L'homme de l'année Tome 12 1927: Le Robot de Metropolis
de Jean-Pierre Pécau (Scénario), Filip Andronik (Dessin), Senad Mavric (Dessin)

critiqué par Shelton, le 22 septembre 2017
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Une belle bande dessinée et l'évocation d'un grand film...
Je sais bien que certains lecteurs sont lassés des séries concept qui n’en finissent pas de continuer… L’abondance fatigue et le lecteur-acheteur dont le budget est limité ne peut pas suivre en continu, surtout si un album est moins bon un jour et qu’il a regretté son achat… Or, comme le dit si bien Arleston, si certains albums sont meilleurs, c’est que d’autres sont moins bons…

Dans ces séries qui usent un peu les lecteurs, il y a L’homme de l’année dont le douzième tome vient de sortir, un excellent album, 1927, Le robot de Metropolis.

Je ne veux pas dire ici que tous les albums de cette série méritent d’être portés au pinacle de la bande dessinée, je vais simplement dire que cette série est constituée de one shot, c’est-à-dire des histoires qui n’ont aucun lien entre elles et que l’on peut acheter et lire uniquement les titres qui nous intéressent, les dévorer dans l’ordre que l’on veut, en fonction de nos envies et appétits… et c’est ce qui en fait la richesse ! C’est ainsi que dans cette série, avec des scénaristes et dessinateurs variés, j’ai aimé tout particulièrement 1917, 1871, -44, 1886, et que j’ai apprécié au plus haut point ce 1927 !

Tout d’abord, pour ceux qui n’ont jamais ouvert un album de cette série, précisons que le concept est simple : une année importante de l’histoire de l’humanité avec un évènement clef, un personnage qui a vécu cet évènement voire qui en a été un acteur majeur, connu ou inconnu… Un album raconte le personnage et l’évènement et le lecteur plonge dans l’histoire – la grande et la petite – et passe un très agréable moment de lecture…

1927, ce fut l’année, entre autre, de la première du film Metropolis. On est à Berlin, encore pendant la République de Weimar, au moment où le parti nazi, NSDAP, monte en puissance, et Fritz Lang, peut-être un des plus grands cinéastes du monde, présente ce film… Le film sera un échec, le montage ne correspondra pas à ce que voulait Fritz Lang, la censure s’exerce déjà et les critiques vont lui tomber dessus…

Les auteurs nous proposent de partir à la découverte de ce film en suivant le tournage… Le héros principal, si on peut dire, sera le robot et l’actrice, Brigitte Helm, qui se glissera à l’intérieur…

Tout au long de l’histoire on va comprendre comment le projet initial de Fritz Lang sera contrecarré ou modifié par son épouse en tout premier lieu, Thea von Harbou, très proche des nazis qu’elle finira par rejoindre définitivement après son divorce… On sent bien aussi que Fritz Lang n’est pas très solide politiquement parlant. Il hésite et sa seule façon de rester indépendant est de refuser l’actrice que les nazis avaient choisie pour lui et c’est ainsi que l’illustre inconnue Brigitte Helm se retrouve avec ce qui sera quasiment son unique rôle…

Le film, film muet et musical, est un film d’anticipation que les nazis auraient voulu voir devenir un outil de propagande. Mais le résultat n’est pas si simple à analyser car on va naviguer entre la lutte des classes et l’entente entre les classes avec comme perturbateur le robot. Il y a aussi un aspect mystique dans le film, presque religieux, et une touche romantique à l’allemande… Il s’agit d’une adaptation du roman de Thea von Harbou qui écrit elle-même : le médiateur entre le cerveau et les mains ce doit être le cœur !

Page après page, jour de tournage après jour de tournage, on comprendra pourquoi ce sera un grand échec financier, humain et politique. Aujourd’hui encore ce film fait parler et écrire car il y a tout un mystère sur les différentes versions de ce film suite à différents problèmes de montage… En 2010, certains ont pu voir une version restaurée du film de 145 minutes, probablement dans un montage très proche de celui que souhaitait Fritz Lang…

Jean-Pierre Pécau, passionné des œuvres de Fritz Lang, reste très accessible à ceux qui ne connaissent pas le film et qui n’auront ensuite qu’une envie, voir Metropolis en version restaurée… Le dessin d’Andronik et Mavric est de très bonne qualité, précis, documenté et il permet une narration graphique efficace autour du film sans copier le film lui-même… Du très bon travail !

Je ne peux que vous recommander cette bande dessinée que vous aimiez ou pas le cinéma de Fritz Lang. Si par le plus grand des hasards, vous ne connaissez pas, ce sera l’occasion de faire sa découverte car 1927, Le robot de Metropolis peut être aussi la clef d’ouverture du film !