçoit nettement que quand il y a de la gêne il n'y a pas de plaisir. Ici, il n'y a pas de gêne, je peux vous l'assurer !

J'avais déjà lu des bandes dessinées d'Hubert, qui ne dérangeaient absolument pas le lecteur et grand public, ici c'est autre chose, mais encore une fois cela reste au service de l'idée principale : "Certains ont peur d'aimer. D'autres aiment avoir peur." Sur un plan psychologique, cette oeuvre se révèle intéressante. On entre dans les secrets du désir, de l'avilissement dans le plaisir, dans les pulsions, dans des souhaits humains que l'on tait, sauf ici.

Cette lecture m'a été douloureuse et peu aisée car cet univers ne m'est pas familier, mais je reconnais que cette oeuvre explore avec courage et franchise un univers qui semble à la mode actuellement. Les auteurs ne tombent pas dans les clichés et abordent ce thème avec intelligence, même si cela heurte.
Oppressant... en quelque sorte ! 7 étoiles

La nuit mange le jour est une bande dessinée perturbante et, comme on dit généralement, réservée à un public averti… Tout cela étant posé, il est temps d’entrer dans cette histoire et dans la vie de ces personnages… Au départ, si on peut dire, une simple rencontre et une aventure sexuelle entre deux hommes, Thomas et Fred. C’est bien raconté, explicite, bien dessiné… mais attention, malgré les apparences, il ne s’agit pas à proprement parler d’un récit érotique ou pornographique… de toute évidence, le projet est différent et il faut passer au-dessus de cette première impression pour entrer dans une histoire complexe proche d’un thriller psychologique…

Si on a parfois l’impression d’être dans un conte – on peut penser au Petit chaperon Rouge, à Barbe-Bleue, à des récits d’ogres ou à des histoires plus sexuelles de domination – très vite on se sent plus dans un roman noir, une histoire oppressante, une affaire qui pourrait bien être criminelle… Où est passé l’ex de Fred, qu’est-il devenu et que sont ces reliques cachées que Thomas découvre par hasard et curiosité ?

Une histoire lourde, cruelle et tendue mais si bien construite que le lecteur ne peut qu’aller jusqu’au bout même quand c’est rude… Une narration graphique – celle de Burckel – qui est magnifique dans son réalisme, sa cruauté, sa manipulation du lecteur… Franchement, quand on termine la lecture, il y a comme un temps de digestion et de silence qui s’impose pour que tout cela puisse venir s’installer dans notre mémoire…

Mais, maintenant, nous devons préparer notre rencontre avec Hubert, le scénariste, lors du prochain – très prochain – festival Quai des bulles de Saint-Malo… Hubert est un scénariste français – que dis-je breton – et je le connais surtout par Miss Pas Touche et Petit. Difficile de savoir comment les étudiantes qui se sont immédiatement prise d’affection pour Petit vont gérer la rencontre. Comment vont-elles arriver à intégrer ces deux univers très différents dans les apparences mais parfois porteurs des mêmes angoisses par rapport à la vie, les autres, la relation…

Dans tous les cas, je dois avouer qu’une fois encore Hubert sait surprendre ses lecteurs et qu’à chaque projet il est accompagné de dessinateurs de qualité. Pour moi, chaque lecture est un moment de plaisir et même si le sujet peut en surprendre certains, je ne peux que vous conseiller ce La nuit mange le jour, avec bien sûr le conseil incontournable, « Pour lecteurs avertis ».

Shelton - Chalon-sur-Saône - 68 ans - 22 octobre 2017