Le député
de Xavier Cucuel (Scénario), Al Coutelis (Dessin)

critiqué par Shelton, le 20 septembre 2017
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Une bédé très citoyenne...
J’ai déjà expliqué longuement et en variant mes exemples à l’infini ou presque que la bande dessinée avait beaucoup évolué et qu’elle arrivait à une sorte de maturité. Elle pouvait maintenant aborder tous les sujets, des plus graves aux plus légers, par exemple de l’énergie nucléaire et ses risques aux découvertes de la sexualité par la jeune Heidi, des risques pour la planète du réchauffement climatique à la troisième mi-temps des joueurs de rugby des petits clubs de villages… Oui, la bande dessinée peut être documentaire, mémoires, fiction, journal, gag, policier, apprentissage… et vous pouvez continuer cette liste sans aucun souci car tout semble possible même si tout n’a pas encore été exploré !

Avec l’album étonnant Député, la noble assemblée, les auteurs, Xavier Cucuel et Al Coutelis, nous proposent une histoire politique, citoyenne et profondément humaine. Ce qui rend cette bande dessinée d’une grande actualité c’est qu’elle a été écrite avant 2015 et qu’elle sort en 2017. Or, en 2015, il n’était pas très important de parler d’un député qui découvre le palais Bourbon et tout son fonctionnement. Certes, il y avait bien régulièrement un nouvel arrivant mais jamais une masse de nouveaux arrivants… Or, en 2017, le renouvellement des députés est tel – 424 nouveaux députés – que les découvertes du héros de cette histoire, Jean-René Galopin, deviennent pertinentes pour tous et expliquent même quelques petites histoires entendues ici ou là depuis quelques mois… Oui, les auteurs de bandes dessinées peuvent parfois être en avance sur leur temps !

Sans vouloir tout raconter, disons que cette bande dessinée peut avoir quatre niveaux de lecture, chaque axe pouvant presque à lui seul justifier de la lecture de l’album. Il y a tout d’abord, indiscutablement, une visite guidée des lieux et une explication des fonctionnements de l’Assemblée, de l’accueil le premier jour jusqu’aux éléments les plus cocasses sur les commissions, les lois, le travail de nuit, les lobbies, les partis, les groupes… Tous les lecteurs apprendront sauf s’ils font partie des députés réélus depuis des années, il en reste quelques-uns…

Mais la seconde vision des choses réside dans le fait que notre ami, Jean-René Galopin, arrive comme non-inscrit. Là, on va voir, tout au long de l’histoire que cette position n’est pas si simple à tenir dans un univers qui globalement, je parle bien avant 2017, est profondément marqué par un dualisme terrible : on est de gauche ou de droite, point barre ! Je ne sais pas si les choses vont évoluer ou pas, si le macronisme mettra des nuances dans cette vision des choses politiques, ce qui est certain c'est que tout le monde voudrait voir le député Galopin s’engager dans un des deux camps…

Le troisième regard sur l’Assemblée et ses Députés réside dans le fait que Jean-René Galopin est un médecin de campagne. Il a un métier, une clientèle – d’ailleurs très hétéroclite puisque les animaux sont parfois aussi ses clients – et que son départ pour Paris déclenche des problèmes majeurs pour ses patients. On voit aussi que les remplacements en campagne ne sont pas simples du tout et que parfois des médecins roumains se retrouvent dans les campagnes françaises… C’est dans ce domaine que parfois les anecdotes sont cocasses et drôles mais je vous laisse découvrir cela par vous-mêmes…

Le point suivant est assez classique en soi mais abordé de façon exemplaire. La question est simple : peut-on faire de la politique autrement ? Tout le monde dit oui mais quand Jean-René Galopin est confronté à la réalité c’est tout de suite plus compliqué. Oui, il est confronté au choix de ses assistants, au courrier reçu, aux pressions des lobbies, au jeu politicien des uns et des autres… Oui, rien n’est simple même si on est plein d’envies respectables et de bonnes intentions…

Enfin, dernier volet et pas le moindre, la bande dessinée nous montre un visage pas toujours simple de la vie humaine d’un député qui est très souvent en déplacement, qui vit en décalé par ses horaires, qui ne voit pas sa famille aussi souvent qu’il le souhaiterait… oui, le côté humain est loin d’être négligé c’est peut-être même un des points forts de l’album… On peut mettre aussi dans ce domaine l’attachement de chaque député à son terroir, sa cuisine, ses produits, ses habitudes…

Je ne suis pas un spécialiste de l’Assemblée même si j’y suis allé quelques fois y compris dans le cadre de rencontres de travail avec des députés, mais je crois que cette bande dessinée apporte beaucoup de clefs de compréhension du travail législatif ce qui en fait un outil d’éducation civique de qualité. Pas étonnant que Jean-Louis Debré, qui a été député, ministre, président de l’Assemblée puis du Conseil constitutionnel, ait accordé une préface à cette bande dessinée !

Oui, il s’agit bien d’une bande dessinée à lire et faire lire… comme quoi, la bédé, ce n’est pas que du gag et de la légèreté !